lundi, mai 16, 2011

7ème loi sur l'immigration en france depuis 2002



Sur la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion, le texte a finalement retenu la version de l'Assemblée et du gouvernement: l'intervention du juge des libertés et de la détention sera dorénavant repoussée à cinq jours (au lieu de deux actuellement). 

Après plusieurs mois de navettes et trois ministres successifs, le Parlement français a définitivement adopté mercredi le projet de loi sur l'immigration qui durcit les règles d'éloignement des étrangers sans papiers.

L'Assemblée a approuvé le texte dans l'après-midi par 297 voix contre 193, et le Sénat a donné l'ultime feu vert dans la soirée par 182 voix contre 151. Après le retrait, en mars, sous la pression des centristes, de l'extension de déchéance de nationalité, il restait deux enjeux majeurs à ce projet : l'encadrement du droit au séjour des sans-papiers atteints de pathologies graves et le contentieux de l'éloignement des sans-papiers placés en rétention.

Le titre de séjour "étrangers malades" ne pourra dorénavant être accordé qu'en cas d'"absence" du traitement approprié dans le pays d'origine. L'opposition de gauche a pourtant fait valoir que si les traitements ne sont pas "absents", ils n'en sont pas moins, souvent, inaccessibles à de nombreux malades, notamment pour des raisons financières ou géographiques. La nouvelle disposition prévoit cependant que l'autorité administrative pourra prendre en compte des "circonstances humanitaires exceptionnelles" pour l'attribution du titre de séjour, après avoir recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé.





"TEXTE ÉQUILIBRÉ"

Sur la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion, le texte a finalement retenu la version de l'Assemblée et du gouvernement : l'intervention du juge des libertés et de la détention sera dorénavant repoussée à cinq jours (au lieu de deux actuellement). La mesure, considérée comme le "cœur de la réforme" sur l'immigration, vise à une meilleure efficacité des procédures d'éloignement, puisque actuellement moins de 30 % des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières.

Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a salué "un texte complet et équilibré pour une politique d'immigration efficace et juste". La gauche a renouvelé son intention de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel et stigmatisé un texte qui aura été "l'occasion de défaire notre pacte républicain", selon les termes de la députée PS Sandrine Mazetier.


Aller plus loin :  
Texte définitif du projet de loi voté le 11 mai au sein des deux chambres du Parlement.
C’est un texte qui n’a pas encore valeur officielle, élaboré par les services du Sénat. [ Ceseda consolidé ] - [ Autres codes consolidés ]






Un audit de la politique d’immigration pour sortir de l’opacité et de l’instrumentalisation : synthèse du rapport parlementaire

Extraits du rapport : Synthèse


La politique migratoire souffre d’opacité et de manque de transparence. Le débat est souvent tronqué par la manipulation constante des objectifs.
 
Parlementaires et citoyens ne sauraient se satisfaire des orientations, des objectifs et donc des réalisations présentés par le gouvernement. Dans cette politique, il convient d’interroger les objectifs eux-mêmes, d’évaluer et d’examiner de manière transparente, tous les termes et tous les fondements de la politique menée. C’est précisément la démarche de l‘Audit de la politique d’immigration, d’intégration et de codéveloppement, que nous avons engagée il y a un an.

Nous avons auditionné 35 chercheurs, experts, témoins, acteurs professionnels, syndicalistes, associatifs qui ont répondu favorablement à nos sollicitations.

En revanche, nous ne pouvons que regretter la fin de non-recevoir des « responsables » institutionnels de la politique actuelle chaque fois que nous les avons sollicités : de Maxime Tandonnet, conseiller du Président de la République, à Patrick Stefanini, ancien Secrétaire général du Comité Interministériel de contrôle de l’immigration, en passant par Xavier Bertrand, ancien Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité.
Le questionnement était pourtant nécessaire et légitime. Il peut se résumer aux interrogations suivantes :
  1. Est-il vrai que la France, et plus généralement l’Europe, s’exposent à accueillir « toute la misère du monde » si elles relâchent leur politique actuelle de maîtrise des flux migratoires ?
  2. Est-il vrai que les immigrés coûtent cher à la France – soit parce qu’ils pèsent sur le budget de l’Etat, soit parce qu’ils affectent négativement l’emploi et les salaires ?
  3. Est-il vrai, comme le gouvernement l’affirme, que l’intransigeance à l’encontre des sans-papiers favorise l’intégration des migrants en situation régulière et la lutte contre les discriminations raciales ?
  4. Est-il vrai que la politique française de rétention, de reconduites à la frontière, d’asile et d’immigration familiale participe de la « démocratie irréprochable » que le président de la République prétend instaurer ?
  5. Est-il vrai que le « développement solidaire » a vocation à se substituer avantageusement à l’immigration ?
Et, au final, est-ce l’immigration qui pose problème ou la politique menée ?

Changer d’échelle et penser les enjeux des migrations internationales

Les migrations sont un fait planétaire contemporain auquel n’échappe aucune région du monde. 3,3 % des hommes sur la planète sont en migration et la France compte elle même 2,5 millions d’expatriés et ce n’est pas récent. Le Professeur d’économie El Mouhoub Mouhoud a mis en lumière la complémentarité de l’ouverture aux échanges internationaux (biens, services, idées) et du développement des flux migratoires.

Les flux migratoires se sont diversifiés : les logiques migratoires gagnent aussi les migrations sud-sud qui représentent 40 % des migrations dans le monde.

Les profils migratoires ont également évolué et, contrairement au sens commun, ce ne sont pas les personnes les plus démunies qui peuvent émigrer. Présentant les premiers résultats de l’enquête INSEE-INED « trajectoire et origine », Chris Bauchemin a montré que les migrants subsahariens ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur aux personnes vivant en France métropolitaine (40% d’entre eux sont diplômés du supérieur). La migration internationale est en effet extraordinairement sélective.

La motivation économique est au centre de la mécanique migratoire. Le Directeur des ressources humaines de Véolia Propreté, Pascal Decary, a posé le principe selon lequel « les marchés économiques sont les premiers moteurs des migrations internationales ». Sans économie attractive, il n’y a pratiquement pas de migrations.

Gildas Simon, géographe et Professeur émérite à l’université de Poitiers, a montré que la réciproque des transferts financiers vers les pays d’origine est un sujet sous-évalué. Ils représentent la forme de redistribution des richesses la plus efficace à l’échelle du monde. La part de l’argent transféré par des Français de l’étranger vers la France est de l’ordre de 12 milliards d’euros.

En imposant le terme « d’immigration », beaucoup de responsables politiques font sciemment l’impasse sur la réalité des mobilités. Selon les chiffres de l’INSEE présentés par Hervé Le Bras, 5 ans après leur entrée, seuls 60% des titulaires d’un titre de séjour sont encore sur le territoire français.


Quels effets macroéconomiques pour les migrations internationales ?

Enquête emploi à l’appui, Hervé Le Bras a montré que le taux d’activité entre des étrangers de 30 à 49 ans et des Français du même âge est sensiblement identique (90% et 95%).

Comme l’a souligné Jean-Pierre Garson, économiste à l’OCDE, les migrants sont présents dans tous les secteurs de l’économie, avec une complémentarité sur le marché du travail dont les besoins sont divers en qualifications. Une politique migratoire ayant pour objectif de ne recruter que des personnes qualifiées relève donc du contresens économique et social.

Membre du Conseil d’orientation des retraites, Didier Blanchet a ainsi mis en lumière le fait que si l’immigration ne peut lutter à elle seule contre le vieillissement, elle compense partiellement le déficit de naissance. Quant au professeur d’économie Lionel Ragot, il a souligné que si la France optait pour une « immigration zéro », ce n’est pas 3% du PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale, mais 5 % du PIB.

Quant à l’impact des migrations sur le marché du travail, Joël Oudinet, Maître de conférence à l’Université Paris 13, a montré que le travail des immigrés ne « concurrencerait » qu’une fraction du salariat issu des anciennes vagues d’immigration.

La politique de co-développement dévoyée

L’audit a consacré une séance au codéveloppement car il s’agissait d’une thèse de la politique d’immigration reposant sur le postulat que l’aide au développement et les actions sectorielles dans les pays d’origine permettent de maîtriser les flux migratoires et de fixer les populations.

Pourtant, le résultat est inverse : le développement encourage la mobilité des personnes et la mobilité des personnes apparaît comme un facteur de développement.

Le budget consacré à l’« aide au développement » par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire s’élève à 30 millions d’euros, une part négligeable sur un total de 590 millions d’euros.

Le gouvernement a signé 14 accords de gestion concertée des flux migratoires qui conditionnent des aides sectorielles à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière. Il s’agit, avant tout, de coopération policière et non de développement. Par exemple, la Tunisie a négocié 40 millions d’euros sur 3 ans, dix fois plus que le Burkina Faso, dont le PIB est cinq fois inférieur et l’indice de développement humain deux fois inférieur.

Comme l’ont souligné le Président du Forim – Mustapha Bourras – et Sarah Rosengaertner, présentant l’initiative conjointe sur la migration et le développement élaborée par l’Union Européenne et les Nations Unies, d’autres approches existent, valorisant le potentiel de chaque migrant. Or les grands absents de cette politique de co-développement sont justement les migrants eux-mêmes.
 
L’asile : un droit consacré aujourd’hui menacé.

Systématiquement, le gouvernement affirme que « la France est le pays le plus généreux en matière d’asile ».

Les chiffres du HCR, dont a fait état l’anthropologue Michel Agier, indiquent 12 millions de réfugiés statutaires dans le monde, 1 million de demandeurs d’asile, 6 millions de personnes dans des camps de réfugiés, 25 à 30 millions de déplacés dans leur propre région et 12 millions de personnes apatrides. Ils montrent l’état des persécutions et des conflits dans le monde, tout en relativisant les 52 762 dossiers déposés auprès de l’OFPRA en 2010. Pourtant, comme le notait Michel Agier, on assiste aujourd’hui à une dramatisation et à une instrumentalisation de ces chiffres dans le traitement politique de la situation des réfugiés en provenance du Maghreb.

Claudia Charles, juriste au GISTI, Philippe Leclerc, Représentant du HCR pour la France, Matiada Ngalikpima, du Forum Réfugié, Éléonore Morel, Directrice Générale de l’Association Primo Lévi et Marielle Bernard, ancienne responsable du service social de la CAFDA ont montré les restrictions au droit d’asile, qui risque de devenir une variable d’ajustement de la politique migratoire.

Une politique du chiffre qui détourne l’administration et la police de leurs véritables missions.

Pour faire preuve de « fermeté », le gouvernement n’en vient plus à parler que « d’immigration irrégulière » et que de « quotas d’expulsion ». De quoi s’agit-il ?

Comme l’a souligné Yannick Blanc, ancien directeur général de police administrative de la préfecture de police de Paris, a faire du chiffre un enjeu politique revient à placer sous la contrainte une longue chaîne d’acteurs : l’administration de la préfecture, le tribunal administratif, les centres de rétentions, le juge des libertés et de la détention, les consulats, les services qui sont chargés de l’escorte, de la reconduite, tous détournés de leur mission principale. Ce traitement policier mobilise beaucoup de fonctionnaires, de service et de forces de police, au détriment de la sécurité publique de l’ensemble de nos concitoyens.

Yannick Danio, délégué national du syndicat Unité Police SGP-FO, s’est ainsi montré clair à ce sujet : les policiers vivent de plus en plus mal les missions qu’ils doivent remplir. Comme l’a révélé Yannick Blanc, ne sont interpellées que certaines catégories d’étrangers : celles dont l’administration est certaine d’obtenir des laissez-passer consulaires.

Jean-Marie Delarue a mis en lumière les ressorts du traitement policier de l’immigration et la logique du chiffre en matière d’infraction à la législation sur les étrangers. Le nombre d’interpellations en la matière a doublé entre 2002 et 2008, passant de 55.000 à 119.800. Le nombre de places en rétention est passé de 944 en 2004, à 2019 fin 2010. Sur cette période, la durée légale de rétention a augmenté de 150%.

Malgré cette « mobilisation », le nombre d’exécutions des mesures de reconduite à la frontière reste stable, comme celui des personnes en situation irrégulière.

Mais comme le montre Christian Mouhanna, les objectifs concernant les infractions à la législation sur les étrangers sont fondamentaux dans la politique statistique du ministère de l’intérieur : le taux d’élucidation de ces infractions était de 99,79 % en 2009. Elles ont justifié 80.063 gardes à vue, soit 16,67 % du total. Danièle Lochak, Professeur de droit constitutionnel, évoque une logique d’ « accoutumance à la répression ».

Comme l’a souligné Jean-Pierre Bandiera, le contentieux des étrangers est devenu massif, provoquant l’embolie des tribunaux. Les objectifs assignés à l’autorité administrative amènent à remettre en cause les droits fondamentaux, ce qui provoque l’annulation de nombreuses procédures. Flor Tercero, avocate, représentant l’Association de défense des droits des étrangers, a montré que ce n’est pas sur le juge que repose la responsabilité de cette annulation, mais sur le manquement aux droits d’une personne qui est privée de liberté.

Or cette politique a un coût. Pierre Bernard-Reymond, Sénateur des Hautes-Alpes, rapporteur spécial de la mission «Immigration, asile et intégration» du projet de loi de finances pour 2011, insista sur l’impuissance de l’administration à quantifier le coût de cette politique. C’est à la fois, le coût de l’interpellation, le coût des contentieux, le coût de la rétention, le coût de la reconduite. Son estimation s’élevant à 415 millions d’euros, est bien supérieure à celle commandée fin 2009 par le Ministère de l’immigration et réalisée par l’inspection générale de l’administration, qui atteint 232 millions d’euros.

L’OCRIEST (Office Central de Répression et du trafic, sans papier, sans titre de séjour) chargé du service de répression des filières clandestines, souffre d’un manque d’effectifs et l’UNESI (Unité Nationale d’Escorte) n’a pas les moyens de fonctionner.

La précarisation du séjour des étrangers présents sur notre sol.

Comme l’a souligné le Secrétaire Général de la Cimade, la précarisation du séjour se caractérise par la généralisation des titres de séjour de plus en plus courts qui placent les étrangers dans une instabilité économique et sociale. Le durcissement des critères, les lois à répétition, le caractère arbitraire des procédures, participent de cette précarisation et installent une insécurité permanente.

Comme l’ont souligné les partenaires sociaux auditionnés, les objectifs affichés de « fermeté » et de lutte contre l’immigration clandestine nourrissent un marché du travail informel qui existe de manière permanente dans nos sociétés. Certains n’hésitent pas à profiter de ce système pour exploiter la détresse humaine et en tirer un profit très substantiel, en mettant en concurrence les travailleurs. Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT et Raymond Chauveau, Secrétaire général CGT dans l’Essonne, ont montré que la situation des travailleurs sans-papiers précarise l’ensemble du marché du travail. Les services à la personne, la restauration ou le bâtiment ont recours de manière systématique au travail illégal. Le mouvement de grève des travailleurs sans papiers a entraîné une prise de conscience de la réalité économique et sociale du travail clandestin.

Pascal Decary, Directeur des ressources humaines de Véolia propreté, a rappelé la forte proportion de travailleurs étrangers dans son secteur. Selon lui, la mécanique administrative actuelle, stricte et rigide, revient à jeter les étrangers dans les systèmes informels du travail au noir. La régularisation des salariés permettrait de lutter contre la concurrence déloyale et d’assécher les sources d’immigration clandestine.

Les conséquences d’une politique de désintégration.

Gérard Noiriel a remis en perspective la construction du clivage entre nationaux et étrangers, qui s’est substitué au clivage salariat / patronat et permet, encore aujourd’hui, de masquer les revendications sociales. Ainsi, se sont imposées les idées de « chaos migratoire » et de « pressions aux frontières », de « bons immigrés ».

Patrick Weil a souligné l’importance de ce discours et sa signification véritable à travers les mots du discours de Grenoble, prononcé le 30 juillet 2010 par le Président de la République. En proclamant « nous payons les cinquante dernières années d’erreur de la politique migratoire » et en créant une catégorie de « français d’origine étrangère », le Président de la République, constitutionnellement reconnu comme garant de l’unité de la République, laisse entendre qu’un certain nombre de nos compatriotes ne méritent pas la qualité de citoyen français.

La force symbolique de ce discours est donc déstructurante et désintégratrice pour tous. A l’image de la politique migratoire, ce discours ne déstabilise pas uniquement les étrangers. Il blesse tous les Français.


Lire le rapport en ligne

Immigration : Contrevérités, non-dits et idées reçues à l’index

Immigration : Contrevérités, non-dits et idées reçues à l’index

20minutes.com, le 16.05.11

Un audit sur la politique d’immigration de la France à l’initiative de parlementaires de toutes sensibilités politiques, rendu public mercredi, apporte un éclairage sur des aspects souvent peu ou mal connus du grand public et lève nombre de contrevérités, d’idées reçues et de non-dits.



Il y a un an, des parlementaires (députés, sénateurs, eurodéputés) lançaient un audit de la politique d’immigration, d’intégration et de co-développement de la France. Au cours des travaux de cet audit, 35 experts ont été auditionnés (chercheurs, sociologues, démographes, historiens, hauts fonctionnaires, policiers, magistrats, avocats, représentants de syndicats d’employeurs ou de salariés, organisations internationales, etc.). «Il s’agissait alors d’interroger les objectifs du gouvernement, d’évaluer et d’examiner de manière lucide, sereine et concrète tous les termes et tous les fondements de cette politique migratoire. En quelques mots, est-ce l’immigration qui pose problème ou la politique menée depuis des années ?», précisent les initiateurs de l’audit qui estiment que «la politique migratoire souffre d’opacité et de manque de transparence.

Le débat est souvent tronqué par la manipulation constante des objectifs.» Cet audit relève, par exemple, que selon les premiers résultats de l’enquête INSEE-INED «trajectoire et origine», les migrants subsahariens ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur à celui des personnes vivant en France métropolitaine (40% d’entre eux sont diplômés du supérieur). Et aussi qu’«en imposant le terme d’immigration, beaucoup de responsables politiques font sciemment l’impasse sur la réalité des mobilités». A l’appui de ce constat, les chiffres de l’INSEE présentés par le démographe Hervé Le Bras, 5 ans après leur entrée, relèvent que seuls 60% des titulaires d’un titre de séjour sont encore sur le territoire français. Enquête emploi à l’appui, Hervé Le Bras a montré que le taux d’activité entre des étrangers de 30 à 49 ans et des Français du même âge est sensiblement identique (90% et 95%).

Les migrants sont présents dans tous les secteurs de l’économie avec une complémentarité sur le marché du travail dont les besoins sont divers en qualifications, comme l’a souligné Jean-Pierre Garson, économiste à l’OCDE. «Une politique migratoire ayant pour objectif de ne recruter que des personnes qualifiées relève donc du contresens économique et social».
Membre du Conseil d’orientation des retraites, Didier Blanchet a mis en lumière le fait que si l’immigration ne peut lutter à elle seule contre le vieillissement, elle compense partiellement le déficit de naissance. Le professeur d’économie Lionel Ragot a souligné que si la France optait pour une «immigration zéro», ce n’est pas 3% du PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale mais 5%.

En matière de co-développement, le gouvernement français a signé 14 accords de gestion concertée des flux migratoires qui conditionnent des aides sectorielles à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière. «Il s’agit, avant tout, de coopération policière et non de développement», relève encore le rapport. Par ailleurs, «la précarisation du séjour se caractérise par la généralisation des titres de séjour de plus en plus courts qui placent les étrangers dans une instabilité économique et sociale», souligne le secrétaire général de la Cimade. «Le durcissement des critères, les lois à répétition, le caractère arbitraire des procédures participent de cette précarisation et installent une insécurité permanente», signale le rapport. «La mécanique administrative actuelle, stricte et rigide, revient à jeter les étrangers dans les systèmes informels du travail au noir», note Pascal Decary, directeur des ressources humaines de Véolia propreté, dont le secteur compte une forte proportion de travailleurs étrangers. «La régularisation des salariés permettrait de lutter contre la concurrence déloyale et d’assécher les sources d’immigration clandestine», indique le rapport.

Pour ce qui est de l’asile, la «générosité» de la France est mise à mal par les chiffres du HCR, dont a fait état l’anthropologue Michel Agier, indiquant 12 millions de réfugiés statutaires dans le monde, 1 million de demandeurs d’asile, 6 millions de personnes dans des camps de réfugiés, 25 à 30 millions de déplacés dans leur propre région et 12 millions de personnes apatrides. Ils montrent l’état des persécutions et des conflits dans le monde, tout en relativisant les 52 762 dossiers déposés auprès de l’OFPRA en 2010.
Les parlementaires présents à la présentation de l’audit à la presse ont regretté le refus des responsables institutionnels de répondre à leurs sollicitations. Ces parlementaires entendent toutefois «peser» sur le sujet ou «interpeller» leurs formations respectives.
Martine Billard (parti de gauche) a fait état d’une autre étude selon laquelle si les immigrés «coûtent» annuellement 47,9 milliards d’euros en dépenses de protection sociale, ils rapportent 60,3 milliards en cotisations, soit un solde largement positif.

l'impact de l'immigration sur l'économie française

Le gouvernement relance le débat d'une immigration malsaine pour l'économie. Ces préjugés bien ancrés n'ont pourtant aucune réalité. Explications.


La France accueille chaque année 100.000 personnes. Soit un des taux les plus faibles d'Europe. En 1920, 300.000 étrangers entraient dans l'hexagone contre 200.000 en 2010, pendant que simultanément 100.000 étrangers quittaient le territoire.

L'argument faisant état d'immigrés "profitant du système", argument sans cesse rabâché par les partisans d'une diminution de l'immigration, n'est qu'une illusion selon une étude des chercheurs du Cepii détaillée dans les Echos. Ils ajoutent que seule la forte concentration géographique d'étrangers peut donner le sentiment aux Français de "ne plus être chez eux", pour reprendre les termes de Claude Guéant.
Nouvelobs.com passe en revue les trois principaux préjugés sur l'immigration.

1. "Les immigrés profitent du système français"


FAUX
- Les populations immigrées non communautaires sont à première vue plus souvent bénéficiaires de la protection sociale (hors retraite et santé). A priori, les chiffres pourraient confirmer cette idée. Mais l'étude du Cepii montre que si, en 2005, les immigrés du Maghreb et du reste de l'Afrique étaient plus nombreux à bénéficier de l'allocation chômage et du RMI en proportion du nombre de Français, ces mêmes immigrés sont en majorité des actifs. Ainsi, s'ils paraissent toucher plus d'aides de l'Etat, ils cotisent aussi proportionnellement plus que les Français de souche.
- Peu d'immigrés ont plus de 60 ans (la tranche d'âge bénéficiant le plus de la protection sociale, retraite et dépenses de santé). Ils ont donc un impact faible sur les dépenses sociales de l'Etat, bien que le taux de chômage dans la population immigrée est plus élevé que la moyenne nationale.
- La présence d'immigrés serait même positive pour le budget français puisque l'apport régulier d'actifs permet une réduction du fardeau fiscal du vieillissement la population.

2. "Diminuer l'immigration fait baisser le chômage"

FAUX
- Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, soutient qu'il est possible de diminuer le chômage en réduisant le nombre d'immigrés.
Cette affirmation suppose que les chômeurs français occuperaient les postes aujourd'hui détenus par des travailleurs immigrés. Or, ces derniers sont le plus souvent salariés à des emplois pénibles (restauration, bâtiment, travaux publics), précaires, moins bien payés, qui n'intéressent pas les chômeurs français.
Faire diminuer le nombre d'immigrés pourrait même avoir un effet néfaste : augmenter les tensions sur le marché de l'emploi, faire croître le travail au noir et donc l'immigration illégale.
L'étude va plus loin en affirmant qu'avec la crise économique, les immigrés auraient joué un rôle d'amortisseur pour l'ensemble du marché du travail.

3. "L'immigration compense le vieillissement de la population"

VRAI ET FAUX
L'immigration ne peut le compenser qu'en partie seulement. L'immigration a un impact positif sur la population active. Ainsi si 150.000 personnes immigrent par an en France, il y aura 1 million d'actifs de plus en 2040.
Mais les flux actuels de l'immigration sont trop faibles pour diminuer la différence entre actifs et inactifs. Il faudrait plusieurs millions d'immigrés chaque année, ce qui aboutirait au doublement de la population française tous les quarante ans. Ainsi l'immigration n'est pas une solution au vieillissement. Ses aspects positifs ne sont que temporaires.

Nouvelobs.com

Rapport du CEPII sur l'immigration

Le rapport de parlementaires sur l'immigration

Immigration: le rapport qui tape dur mais vise mal
Source : marianne2.com

Des parlementaires de tous bords ont rendu un rapport très fourni sur l’immigration. S’il frappe parfois juste, il pêche par un certain angélisme et une mauvaise appréciation de la politique actuelle. Injuste, cette politique est surtout incapable de réguler les flux migratoires.

Qu’on se le dise. Lorsque la gauche critique la politique migratoire, elle s'est pendant longtemps contenté d’assimiler Nicolas Sarkozy et ses ministres au FN voire pire. Guère constructif. Mais elle sait aussi faire preuve de pluralisme et répondre point par point et associer des parlementaires de tous bords. Un groupe de parlementaires présidé par la députée PS Sandrine Mazetier vient d’ailleurs de rendre un rapport fleuve (332 pages) sur l’immigration. Le groupe est composé de parlementaires de toutes tendances y compris l’UMP Etienne Pinte (un féroce critique du gouvernement, il est vrai) et, jusqu’à son entrée au Gouvernement en novembre, Marie-Anne Montchamp. De juin 2010 à mars 2011, ils ont auditionné publiquement des experts, praticiens, militants associatifs travaillant sur le sujet.

Sur le papier, on pouvait s’attendre à un rapport juste et précis, ramenant enfin le débat sur l’immigration dans des termes rationnels et non dans le Point Godwin permanent. Mais dans les faits, le rapport, certes conséquent, déçoit. Sur la forme d’abord, il se contente de rassembler des comptes-rendus d’auditions et des contributions de parlementaires. Mais pas de liens entre les parties ni de contre-propositions, comme s’il s’agissait de compiler des chiffres au lieu de définir une ligne politique. Il est vrai qu’il était difficile de s’accorder entre différentes tendances. Au sein du PS, c'était déjà dur, le programme du parti reste encore flou sur le sujet parlant juste d’une « loi de programmation et d’orientation » et « d’objectifs » à fixer. Sans dire ce que serait ces objectifs : quotas de migrants, de régularisations…

De ce rapport, qui vise donc plus la quantité que la qualité, on peut toutefois dégager un angle. Avec des arguments concrets, il essaie de démonter les préjugés sur l’immigration. Tout d’abord, « est-il vrai que la France, et plus généralement l’Europe, s’exposent à accueillir toute la misère du monde si elles relâchent leur politique actuelle de maîtrise des flux migratoires ? ». Sur ce point, Sandrine Mazetier a répondu par des chiffres lors d'une conférence de presse mercredi. Elle a d'abord minimisé la taille des flux migratoires notant que seule « 3% de la population mondiale est mobile » et « 40% » de ces flux se font au sein des pays du Sud. Elle ajoute que « 40% » des migrants d’Afrique subsaharaienne arrivant en France sont des diplômés du supérieur. Contrairement aux préjugés, elle a également affirmé que les crises économiques contraignent l’immigration car « immigrer coûter cher ». En 2009, au cœur de la crise, le nombre de visas Schengen attribués ont baissé de 16%.

Quel coût réel pour l'immigration ?
Théoriquement, le raisonnement n’est pas faux, dans une crise mondiale, les jeunes migrants n’ont plus forcément les moyens de faire des études à l’étranger, les entreprises des pays d’accueil cherchent moins à embaucher. Dans les faits, on a bien vu qu’une déstabilisation politique et économique d’un pays pouvait amener un brusque afflux migratoire, comme c’est le cas avec la Tunisie. Si les conséquences ne sont pas celle d’un « tsunami migratoire », la crise de Lampedusa a posé des problèmes d’accueil des migrants tant en France qu'en Italie. Malgré cette volonté de produire un discours crédible, les opposants à Sarkozy et Guéant restent dans un certain angélisme.

Deuxième préjugé : les immigrés coûtent-ils cher à la société ? Sandrine Mazetier a cité les chiffres de l’économiste Lionel Fagot, auditionné pour le rapport. Selon elle, un migrant participe en moyenne à hauteur de 2250 euros aux budgets publics avec leurs impôts et cotisations sociales contre 1500 euros pour un natif. L’écart, présenté ainsi par la députée, paraît délirant. On pourrait presque penser que les immigrés français sont tous soumis à l’ISF. En fait, ce chiffre ne prend pas en compte les différentes structures d’âges, les immigrés comptant moins d’enfants et de retraités dans leurs rangs. Une chose expliquée par… Lionel Ragot au cours de son audition. « Mais ce qui explique cette différence (…) c'est tout simplement qu'on n'a pas la même structure par âge de la population immigrée, ils sont concentrés dans la population active, celle qui est vraiment contributrice nette et sont moins importants dans les populations jeunes et plus âgées », signale l’économiste (page 64).

Dans cette optique, le coût de l’immigration semble une chose plus complexe que le chiffre avancé par Sandrine Mazetier. Si les immigrés de plus de 60 ans perçoivent naturellement une retraite plus faible, les actifs (25-60 ans) perçoivent plus de prestations sociales. « Les immigrés, en probabilité, ont un taux de chômage un peu plus élevé, donc ils perçoivent plus d'allocations, et on retrouve cela sur les attributions des RMI ou des allocations logement. », note Lionel Ragot (page 62). Toutefois, l’économiste estime également que « sans immigration en 2050, ce n'est pas 3 % du PIB qu'il faut trouver en plus pour financer la protection sociale, c'est 4,3 % ». Encore une fois, le calcul paraît juste. Mais politiquement, peut-on réformer les retraites en se contentant de favoriser l’immigration ? Quid de l’emploi des jeunes et des seniors ou de la politique nataliste ?

Jospin plus inefficace que Sarkozy
Ces deux derniers arguments montrent bien la faiblesse du rapport : son fourvoiement politique. En effet, il oublie de mettre en avant le point noir de la politique migratoire de Sarkozy et Guéant : son incapacité à réguler les migrations. Certes, des éléments existent dans leur rapport, mais ils n'ont pas été présentés en conférence de presse et restent enfouis dans des pages que peu de monde lira. L’argument est pourtant fondamental pour contrer Sarkozy et Guéant. Ils prônent une culture du chiffre mais leur politique bâtie à la va-vite repose sur du vent. Une insécurité juridique permanente s’est alors créée, les tribunaux retoquent les procédures, obligeant les autorités à agir à la dernière minute.

Dernier exemple en date : le ministère de la Justice vient de publier une circulaire demandant de ne plus placer de sans-papiers en garde à vue pour le seul délit de séjour irrégulier. Une cirulaire prise dans l'urgence suite à une jurisprudence européenne suiviee par plusieurs Cours d'appel françaises. Un fiasco juridique qui profite aux migrants et qui brise l'image musclée que veut se donner le gouvernement. Pourtant, le rapport continue de dénoncer la « fermeté » et « l’intransigeance » à l’encontre des immigrés, comme s'il était acté que Sarkozy et Guéant arrivaient bel et bien à expulser à tout de bras.

Pourtant, le chef de l'Etat doit faire face à un faible taux d’exécution des expulsions. En 2009, seules 26% des décisions d’expulsions ont effectivement débouché sur un retour du migrant au pays. Et selon Sandrine Mazetier, les expulsions étaient plus efficaces sous Jospin, avançant un taux d’exécution de « 60% ». Mais ses chiffres sont contredits par son propre rapport, via Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons. Pour ce dernier, ce taux d'exécution « a toujours varié, quelque soit le cas de figure, dans les 20 années qui viennent de s’écouler entre 18 et 28 %. Le plus haut c’est 28 % en 2006 et le plus faible c’est 18 % en 2007 » (page 165). Dans un rapport de 2003 du sénateur UMP Jean-Patrick Courtois, les chiffres sont plus éloquents : « En 2001, sur 37 303 arrêtés de reconduite à la frontière, 6161 ont été exécutés. Pire, la situation se dégrade puisque le taux d'exécution était en 1996 de 23,5%, en 2000 de 17,8%, en 2001 de 16,7% et en 2002 de 16% ».

Absurdité juridique
D’autres éléments du rapport, non mis en avant par les parlementaires, mettent également à mal la thèse d’un gouvernement à même de tarir les flux migratoires. Il y a notamment l’intervention de Yannick Blanc, actuellement directeur adjoint de cabinet de Jean-Paul Huchon et ancien directeur de la Police générale à la Préfecture de police de Paris. Il avait été limogé en 2008 par Nicolas Sarkozy, ce dernier lui reprochait d’avoir annoncé en 2006 qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur allait permettre la régularisation de « plusieurs milliers » de sans-papiers parents d’enfants scolarisés. Un chiffre incompatible avec le discours de fermeté du ministre puis actuel chef de l’Etat.

Dans son intervention pour le rapport, Yannick Blanc dénonce de nouveau une politique qui n’est que gesticulation. « Il peut y avoir de l'insécurité juridique dans la façon dont les autorités administratives, qui ne sont pas un exemple à suivre, utilisent cette incohérence juridique plutôt au bénéfice des demandeurs, mais ça peut marcher dans l'autre sens », explique-t-il. Il prend un exemple : « La notion de domicile est une notion fragile et n'est pas du tout encadrée par la loi (…). Il y a énormément de domiciliation de complaisance d'étrangers. A Paris, c'est massivement vrai pour les étudiants » (page 209).

La politique migratoire de Sarkozy et Guéant est donc plus complexe que l’image d’une répression à tout va. Elle est en fait une absurdité juridique tant capable d’expulser en masse que d’offrir des portes de sortie aux migrants. Mais il est sans doute plus séduisant pour ses opposants, surtout à gauche, de ne retenir que le côté répressif. Avec un tel argumentaire pour le critiquer, Nicolas Sarkozy pourra toujours jouer l’image de la responsabilité face aux « bien-pensants », idéal pour séduire son électorat conservateur. Eric Besson n’est finalement pas le seul socialiste à avoir servi la politique migratoire du chef de l’Etat.

Vendredi 13 Mai 2011
Tefy Andriamanana - Marianne