mardi, janvier 06, 2015

Eloignement des étrangers et l'urgence : de la subtilité du choix de la forme collégiale du tribunal administratif ou juge unique

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) détermine les conditions dans lesquelles le tribunal administratif statue sur les recours formés contre certaines des décisions qui visent à procéder à l'éloignement d'un étranger du territoire français. Le paragraphe I de cet article dispose que l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire peut, dans les trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif d'annuler cette mesure ainsi que la décision relative au séjour, celle mentionnant le pays de destination et celle d'interdiction de retour qui l'accompagnent le cas échéant. Le tribunal administratif statue alors dans un délai de trois mois.

Toutefois, si l'étranger fait ensuite l'objet d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence en application de l'article L.561-2 du même code, le paragraphe I précise qu'il est alors statué selon la procédure prévue au III du même article. L'article L. 512-1, III du CESEDA prévoit que, lorsque l'étranger fait l'objet d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence, l'obligation de quitter le territoire (OQTF) dont il fait l'objet doit être contestée, dans les quarante-huit heures, devant un magistrat désigné qui statue dans les soixante-douze heures, à l'issue d'une audience publique qui se déroule sans conclusions du rapporteur public.

Selon l’article R. 776-18 du Code de justice administrative (CJA) : 

« La requête est présentée en un seul exemplaire. (…) Les décisions attaquées sont produites par l'administration. »

Il n’est donc pas nécessaire de fournir l’arrêté préfectoral, c’est le préfet qui devra le faire.

Selon l’article R. 776-19 du même code :

« Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours de contentieux, auprès de ladite autorité administrative. Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, mention du dépôt est faite sur un registre ouvert à cet effet. Un récépissé indiquant la date et l'heure du dépôt est délivré au requérant. L'autorité qui a reçu la requête la transmet sans délai et par tous moyens au président du tribunal administratif. »

Il n’est donc pas nécessaire de saisir par télécopie le Tribunal administratif, l’étranger peut le faire directement en s’adressant aux agents du Centre de rétention administrative (CRA).

Selon une jurisprudence ancienne, si le recours a été remis à l'administration dans les délais, mais n'a pas été transmis en temps utile au greffe du tribunal administratif, il reste recevable (CE, 27 janv. 1992, n° 125409).

De même, si, dans le délai de recours contentieux, l'étranger manifeste devant le juge judiciaire sa volonté de déposer une requête contre la mesure de reconduite à la frontière, mais qu'il n'a pas été mis à même de le faire à l'issue de l'audience, la forclusion ne lui est pas opposable (CE, 19 juin 1998, n° 183002).

Il est donc nécessaire de vérifier les mentions figurant sur les ordonnances du juge des libertés et de la détention (JLD), si tel a été le cas.


Enfin, la procédure de l'article L. 512-1, III du CESEDA cesse de s'appliquer dès qu'il est mis fin à l'assignation [administrative et non judiciaire] ou à la rétention de l'étranger, « pour quelque raison que ce soit ». Cela voudrait dire que s’il s’agit d’une intervention du JLD cela est également possible, et pas seulement à l’initiative de l’administration. Aussi, dès que la rétention a pris fin, la procédure de droit commun prévue à l'article L. 512-1, I du CESEDA redevient applicable et le recours formé par l'étranger contre l'OQTF prise à son encontre (mais également de l’ensemble des décisions subséquentes) relève de la formation collégiale du tribunal administratif (CE, avis, 29 déc. 2014, n° 382898).