mardi, juillet 26, 2011

Rduction de moitié de la liste des métiers ouverts aux étrangers

Les ministères de l'Intérieur et du Travail ont arrêté la nouvelle liste des métiers en tension ouverts aux non européens. Le BTP et l'informatique sont les principaux secteurs touchés. L'objectif est de réduire de moitié l'immigration annuelle du travail, qui s'élève à 20.000 personnes par an.

« Il faut réduire l'immigration légale liée au travail ». L'annonce du ministre de l'Intérieur Claude Guéant, en avril, avait soulevé de nombreuses interrogations au sein du patronat. Les choses devraient se clarifier puisque la nouvelle liste des métiers accessibles aux ressortissants non communautaires et pour lesquels la situation de l'emploi n'est pas opposable, est désormais arrêtée. Le gouvernement, qui vient de la transmettre aux syndicats pour avis, est décidé à aller vite et boucler l'affaire cet été.

Le projet d'arrêté, que dévoile « Les Echos », réduit d'une petite moitié la liste, créée en janvier 2008, des 30 familles de métiers actuellement ouverts aux non-européens. « Il s'agit de circonscrire cette liste aux métiers les plus qualifiés ou les plus spécifiques, correspondant à des besoins significatifs de main d'oeuvre » impossibles à pourvoir à court terme avec des travailleurs déjà présents en France, explique le courrier de la Direction générale de l'emploi (DGEFP) adressé aux syndicats. Autre nouveauté : les préfets pourront désormais décider, pour leur région, de ne retenir qu'une partie des 15 métiers listés. Voire, précise le projet d'arrêté, de se contenter d'un seul métier.
Restrictions dans l'informatique et le BTP

La nouvelle liste exclut des métiers pour lesquels l'immigration par le travail était déjà quasi inexistante, comme agent d'assurance, installateur d'ascenseurs ou géomètre. Les vraies restrictions se situent dans l'informatique (seules des fonctions pointues d'experts ont été conservées) et surtout dans le BTP, comme annoncé à l'ouverture du dossier. Les postes de chargés d'études, de chefs de chantiers et de conducteurs de travaux sortent ainsi de la liste, qui n'inclut plus, dans ce secteur phare, que le poste de dessinateur.

Le BTP, à défaut de soutenir une initiative qui lui compliquera la tâche, dit s'en accommoder. « A court terme, les tensions de recrutement sont encore limitées avec les suites de la crise. A moyen terme, cela peut poser problème. A nous, en réponse, de transformer cela en opportunités en s'attachant mieux à former et attirer les jeunes dans nos métiers », explique Patrick Bernasconi, patron de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).

Pour le gouvernement, la priorité doit en effet être de former des chômeurs pour occuper les postes qui peinent à trouver preneur. L'objectif affiché est de réduire de moitié, dès cette année, les autorisations de séjour délivrées au titre du travail, qui s'élevaient à environ 20.000 en 2010, dont 80 % sont en réalité des changements de statuts de personnes déjà présentes sur le territoire.

La forme et le fond posent problème aux syndicats. La CFDT se dit « surprise » que le sujet revienne discrètement au coeur de l'été et que l'exécutif ait omis de l'évoquer lors de la réunion du conseil national de l'emploi le 12 juillet dernier. « Très réservée » sur l'approche « nationaliste » du gouvernement, elle réclame de plus amples concertations. Raymond Chauveau (CGT) dénonce une mesure « d'affichage » à « visée politique » mais qui « ne changera pas grand chose. » « Sur les postes d'experts évoqués, les grands groupes ont recours à la mobilité interne depuis leurs filiales à l'étranger », explique-t-il.

Si le signal politique est clair, l'impact réel sur le marché de l'emploi est incertain. Par le nombre limité d'emplois « libérés » d'abord (10.000 à 12.000 postes au maximum) et par la difficulté, pour le gouvernement, à adapter cette liste aux fluctuations de l'offre et de la demande. La précédente liste des 30 métiers est ainsi restée inchangée pendant plus de trois ans (de 2008 à aujourd'hui). Une période pourtant marquée par de fortes mutation sur le marché de l'emploi. Cette fois, le gouvernement promet « une révision au plus tard le 1er août 2013 ».

Les métiers qui restent ouverts
La nouvelle liste compte quinze familles de métiers restant ouverts à l'immigration par le travail. On y retrouve les métiers du téléconseil et de la télévente, les cadres de l'audit et du contrôle comptable, les ingénieurs en systèmes d'information ainsi que différents postes de techniciens du bois et de spécialistes de la transformation du verre. Les dessinateurs industriels (BTP, produits électriques et électroniques) restent recherchés, tout comme certains experts des produits mécaniques et de la production chimique et pharmaceutique.
MARIE BELLAN ET DEREK PERROTTE


Lesechos.fr, juillet 2011

vendredi, juin 17, 2011

Les étudiants étrangers, victimes de la politique d'immigration

Source : leplus.nouvelobs.fr du 17 juin 2011

Autre bête noire d'une politique d'immigration légale en repli : l'enseignement supérieur. À terme, c'est l'attractivité de la France qui peut être ébranlée. Explications.

L'obsession de Nicolas Sarkozy de draguer les électeurs d'extrême-droite se répand. Sa fidèle ministre Valérie Pécresse, prenant prétexte d'une histoire de trafic d'inscriptions d'étudiants chinois, a décidé qu'il faudrait désormais que les deux tiers des étudiants étrangers soient inscrits en master ou en doctorat. Soit.

Faisons quelques calculs : sachant qu'on compte 41% d'étrangers parmi les docteurs, et seulement 11% chez les étudiants de licence, une évolution comme celle que veut Valérie Pécresse (à effectifs étrangers constants) entraînerait une augmentation de 5000 doctorants étrangers, qui représenteraient presque la moitié des doctorants, pendant que les étrangers ne seraient plus que 8,5% des étudiants en licence...

Il faut reconnaître que cela aurait un gros avantage : cela masquerait le déclin des études doctorales en France, puisque de moins en moins de Français se dirigent vers un doctorat, en raison des perspectives en berne que le gouvernement leur offre.

Mais ce cynisme est intenable, et la perspective d'une telle baisse de la part d'étudiants en licence chez les étrangers est sidérante. Le besoin de formation d'étudiants, dans les pays émergents, est immense : malgré un rythme effréné de constructions d'universités dans de nombreux pays, ceux-ci ne peuvent faire face. Ils envoient donc leurs étudiants se former ailleurs, ce qui bénéficie à tout le monde, notamment au pays d'accueil qui tisse des liens forts avec de futurs cadres des pays d'origine.

Réduire la part des étudiants de licence parmi les étudiants étrangers est une aberration : cela conduira les étudiants qui veulent s'expatrier à choisir d'autres destinations, et le plus souvent ils y resteront.

Dans son dernier livre, Les décennies aveugles, l'économiste Philippe Askénazy évoque les "nouveaux paradigmes" de la décennie à venir. Il préconise d'augmenter fortement le nombre d'étudiants français, mais aussi de doubler, sur la décennie, le nombre d'étudiants étrangers, ce qui nécessitera d'assouplir les règles d'immigration. Il faut dire que celles-ci sont de véritables obstacles à l'accueil d'étudiants et de chercheurs étrangers.

Une enquête de la Confédération des Jeunes Chercheurs a montré que la plupart des doctorants étrangers ne recommanderaient pas à leurs compatriotes de venir faire de la recherche en France. On ne compte plus les étudiants qui se retrouvent sans papiers pour d'obscurs motifs administratifs, alors qu'ils poursuivent des études sérieuses en France, et pour lesquels les réseaux militants se mobilisent, souvent sans succès.

La situation française rappelle étrangement celle des États-Unis, qui après les attentats de 2001 ont verrouillé l'accès à leur territoire. Dix ans après, plus d'un million de travailleurs de haut niveau sont en attente de renouvellement de visa et doivent envisager un retour dans leur pays d'origine, faute de titre de séjour. Rachida Dati, il y a quelques jours, souhaitait elle aussi que les étudiants étrangers repartent dans leur pays dès la fin de leur cursus.

C'est tout l'inverse qu'il faut faire. Attirer des étudiants étrangers, c'est donner la possibilité à la France de continuer à rayonner dans le monde. C'est aussi exercer une solidarité avec les pays du Sud, dont le développement est une nécessité pour eux comme pour nous. Nous avons un enjeu particulier envers les pays francophones, dont les étudiants se détournent de plus en plus de notre pays. Pouria Amirshahi, le secrétaire national du PS à la coopération, a proposé l'idée de mettre en place un Erasmus francophone, pour relancer la francophonie.

lundi, mai 16, 2011

7ème loi sur l'immigration en france depuis 2002



Sur la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion, le texte a finalement retenu la version de l'Assemblée et du gouvernement: l'intervention du juge des libertés et de la détention sera dorénavant repoussée à cinq jours (au lieu de deux actuellement). 

Après plusieurs mois de navettes et trois ministres successifs, le Parlement français a définitivement adopté mercredi le projet de loi sur l'immigration qui durcit les règles d'éloignement des étrangers sans papiers.

L'Assemblée a approuvé le texte dans l'après-midi par 297 voix contre 193, et le Sénat a donné l'ultime feu vert dans la soirée par 182 voix contre 151. Après le retrait, en mars, sous la pression des centristes, de l'extension de déchéance de nationalité, il restait deux enjeux majeurs à ce projet : l'encadrement du droit au séjour des sans-papiers atteints de pathologies graves et le contentieux de l'éloignement des sans-papiers placés en rétention.

Le titre de séjour "étrangers malades" ne pourra dorénavant être accordé qu'en cas d'"absence" du traitement approprié dans le pays d'origine. L'opposition de gauche a pourtant fait valoir que si les traitements ne sont pas "absents", ils n'en sont pas moins, souvent, inaccessibles à de nombreux malades, notamment pour des raisons financières ou géographiques. La nouvelle disposition prévoit cependant que l'autorité administrative pourra prendre en compte des "circonstances humanitaires exceptionnelles" pour l'attribution du titre de séjour, après avoir recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé.





"TEXTE ÉQUILIBRÉ"

Sur la réforme du régime de rétention des sans-papiers en instance d'expulsion, le texte a finalement retenu la version de l'Assemblée et du gouvernement : l'intervention du juge des libertés et de la détention sera dorénavant repoussée à cinq jours (au lieu de deux actuellement). La mesure, considérée comme le "cœur de la réforme" sur l'immigration, vise à une meilleure efficacité des procédures d'éloignement, puisque actuellement moins de 30 % des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières.

Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a salué "un texte complet et équilibré pour une politique d'immigration efficace et juste". La gauche a renouvelé son intention de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel et stigmatisé un texte qui aura été "l'occasion de défaire notre pacte républicain", selon les termes de la députée PS Sandrine Mazetier.


Aller plus loin :  
Texte définitif du projet de loi voté le 11 mai au sein des deux chambres du Parlement.
C’est un texte qui n’a pas encore valeur officielle, élaboré par les services du Sénat. [ Ceseda consolidé ] - [ Autres codes consolidés ]






Un audit de la politique d’immigration pour sortir de l’opacité et de l’instrumentalisation : synthèse du rapport parlementaire

Extraits du rapport : Synthèse


La politique migratoire souffre d’opacité et de manque de transparence. Le débat est souvent tronqué par la manipulation constante des objectifs.
 
Parlementaires et citoyens ne sauraient se satisfaire des orientations, des objectifs et donc des réalisations présentés par le gouvernement. Dans cette politique, il convient d’interroger les objectifs eux-mêmes, d’évaluer et d’examiner de manière transparente, tous les termes et tous les fondements de la politique menée. C’est précisément la démarche de l‘Audit de la politique d’immigration, d’intégration et de codéveloppement, que nous avons engagée il y a un an.

Nous avons auditionné 35 chercheurs, experts, témoins, acteurs professionnels, syndicalistes, associatifs qui ont répondu favorablement à nos sollicitations.

En revanche, nous ne pouvons que regretter la fin de non-recevoir des « responsables » institutionnels de la politique actuelle chaque fois que nous les avons sollicités : de Maxime Tandonnet, conseiller du Président de la République, à Patrick Stefanini, ancien Secrétaire général du Comité Interministériel de contrôle de l’immigration, en passant par Xavier Bertrand, ancien Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité.
Le questionnement était pourtant nécessaire et légitime. Il peut se résumer aux interrogations suivantes :
  1. Est-il vrai que la France, et plus généralement l’Europe, s’exposent à accueillir « toute la misère du monde » si elles relâchent leur politique actuelle de maîtrise des flux migratoires ?
  2. Est-il vrai que les immigrés coûtent cher à la France – soit parce qu’ils pèsent sur le budget de l’Etat, soit parce qu’ils affectent négativement l’emploi et les salaires ?
  3. Est-il vrai, comme le gouvernement l’affirme, que l’intransigeance à l’encontre des sans-papiers favorise l’intégration des migrants en situation régulière et la lutte contre les discriminations raciales ?
  4. Est-il vrai que la politique française de rétention, de reconduites à la frontière, d’asile et d’immigration familiale participe de la « démocratie irréprochable » que le président de la République prétend instaurer ?
  5. Est-il vrai que le « développement solidaire » a vocation à se substituer avantageusement à l’immigration ?
Et, au final, est-ce l’immigration qui pose problème ou la politique menée ?

Changer d’échelle et penser les enjeux des migrations internationales

Les migrations sont un fait planétaire contemporain auquel n’échappe aucune région du monde. 3,3 % des hommes sur la planète sont en migration et la France compte elle même 2,5 millions d’expatriés et ce n’est pas récent. Le Professeur d’économie El Mouhoub Mouhoud a mis en lumière la complémentarité de l’ouverture aux échanges internationaux (biens, services, idées) et du développement des flux migratoires.

Les flux migratoires se sont diversifiés : les logiques migratoires gagnent aussi les migrations sud-sud qui représentent 40 % des migrations dans le monde.

Les profils migratoires ont également évolué et, contrairement au sens commun, ce ne sont pas les personnes les plus démunies qui peuvent émigrer. Présentant les premiers résultats de l’enquête INSEE-INED « trajectoire et origine », Chris Bauchemin a montré que les migrants subsahariens ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur aux personnes vivant en France métropolitaine (40% d’entre eux sont diplômés du supérieur). La migration internationale est en effet extraordinairement sélective.

La motivation économique est au centre de la mécanique migratoire. Le Directeur des ressources humaines de Véolia Propreté, Pascal Decary, a posé le principe selon lequel « les marchés économiques sont les premiers moteurs des migrations internationales ». Sans économie attractive, il n’y a pratiquement pas de migrations.

Gildas Simon, géographe et Professeur émérite à l’université de Poitiers, a montré que la réciproque des transferts financiers vers les pays d’origine est un sujet sous-évalué. Ils représentent la forme de redistribution des richesses la plus efficace à l’échelle du monde. La part de l’argent transféré par des Français de l’étranger vers la France est de l’ordre de 12 milliards d’euros.

En imposant le terme « d’immigration », beaucoup de responsables politiques font sciemment l’impasse sur la réalité des mobilités. Selon les chiffres de l’INSEE présentés par Hervé Le Bras, 5 ans après leur entrée, seuls 60% des titulaires d’un titre de séjour sont encore sur le territoire français.


Quels effets macroéconomiques pour les migrations internationales ?

Enquête emploi à l’appui, Hervé Le Bras a montré que le taux d’activité entre des étrangers de 30 à 49 ans et des Français du même âge est sensiblement identique (90% et 95%).

Comme l’a souligné Jean-Pierre Garson, économiste à l’OCDE, les migrants sont présents dans tous les secteurs de l’économie, avec une complémentarité sur le marché du travail dont les besoins sont divers en qualifications. Une politique migratoire ayant pour objectif de ne recruter que des personnes qualifiées relève donc du contresens économique et social.

Membre du Conseil d’orientation des retraites, Didier Blanchet a ainsi mis en lumière le fait que si l’immigration ne peut lutter à elle seule contre le vieillissement, elle compense partiellement le déficit de naissance. Quant au professeur d’économie Lionel Ragot, il a souligné que si la France optait pour une « immigration zéro », ce n’est pas 3% du PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale, mais 5 % du PIB.

Quant à l’impact des migrations sur le marché du travail, Joël Oudinet, Maître de conférence à l’Université Paris 13, a montré que le travail des immigrés ne « concurrencerait » qu’une fraction du salariat issu des anciennes vagues d’immigration.

La politique de co-développement dévoyée

L’audit a consacré une séance au codéveloppement car il s’agissait d’une thèse de la politique d’immigration reposant sur le postulat que l’aide au développement et les actions sectorielles dans les pays d’origine permettent de maîtriser les flux migratoires et de fixer les populations.

Pourtant, le résultat est inverse : le développement encourage la mobilité des personnes et la mobilité des personnes apparaît comme un facteur de développement.

Le budget consacré à l’« aide au développement » par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire s’élève à 30 millions d’euros, une part négligeable sur un total de 590 millions d’euros.

Le gouvernement a signé 14 accords de gestion concertée des flux migratoires qui conditionnent des aides sectorielles à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière. Il s’agit, avant tout, de coopération policière et non de développement. Par exemple, la Tunisie a négocié 40 millions d’euros sur 3 ans, dix fois plus que le Burkina Faso, dont le PIB est cinq fois inférieur et l’indice de développement humain deux fois inférieur.

Comme l’ont souligné le Président du Forim – Mustapha Bourras – et Sarah Rosengaertner, présentant l’initiative conjointe sur la migration et le développement élaborée par l’Union Européenne et les Nations Unies, d’autres approches existent, valorisant le potentiel de chaque migrant. Or les grands absents de cette politique de co-développement sont justement les migrants eux-mêmes.
 
L’asile : un droit consacré aujourd’hui menacé.

Systématiquement, le gouvernement affirme que « la France est le pays le plus généreux en matière d’asile ».

Les chiffres du HCR, dont a fait état l’anthropologue Michel Agier, indiquent 12 millions de réfugiés statutaires dans le monde, 1 million de demandeurs d’asile, 6 millions de personnes dans des camps de réfugiés, 25 à 30 millions de déplacés dans leur propre région et 12 millions de personnes apatrides. Ils montrent l’état des persécutions et des conflits dans le monde, tout en relativisant les 52 762 dossiers déposés auprès de l’OFPRA en 2010. Pourtant, comme le notait Michel Agier, on assiste aujourd’hui à une dramatisation et à une instrumentalisation de ces chiffres dans le traitement politique de la situation des réfugiés en provenance du Maghreb.

Claudia Charles, juriste au GISTI, Philippe Leclerc, Représentant du HCR pour la France, Matiada Ngalikpima, du Forum Réfugié, Éléonore Morel, Directrice Générale de l’Association Primo Lévi et Marielle Bernard, ancienne responsable du service social de la CAFDA ont montré les restrictions au droit d’asile, qui risque de devenir une variable d’ajustement de la politique migratoire.

Une politique du chiffre qui détourne l’administration et la police de leurs véritables missions.

Pour faire preuve de « fermeté », le gouvernement n’en vient plus à parler que « d’immigration irrégulière » et que de « quotas d’expulsion ». De quoi s’agit-il ?

Comme l’a souligné Yannick Blanc, ancien directeur général de police administrative de la préfecture de police de Paris, a faire du chiffre un enjeu politique revient à placer sous la contrainte une longue chaîne d’acteurs : l’administration de la préfecture, le tribunal administratif, les centres de rétentions, le juge des libertés et de la détention, les consulats, les services qui sont chargés de l’escorte, de la reconduite, tous détournés de leur mission principale. Ce traitement policier mobilise beaucoup de fonctionnaires, de service et de forces de police, au détriment de la sécurité publique de l’ensemble de nos concitoyens.

Yannick Danio, délégué national du syndicat Unité Police SGP-FO, s’est ainsi montré clair à ce sujet : les policiers vivent de plus en plus mal les missions qu’ils doivent remplir. Comme l’a révélé Yannick Blanc, ne sont interpellées que certaines catégories d’étrangers : celles dont l’administration est certaine d’obtenir des laissez-passer consulaires.

Jean-Marie Delarue a mis en lumière les ressorts du traitement policier de l’immigration et la logique du chiffre en matière d’infraction à la législation sur les étrangers. Le nombre d’interpellations en la matière a doublé entre 2002 et 2008, passant de 55.000 à 119.800. Le nombre de places en rétention est passé de 944 en 2004, à 2019 fin 2010. Sur cette période, la durée légale de rétention a augmenté de 150%.

Malgré cette « mobilisation », le nombre d’exécutions des mesures de reconduite à la frontière reste stable, comme celui des personnes en situation irrégulière.

Mais comme le montre Christian Mouhanna, les objectifs concernant les infractions à la législation sur les étrangers sont fondamentaux dans la politique statistique du ministère de l’intérieur : le taux d’élucidation de ces infractions était de 99,79 % en 2009. Elles ont justifié 80.063 gardes à vue, soit 16,67 % du total. Danièle Lochak, Professeur de droit constitutionnel, évoque une logique d’ « accoutumance à la répression ».

Comme l’a souligné Jean-Pierre Bandiera, le contentieux des étrangers est devenu massif, provoquant l’embolie des tribunaux. Les objectifs assignés à l’autorité administrative amènent à remettre en cause les droits fondamentaux, ce qui provoque l’annulation de nombreuses procédures. Flor Tercero, avocate, représentant l’Association de défense des droits des étrangers, a montré que ce n’est pas sur le juge que repose la responsabilité de cette annulation, mais sur le manquement aux droits d’une personne qui est privée de liberté.

Or cette politique a un coût. Pierre Bernard-Reymond, Sénateur des Hautes-Alpes, rapporteur spécial de la mission «Immigration, asile et intégration» du projet de loi de finances pour 2011, insista sur l’impuissance de l’administration à quantifier le coût de cette politique. C’est à la fois, le coût de l’interpellation, le coût des contentieux, le coût de la rétention, le coût de la reconduite. Son estimation s’élevant à 415 millions d’euros, est bien supérieure à celle commandée fin 2009 par le Ministère de l’immigration et réalisée par l’inspection générale de l’administration, qui atteint 232 millions d’euros.

L’OCRIEST (Office Central de Répression et du trafic, sans papier, sans titre de séjour) chargé du service de répression des filières clandestines, souffre d’un manque d’effectifs et l’UNESI (Unité Nationale d’Escorte) n’a pas les moyens de fonctionner.

La précarisation du séjour des étrangers présents sur notre sol.

Comme l’a souligné le Secrétaire Général de la Cimade, la précarisation du séjour se caractérise par la généralisation des titres de séjour de plus en plus courts qui placent les étrangers dans une instabilité économique et sociale. Le durcissement des critères, les lois à répétition, le caractère arbitraire des procédures, participent de cette précarisation et installent une insécurité permanente.

Comme l’ont souligné les partenaires sociaux auditionnés, les objectifs affichés de « fermeté » et de lutte contre l’immigration clandestine nourrissent un marché du travail informel qui existe de manière permanente dans nos sociétés. Certains n’hésitent pas à profiter de ce système pour exploiter la détresse humaine et en tirer un profit très substantiel, en mettant en concurrence les travailleurs. Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT et Raymond Chauveau, Secrétaire général CGT dans l’Essonne, ont montré que la situation des travailleurs sans-papiers précarise l’ensemble du marché du travail. Les services à la personne, la restauration ou le bâtiment ont recours de manière systématique au travail illégal. Le mouvement de grève des travailleurs sans papiers a entraîné une prise de conscience de la réalité économique et sociale du travail clandestin.

Pascal Decary, Directeur des ressources humaines de Véolia propreté, a rappelé la forte proportion de travailleurs étrangers dans son secteur. Selon lui, la mécanique administrative actuelle, stricte et rigide, revient à jeter les étrangers dans les systèmes informels du travail au noir. La régularisation des salariés permettrait de lutter contre la concurrence déloyale et d’assécher les sources d’immigration clandestine.

Les conséquences d’une politique de désintégration.

Gérard Noiriel a remis en perspective la construction du clivage entre nationaux et étrangers, qui s’est substitué au clivage salariat / patronat et permet, encore aujourd’hui, de masquer les revendications sociales. Ainsi, se sont imposées les idées de « chaos migratoire » et de « pressions aux frontières », de « bons immigrés ».

Patrick Weil a souligné l’importance de ce discours et sa signification véritable à travers les mots du discours de Grenoble, prononcé le 30 juillet 2010 par le Président de la République. En proclamant « nous payons les cinquante dernières années d’erreur de la politique migratoire » et en créant une catégorie de « français d’origine étrangère », le Président de la République, constitutionnellement reconnu comme garant de l’unité de la République, laisse entendre qu’un certain nombre de nos compatriotes ne méritent pas la qualité de citoyen français.

La force symbolique de ce discours est donc déstructurante et désintégratrice pour tous. A l’image de la politique migratoire, ce discours ne déstabilise pas uniquement les étrangers. Il blesse tous les Français.


Lire le rapport en ligne

Immigration : Contrevérités, non-dits et idées reçues à l’index

Immigration : Contrevérités, non-dits et idées reçues à l’index

20minutes.com, le 16.05.11

Un audit sur la politique d’immigration de la France à l’initiative de parlementaires de toutes sensibilités politiques, rendu public mercredi, apporte un éclairage sur des aspects souvent peu ou mal connus du grand public et lève nombre de contrevérités, d’idées reçues et de non-dits.



Il y a un an, des parlementaires (députés, sénateurs, eurodéputés) lançaient un audit de la politique d’immigration, d’intégration et de co-développement de la France. Au cours des travaux de cet audit, 35 experts ont été auditionnés (chercheurs, sociologues, démographes, historiens, hauts fonctionnaires, policiers, magistrats, avocats, représentants de syndicats d’employeurs ou de salariés, organisations internationales, etc.). «Il s’agissait alors d’interroger les objectifs du gouvernement, d’évaluer et d’examiner de manière lucide, sereine et concrète tous les termes et tous les fondements de cette politique migratoire. En quelques mots, est-ce l’immigration qui pose problème ou la politique menée depuis des années ?», précisent les initiateurs de l’audit qui estiment que «la politique migratoire souffre d’opacité et de manque de transparence.

Le débat est souvent tronqué par la manipulation constante des objectifs.» Cet audit relève, par exemple, que selon les premiers résultats de l’enquête INSEE-INED «trajectoire et origine», les migrants subsahariens ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur à celui des personnes vivant en France métropolitaine (40% d’entre eux sont diplômés du supérieur). Et aussi qu’«en imposant le terme d’immigration, beaucoup de responsables politiques font sciemment l’impasse sur la réalité des mobilités». A l’appui de ce constat, les chiffres de l’INSEE présentés par le démographe Hervé Le Bras, 5 ans après leur entrée, relèvent que seuls 60% des titulaires d’un titre de séjour sont encore sur le territoire français. Enquête emploi à l’appui, Hervé Le Bras a montré que le taux d’activité entre des étrangers de 30 à 49 ans et des Français du même âge est sensiblement identique (90% et 95%).

Les migrants sont présents dans tous les secteurs de l’économie avec une complémentarité sur le marché du travail dont les besoins sont divers en qualifications, comme l’a souligné Jean-Pierre Garson, économiste à l’OCDE. «Une politique migratoire ayant pour objectif de ne recruter que des personnes qualifiées relève donc du contresens économique et social».
Membre du Conseil d’orientation des retraites, Didier Blanchet a mis en lumière le fait que si l’immigration ne peut lutter à elle seule contre le vieillissement, elle compense partiellement le déficit de naissance. Le professeur d’économie Lionel Ragot a souligné que si la France optait pour une «immigration zéro», ce n’est pas 3% du PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale mais 5%.

En matière de co-développement, le gouvernement français a signé 14 accords de gestion concertée des flux migratoires qui conditionnent des aides sectorielles à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière. «Il s’agit, avant tout, de coopération policière et non de développement», relève encore le rapport. Par ailleurs, «la précarisation du séjour se caractérise par la généralisation des titres de séjour de plus en plus courts qui placent les étrangers dans une instabilité économique et sociale», souligne le secrétaire général de la Cimade. «Le durcissement des critères, les lois à répétition, le caractère arbitraire des procédures participent de cette précarisation et installent une insécurité permanente», signale le rapport. «La mécanique administrative actuelle, stricte et rigide, revient à jeter les étrangers dans les systèmes informels du travail au noir», note Pascal Decary, directeur des ressources humaines de Véolia propreté, dont le secteur compte une forte proportion de travailleurs étrangers. «La régularisation des salariés permettrait de lutter contre la concurrence déloyale et d’assécher les sources d’immigration clandestine», indique le rapport.

Pour ce qui est de l’asile, la «générosité» de la France est mise à mal par les chiffres du HCR, dont a fait état l’anthropologue Michel Agier, indiquant 12 millions de réfugiés statutaires dans le monde, 1 million de demandeurs d’asile, 6 millions de personnes dans des camps de réfugiés, 25 à 30 millions de déplacés dans leur propre région et 12 millions de personnes apatrides. Ils montrent l’état des persécutions et des conflits dans le monde, tout en relativisant les 52 762 dossiers déposés auprès de l’OFPRA en 2010.
Les parlementaires présents à la présentation de l’audit à la presse ont regretté le refus des responsables institutionnels de répondre à leurs sollicitations. Ces parlementaires entendent toutefois «peser» sur le sujet ou «interpeller» leurs formations respectives.
Martine Billard (parti de gauche) a fait état d’une autre étude selon laquelle si les immigrés «coûtent» annuellement 47,9 milliards d’euros en dépenses de protection sociale, ils rapportent 60,3 milliards en cotisations, soit un solde largement positif.

l'impact de l'immigration sur l'économie française

Le gouvernement relance le débat d'une immigration malsaine pour l'économie. Ces préjugés bien ancrés n'ont pourtant aucune réalité. Explications.


La France accueille chaque année 100.000 personnes. Soit un des taux les plus faibles d'Europe. En 1920, 300.000 étrangers entraient dans l'hexagone contre 200.000 en 2010, pendant que simultanément 100.000 étrangers quittaient le territoire.

L'argument faisant état d'immigrés "profitant du système", argument sans cesse rabâché par les partisans d'une diminution de l'immigration, n'est qu'une illusion selon une étude des chercheurs du Cepii détaillée dans les Echos. Ils ajoutent que seule la forte concentration géographique d'étrangers peut donner le sentiment aux Français de "ne plus être chez eux", pour reprendre les termes de Claude Guéant.
Nouvelobs.com passe en revue les trois principaux préjugés sur l'immigration.

1. "Les immigrés profitent du système français"


FAUX
- Les populations immigrées non communautaires sont à première vue plus souvent bénéficiaires de la protection sociale (hors retraite et santé). A priori, les chiffres pourraient confirmer cette idée. Mais l'étude du Cepii montre que si, en 2005, les immigrés du Maghreb et du reste de l'Afrique étaient plus nombreux à bénéficier de l'allocation chômage et du RMI en proportion du nombre de Français, ces mêmes immigrés sont en majorité des actifs. Ainsi, s'ils paraissent toucher plus d'aides de l'Etat, ils cotisent aussi proportionnellement plus que les Français de souche.
- Peu d'immigrés ont plus de 60 ans (la tranche d'âge bénéficiant le plus de la protection sociale, retraite et dépenses de santé). Ils ont donc un impact faible sur les dépenses sociales de l'Etat, bien que le taux de chômage dans la population immigrée est plus élevé que la moyenne nationale.
- La présence d'immigrés serait même positive pour le budget français puisque l'apport régulier d'actifs permet une réduction du fardeau fiscal du vieillissement la population.

2. "Diminuer l'immigration fait baisser le chômage"

FAUX
- Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, soutient qu'il est possible de diminuer le chômage en réduisant le nombre d'immigrés.
Cette affirmation suppose que les chômeurs français occuperaient les postes aujourd'hui détenus par des travailleurs immigrés. Or, ces derniers sont le plus souvent salariés à des emplois pénibles (restauration, bâtiment, travaux publics), précaires, moins bien payés, qui n'intéressent pas les chômeurs français.
Faire diminuer le nombre d'immigrés pourrait même avoir un effet néfaste : augmenter les tensions sur le marché de l'emploi, faire croître le travail au noir et donc l'immigration illégale.
L'étude va plus loin en affirmant qu'avec la crise économique, les immigrés auraient joué un rôle d'amortisseur pour l'ensemble du marché du travail.

3. "L'immigration compense le vieillissement de la population"

VRAI ET FAUX
L'immigration ne peut le compenser qu'en partie seulement. L'immigration a un impact positif sur la population active. Ainsi si 150.000 personnes immigrent par an en France, il y aura 1 million d'actifs de plus en 2040.
Mais les flux actuels de l'immigration sont trop faibles pour diminuer la différence entre actifs et inactifs. Il faudrait plusieurs millions d'immigrés chaque année, ce qui aboutirait au doublement de la population française tous les quarante ans. Ainsi l'immigration n'est pas une solution au vieillissement. Ses aspects positifs ne sont que temporaires.

Nouvelobs.com

Rapport du CEPII sur l'immigration

Le rapport de parlementaires sur l'immigration

Immigration: le rapport qui tape dur mais vise mal
Source : marianne2.com

Des parlementaires de tous bords ont rendu un rapport très fourni sur l’immigration. S’il frappe parfois juste, il pêche par un certain angélisme et une mauvaise appréciation de la politique actuelle. Injuste, cette politique est surtout incapable de réguler les flux migratoires.

Qu’on se le dise. Lorsque la gauche critique la politique migratoire, elle s'est pendant longtemps contenté d’assimiler Nicolas Sarkozy et ses ministres au FN voire pire. Guère constructif. Mais elle sait aussi faire preuve de pluralisme et répondre point par point et associer des parlementaires de tous bords. Un groupe de parlementaires présidé par la députée PS Sandrine Mazetier vient d’ailleurs de rendre un rapport fleuve (332 pages) sur l’immigration. Le groupe est composé de parlementaires de toutes tendances y compris l’UMP Etienne Pinte (un féroce critique du gouvernement, il est vrai) et, jusqu’à son entrée au Gouvernement en novembre, Marie-Anne Montchamp. De juin 2010 à mars 2011, ils ont auditionné publiquement des experts, praticiens, militants associatifs travaillant sur le sujet.

Sur le papier, on pouvait s’attendre à un rapport juste et précis, ramenant enfin le débat sur l’immigration dans des termes rationnels et non dans le Point Godwin permanent. Mais dans les faits, le rapport, certes conséquent, déçoit. Sur la forme d’abord, il se contente de rassembler des comptes-rendus d’auditions et des contributions de parlementaires. Mais pas de liens entre les parties ni de contre-propositions, comme s’il s’agissait de compiler des chiffres au lieu de définir une ligne politique. Il est vrai qu’il était difficile de s’accorder entre différentes tendances. Au sein du PS, c'était déjà dur, le programme du parti reste encore flou sur le sujet parlant juste d’une « loi de programmation et d’orientation » et « d’objectifs » à fixer. Sans dire ce que serait ces objectifs : quotas de migrants, de régularisations…

De ce rapport, qui vise donc plus la quantité que la qualité, on peut toutefois dégager un angle. Avec des arguments concrets, il essaie de démonter les préjugés sur l’immigration. Tout d’abord, « est-il vrai que la France, et plus généralement l’Europe, s’exposent à accueillir toute la misère du monde si elles relâchent leur politique actuelle de maîtrise des flux migratoires ? ». Sur ce point, Sandrine Mazetier a répondu par des chiffres lors d'une conférence de presse mercredi. Elle a d'abord minimisé la taille des flux migratoires notant que seule « 3% de la population mondiale est mobile » et « 40% » de ces flux se font au sein des pays du Sud. Elle ajoute que « 40% » des migrants d’Afrique subsaharaienne arrivant en France sont des diplômés du supérieur. Contrairement aux préjugés, elle a également affirmé que les crises économiques contraignent l’immigration car « immigrer coûter cher ». En 2009, au cœur de la crise, le nombre de visas Schengen attribués ont baissé de 16%.

Quel coût réel pour l'immigration ?
Théoriquement, le raisonnement n’est pas faux, dans une crise mondiale, les jeunes migrants n’ont plus forcément les moyens de faire des études à l’étranger, les entreprises des pays d’accueil cherchent moins à embaucher. Dans les faits, on a bien vu qu’une déstabilisation politique et économique d’un pays pouvait amener un brusque afflux migratoire, comme c’est le cas avec la Tunisie. Si les conséquences ne sont pas celle d’un « tsunami migratoire », la crise de Lampedusa a posé des problèmes d’accueil des migrants tant en France qu'en Italie. Malgré cette volonté de produire un discours crédible, les opposants à Sarkozy et Guéant restent dans un certain angélisme.

Deuxième préjugé : les immigrés coûtent-ils cher à la société ? Sandrine Mazetier a cité les chiffres de l’économiste Lionel Fagot, auditionné pour le rapport. Selon elle, un migrant participe en moyenne à hauteur de 2250 euros aux budgets publics avec leurs impôts et cotisations sociales contre 1500 euros pour un natif. L’écart, présenté ainsi par la députée, paraît délirant. On pourrait presque penser que les immigrés français sont tous soumis à l’ISF. En fait, ce chiffre ne prend pas en compte les différentes structures d’âges, les immigrés comptant moins d’enfants et de retraités dans leurs rangs. Une chose expliquée par… Lionel Ragot au cours de son audition. « Mais ce qui explique cette différence (…) c'est tout simplement qu'on n'a pas la même structure par âge de la population immigrée, ils sont concentrés dans la population active, celle qui est vraiment contributrice nette et sont moins importants dans les populations jeunes et plus âgées », signale l’économiste (page 64).

Dans cette optique, le coût de l’immigration semble une chose plus complexe que le chiffre avancé par Sandrine Mazetier. Si les immigrés de plus de 60 ans perçoivent naturellement une retraite plus faible, les actifs (25-60 ans) perçoivent plus de prestations sociales. « Les immigrés, en probabilité, ont un taux de chômage un peu plus élevé, donc ils perçoivent plus d'allocations, et on retrouve cela sur les attributions des RMI ou des allocations logement. », note Lionel Ragot (page 62). Toutefois, l’économiste estime également que « sans immigration en 2050, ce n'est pas 3 % du PIB qu'il faut trouver en plus pour financer la protection sociale, c'est 4,3 % ». Encore une fois, le calcul paraît juste. Mais politiquement, peut-on réformer les retraites en se contentant de favoriser l’immigration ? Quid de l’emploi des jeunes et des seniors ou de la politique nataliste ?

Jospin plus inefficace que Sarkozy
Ces deux derniers arguments montrent bien la faiblesse du rapport : son fourvoiement politique. En effet, il oublie de mettre en avant le point noir de la politique migratoire de Sarkozy et Guéant : son incapacité à réguler les migrations. Certes, des éléments existent dans leur rapport, mais ils n'ont pas été présentés en conférence de presse et restent enfouis dans des pages que peu de monde lira. L’argument est pourtant fondamental pour contrer Sarkozy et Guéant. Ils prônent une culture du chiffre mais leur politique bâtie à la va-vite repose sur du vent. Une insécurité juridique permanente s’est alors créée, les tribunaux retoquent les procédures, obligeant les autorités à agir à la dernière minute.

Dernier exemple en date : le ministère de la Justice vient de publier une circulaire demandant de ne plus placer de sans-papiers en garde à vue pour le seul délit de séjour irrégulier. Une cirulaire prise dans l'urgence suite à une jurisprudence européenne suiviee par plusieurs Cours d'appel françaises. Un fiasco juridique qui profite aux migrants et qui brise l'image musclée que veut se donner le gouvernement. Pourtant, le rapport continue de dénoncer la « fermeté » et « l’intransigeance » à l’encontre des immigrés, comme s'il était acté que Sarkozy et Guéant arrivaient bel et bien à expulser à tout de bras.

Pourtant, le chef de l'Etat doit faire face à un faible taux d’exécution des expulsions. En 2009, seules 26% des décisions d’expulsions ont effectivement débouché sur un retour du migrant au pays. Et selon Sandrine Mazetier, les expulsions étaient plus efficaces sous Jospin, avançant un taux d’exécution de « 60% ». Mais ses chiffres sont contredits par son propre rapport, via Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons. Pour ce dernier, ce taux d'exécution « a toujours varié, quelque soit le cas de figure, dans les 20 années qui viennent de s’écouler entre 18 et 28 %. Le plus haut c’est 28 % en 2006 et le plus faible c’est 18 % en 2007 » (page 165). Dans un rapport de 2003 du sénateur UMP Jean-Patrick Courtois, les chiffres sont plus éloquents : « En 2001, sur 37 303 arrêtés de reconduite à la frontière, 6161 ont été exécutés. Pire, la situation se dégrade puisque le taux d'exécution était en 1996 de 23,5%, en 2000 de 17,8%, en 2001 de 16,7% et en 2002 de 16% ».

Absurdité juridique
D’autres éléments du rapport, non mis en avant par les parlementaires, mettent également à mal la thèse d’un gouvernement à même de tarir les flux migratoires. Il y a notamment l’intervention de Yannick Blanc, actuellement directeur adjoint de cabinet de Jean-Paul Huchon et ancien directeur de la Police générale à la Préfecture de police de Paris. Il avait été limogé en 2008 par Nicolas Sarkozy, ce dernier lui reprochait d’avoir annoncé en 2006 qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur allait permettre la régularisation de « plusieurs milliers » de sans-papiers parents d’enfants scolarisés. Un chiffre incompatible avec le discours de fermeté du ministre puis actuel chef de l’Etat.

Dans son intervention pour le rapport, Yannick Blanc dénonce de nouveau une politique qui n’est que gesticulation. « Il peut y avoir de l'insécurité juridique dans la façon dont les autorités administratives, qui ne sont pas un exemple à suivre, utilisent cette incohérence juridique plutôt au bénéfice des demandeurs, mais ça peut marcher dans l'autre sens », explique-t-il. Il prend un exemple : « La notion de domicile est une notion fragile et n'est pas du tout encadrée par la loi (…). Il y a énormément de domiciliation de complaisance d'étrangers. A Paris, c'est massivement vrai pour les étudiants » (page 209).

La politique migratoire de Sarkozy et Guéant est donc plus complexe que l’image d’une répression à tout va. Elle est en fait une absurdité juridique tant capable d’expulser en masse que d’offrir des portes de sortie aux migrants. Mais il est sans doute plus séduisant pour ses opposants, surtout à gauche, de ne retenir que le côté répressif. Avec un tel argumentaire pour le critiquer, Nicolas Sarkozy pourra toujours jouer l’image de la responsabilité face aux « bien-pensants », idéal pour séduire son électorat conservateur. Eric Besson n’est finalement pas le seul socialiste à avoir servi la politique migratoire du chef de l’Etat.

Vendredi 13 Mai 2011
Tefy Andriamanana - Marianne

dimanche, février 27, 2011

L'argent des immigrés: le scandale

L'historien et politiste Olivier Le Cour Grandmaison dénonce les prélèvements mirifiques opérées par les banques sur l'argent envoyé par les immigrés à leurs familles restées au pays.

Source : Mediapart

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Ils ont en moyenne des revenus largement inférieurs aux nationaux des pays dans lesquels ils vivent, ils occupent les emplois les moins qualifiés et les moins bien rémunérés. Ils sont victimes de discriminations à l'embauche, de la précarité et de licenciements qui les frappent plus souvent qu'à leur tour; et pourtant, ils s'obligent à des sacrifices financiers significatifs pour envoyer chaque mois de l'argent à leur famille demeurée au pays. Pauvreté, privations, épreuve douloureuse de l'exil, et pour les sans-papiers la peur constante de l'arrestation et de l'expulsion. Telle est la situation de beaucoup d'immigrés qui vivent en France; elle n'est une douce terre d'accueil que dans les discours ronflants mais fallacieux des membres du gouvernement et de la majorité qui le soutient.

En 2010, les sommes ainsi transférées se sont élevées, au niveau international, à 325 milliards de dollars selon une étude de la Banque mondiale, laquelle constatait aussi que ces montants sont trois fois supérieurs à l'aide publique consentie par les Etats qui, pour les plus riches d'entre eux, ne consacrent que 0,30% de leur revenu national brut à l'aide au développement. Voilà qui en dit long sur la générosité prétendue des principaux bailleurs de fonds et sur le développement solidaire tant vanté par certains ministres de la République qui, en cette matière comme en beaucoup d'autres, se paient à bon compte avec la fausse monnaie de leurs déclarations convenues.

En France, ces transferts atteignent 8 milliards d'euros en 2010, soit une progression de 10% par an depuis 2002. Leurs destinations principales sont les pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Toutes origines confondues, ces sommes représentent 6,6% du PIB du Maroc, 7 % au Togo, 9,1% au Sénégal, entre 11 et 12,5% au Mali et 20% aux Comores. Concrètement, cela signifie que de dizaines voire des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, sans doute parfois aussi les habitants de villages, voire de quartiers entiers de certaines villes, dépendent très largement de cet argent pour vivre, manger, se loger et, dans le meilleur des cas, étudier. Une manne indispensable donc qui n'a, en l'espèce, rien de céleste puisqu'elle est le fruit du dur labeur de ceux qui ont été contraints à l'exil. A preuve, selon certaines sources, ces transferts de fond représentent plus de 50% des revenus des bénéficiaires au Maroc, au Sénégal et aux Comores, et 2/3 au Mali cependant que près de 80% des sommes ainsi perçues sont affectées à la consommation courante. Comme le note Claire Naiditch, en conclusion de sa thèse d'économie soutenue à l'université de Paris I en 2009, l'argent ainsi envoyé à un «effet positif de court terme sur les revenus des ménages et les indices de pauvreté».

Reste que les immigré(e)s qui travaillent dans les conditions que l'on sait, en prélevant sur leur maigre salaire des sommes substantielles doivent payer, en France notamment, des commissions particulièrement élevées: 15 % en moyenne pour 140 euros envoyés. Toujours selon la Banque mondiale, les tarifs pratiqués dans ce pays sont parmi les plus élevés au monde. Deux opérateurs financiers principaux dominent ce marché international particulièrement lucratif: Western Union et Money Gram qui réalisent environ 65% des opérations et s'enrichissent en touchant chaque jour des commissions très importantes. D'après une étude réalisée par des chercheurs américains, des commissions de 12,5% représentent entre 10 et 15 milliards de dollars par an; au lieu de parvenir à leurs destinataires dans les pays du Sud, ces derniers finissent en partie dans les caisses des sociétés spécialisées en transfert d'argent.

Ce scandale financier et humain est parfaitement connu puisque des experts de la Banque mondiale ont établi de leur côté qu'une baisse de 5% seulement du coût de ces transactions permettrait d'augmenter de 3,5 milliards de dollars par an les sommes envoyées par les immigrés à leur famille et à leurs proches. Lors de la réunion du G8, qui s'est tenu en juillet 2009 à l'Aquila en Italie, les chefs d'Etat et de gouvernement, avaient promis d'agir et de réduire de 50% les coûts réels des transferts à l'horizon 2013. Quelle hâte! Les immigrés concernés seront sans doute particulièrement touchés par tant de prévention à leur endroit. Qu'a fait le ministre français, Eric Besson alors en charge de l'Immigration, de l'Identité nationale, de l'Intégration et du développement prétendument solidaire? Rien ou presque. Quelques négociations ici et là auxquelles s'est ajoutée la rénovation d'un tableau comparatif établi en 2007 par l'Agence française de développement permettant de prendre connaissance des tarifs pratiqués par les différentes sociétés de transferts, les banques et la Poste.

Comme on peut le lire sur le site officiel du ministère de l'Intérieur aujourd'hui en charge de l'Immigration, ce tableau «est l'illustration de l'engagement, aussi bien de l'Etat que des établissements financiers, à aboutir à une plus grande transparence et à une information claire et complète des migrants sur les modalités et coûts de ces envois d'argent». Cette prose convenue et creuse, qui mobilise quelques «éléments de langage» aujourd'hui en vogue parmi les conseillers en communication chargée de promouvoir l'action des membres du gouvernement, n'engage à rien. Plus grave, les tarifs pratiqués restent très onéreux pour les immigrés. De l'aveu même d'Eric Besson, qui a tenu une conférence de presse le 20 mai 2010 sur cette question: «les coûts des transferts de fond demeurent trop élevés, dépassant bien souvent 8 à 10 % de la somme transférée et approchant quelquefois 20%». Remarquable bilan, assurément, de celui qui se vantait de mettre en œuvre une «politique ferme mais humaine» et cherchait à redorer son misérable blason par la promotion d'actions réputées favorables aux migrants et à leur pays d'origine.

Aux responsables politiques qui disent savoir de quoi ils parlent et affirment être bien informés des réalités sur lesquelles ils prétendent agir, recommandons l'expérience simple suivante. Entrez donc dans une agence parisienne de Western Union, par exemple, et vous pourrez constater que la situation n'a pas véritablement changé. A destination de l'Afrique, les «prix du service» sont les suivants: jusqu'à 100 euros, les frais sont de 10 euros, de 100,1 à 200 euros, de 15 euros. Mais ils sont de 8 euros 50 pour un transfert inférieur à 50 euros et de 15 euros pour un transfert compris entre 50, 1 euros et 100 euros selon d'autres tarifs fournis par la Banque Postale cette fois. En effet, dans le cadre d'un partenariat sans doute lucratif établi depuis 1994 avec Western Union, et régulièrement reconduit depuis cette date, la Banque postale propose dans son réseau de plus de 6000 points de vente les prestations de cette société de transfert de fonds. Comme l'a reconnu le vice-président et directeur exécutif de Western Union en Europe, Hikmet Ersek, «la Banque postale nous aide véritablement à étendre l'offre de service (...) en France». Assurément.

Mais quelles sont les conditions financières de cet accord? Combien ces prestations rapportent-elles à la Banque postale? Comment les tarifs sont-ils établis? Impossible de le savoir. Le bilan d'activité et le bilan financier de cet établissement n'en disent rien, et l'un de nos interlocuteurs, salarié de la Banque postale joint par téléphone, a refusé de nous communiquer ces éléments d'information. La Banque postale aurait-elle des choses à cacher en la matière, elle qui communique pourtant régulièrement sur le sujet et a mobilisé il y a peu le joueur de football sénégalais, Mamadou Niang, pour promouvoir la nouvelle tarification applicables aux transferts d'argent? Mystère. Ajoutons enfin que l'Etat est actionnaire à 100% du groupe La Poste et de sa filiale la Banque postale, et que le ministre de tutelle actuel n'est autre qu'Eric Besson qui prétendait, dans le cadre de ces responsabilités passées au ministère de l'Immigration, vouloir faire baisser les tarifs de façon significative. Il n'en a rien fait dans le passé et il persévère dans cette voie lors même qu'il aurait les moyens d'agir. Admirable.

«Service» ose écrire le dirigeant de Western Union. «Service» peut-on lire aussi sur les dépliants fournis aux clients potentiels. Une ignominie bien plutôt qui prospère, dans tous les sens du terme, sur un «marché» toujours «oligopolistique» comme on le reconnait du côté du ministère des Finances cependant qu'à cause de cela les immigré(e)s et leur famille perdent chaque année des sommes très importantes en frais exorbitants.

A quand un véritable service public pour venir vraiment en aide à celles et ceux qui sont victimes de ces pratiques indignes? Il n'y a rien à espérer de ce gouvernement qui s'acharnent contre les immigrés et les sans-papiers. Que les candidates et les candidats, qui aspirent à remplacer Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en 2012, disent ce qu'ils comptent faire pour que cesse ce scandale. Il y a urgence; la vie de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, parmi les plus pauvres du monde, dépend en partie de leur réponse.

Histoire d'une immigration du Nord vers le Sud

Histoire d'une immigration du Nord vers le Sud



LA communauté italienne est sans doute l'une des plus petites communautés d'origine européenne installées au Maroc aujourd'hui. Souvent on donne l'impression de connaître cette communauté mais il n'en est rien. On ne semble pas plus avancé avec le salon du livre de Casablanca dans sa 17ème édition 2011 qui vient de fermer ses portes, salon où l'Italie était invitée d'honneur. L'Italien attire les étudiants marocains qui sont aujourd'hui 5000 dans tout le territoire marocain soit le nombre d'étudiants d'espagnol du seul institut Cervantès de Casablanca. Mais n'oublions pas que sur le territoire de l'Italie, qui fête cette année le 150ème anniversaire de sa réunification, il y a 430 mille Marocains dont beaucoup doivent user de l'italien comme première langue étrangère.
Depuis la première ambassade italienne au Maroc en 1875 auprès du sultan Moulay Hassan 1er, racontée par l'écrivain italien Edmondo de Amicis dans son livre fondateur de la littérature de voyage, « Maroc », les Italiens étaient toujours présents sur le sol marocain. Mais les Italiens étaient présents bien avant à travers les marchands génois. N'oublions pas que le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah avait fait appel à des maçons génois pour construire des scalas.
Pour les temps contemporains et aux meilleurs moments de leur présence massive au Maroc, les Italiens étaient cinquante mille personnes rien qu'à Casablanca en 1930, ce qui constituait une population très importante pour l'époque, démographiquement parlant. Les premières vraies vagues d'immigrations italiennes vers le Maroc avaient commencé au début du vingtième siècle sous la poussée de la pauvreté et la famine au sud de l'Europe suite à la guerre et aux catastrophes naturelles dont la sécheresse. Pour le sud de l'Italie, c'est en partie à la suite de la destruction des champs de vigne par l'invasion du phylloxéra.
Les Siciliens, ouvriers, travailleurs agricoles, arrivent d'abord en Tunisie avant de commencer à immigrer ailleurs vers l'Amérique et au Maroc quand le travail en Tunisie vint à manquer. Ce mouvement migratoire semble aujourd'hui oublié et n'est presque jamais évoqué face à l'immigration dramatique de l'Afrique vers l'Europe et l'Italie en particulier phénomène qui avait connu une courbe ascendante depuis le début des années 90 du siècle passé. La mémoire humaine est souvent très courte.
Aujourd'hui cette communauté italienne n'est représentée au Maroc que par un millier d'individus dont 50% d'origine marocaine. Où sont passés les autres ? Les uns seraient retournés en Italie après la deuxième guerre mondiale, retour au bled, beaucoup aussi ont choisi de se faire naturaliser français et de partir en France pour échapper à la discrimination et la vive intolérance française, souvent jugée arbitraire, exacerbée contre les Italiens à cause de la guerre et la période fasciste.
Et puis il y a ceux, une minorité, qui avaient décidé de rester au Maroc et même de garder leur nationalité italienne contre vents et marées. Ils disent se sentir toujours italiens sans vraiment parler italien (on préserve surtout les langues locales le sicilien et le calabrais parlés en famille), sans avoir aucune attache avec Rome qui ne sait même pas qu'ils existent (comme le dit Giuseppe Giglio) et bien que leurs propres enfants aient choisi de devenir français et de partir vivre en France pour quitter une identité minoritaire victime d'ostracisme.
Toutes ces données et d'autres encore se trouvent dans le livre « Eclats de mémoire, les Italiens au Maroc », écrit par la libano-italienne née au Maroc, Roberta Yasmine Catalano et réalisé par une maison d'édition Senso Unico dirigée par l’Italienne Eleana Marchesani, installée, elle-même depuis une vingtaine d'années à Mohammedia.
Edité en même temps au Maroc et en Italie respectivement en français et en italien, ce livre donne la parole à cette minorité de ressortissants italiens pour la première fois. Jusque-là cette minorité qui avait bénéficié de l'hospitalité marocaine et dont beaucoup ont connu la prospérité, n'avait pas voix au chapitre.
Dans le livre, les propos recueillis ne constituent qu'une partie de l'ensemble. Cette partie semble cependant être la plus capitale. Dans d'autres chapitres on a droit à d'autres développements comme l'histoire de la fabrique d'armes de Fès, usine qui n'a jamais réellement fonctionné et qui fut juste un emblème de velléités coloniales italiennes face au rival français, la description ahurissante des camps de concentration réservés par les autorités du Protectorat français aux Italiens pendant la deuxième guerre mondiale. Tous les civils italiens vivant au Maroc avaient été envoyés dans des camps. Des chapitres sont consacrés aux carnets de voyages pleins d'exotisme et de stéréotypes laissés par des intellectuels, journalistes, voyageurs et écrivains italiens ayant visité le Maroc au XIXè et la première moitié du XXè siècle.
Les témoignages des « survivants » de la communauté italienne constituent donc, à ne pas douter, la partie la plus intéressante de l'ouvrage. La plus vivante. A chaque témoignage il y a le même retour en arrière mais chaque fois avec une touche différente selon les itinéraires. Ce faisant on a droit à la description des vicissitudes d'une communauté laborieuse qui avait vécu dans un isolement particulier, du moins pour les pauvres ouvriers, artisans, ayant connu des difficultés, enduré un genre de délit de faciès avant la lettre de la part des Français, subi des drames indélébiles surtout les camps de concentration créés par le protectorat contre une communauté de civiles d'italiens (tout homme âgé de plus de dix-huit ans) juste parce la France était en guerre contre l'Italie, des camps de travaux forcés dans la région de Casablanca et ailleurs à Machraa Benabbou, Boujniba, Tindouf, Sidi Boudnib au sud, Erfoud, Sidi al-Ayachi près d'Azemmour, Khenifra etc. Ces douloureux moments de la guerre reviennent souvent dans des témoignages soit des victimes ou de membres de leur famille (conjoints, enfants).
La qualité de ce livre c'est peut-être d'offrir des témoignages de première main révélés pour la première fois. Et pour cause puisque les témoins jusque-là n'avaient jamais eu personne pour les écouter. Les rescapés âgés de plus de 80 ans, habitant Casablanca ou Mohammedia, faisaient souvent partie de la mosaïque européenne (Espagnols, Portugais, Italiens, Français) qui peuplait le quartier mythique du Maarif à Casablanca, un quartier de petites maisons que des prolétaires italiens avaient construit eux-mêmes avec soin dans une architecture spécifique de manière à pouvoir se souvenir de leur Sicile. Ils expriment souvent avec intensité l'amertume d'une communauté oubliée par leur propre pays à tel point que cela peut aller dans des témoignages jusqu'à nourrir une certaine nostalgie du fascisme mussolinien sur fond de nationalisme.
Mais à côté des ouvriers, artisans italiens du menu peuple, il y avait eu aussi dans cette même communauté les hommes d'affaires, l'industrie automobile Fiat, les entrepreneurs, promoteurs immobiliers, agriculteurs, commerçants, propriétaires de restaurants, de salles de cinéma. Il y a eu surtout des architectes qui ont vraiment marqué la scène architecturale au Maroc comme Rafael Moretti ou encore Domenico Basciani qui avait construit notamment des monuments architecturaux inoubliables comme les cinémas Lynx en 1951, Rif en 1958, l'Atlas en 1960, le Luxe en 1968 et le Colisée en 1969 etc.
Cette communauté dans sa majorité avait connu des débuts difficiles à côté des Portugais et des Espagnols. Avant de prospérer ils avaient habité les tout premiers bidonvilles pour citer le cas de Casablanca. Giulio Alcamo 88 ans, vivant à Mohammedia au moment où le témoignage est recueilli, se souvient :
« De Rabat mes parents sont venus à Casablanca où mon père a été embauché dans une usine boulevard de la Gare (Bd Mohammed V). Là-bas il y avait des baraques où habitaient des Espagnols, des Portugais. Nous étions les seuls italiens. Nous vivions dans l'une des baraques avec six frères et deux sœurs »
Cette communauté allait vivre par la suite dans la médina de Casablanca au fameux Derb Taliane, ensuite dans le quartier du boulevard Bordeaux et Place Verdun et plus tard dans le quartier Maarif ou les Roches Noires.
Autre témoignage de Michel Friscia, coiffeur italien dont les grands parents quittent la Sicile en 1903 pour s'installer en Tunisie avant de venir au Maroc. Le transport en commun par calèche était une profession détenue en particulier par les Italiens. Pendant la guerre alors que son père avait été envoyé en camp de concentration, sa mère avait du mal à nourrir les chevaux par manque de fourrages. Dans son témoignage, il raconte ce « douloureux souvenir » comment sa mère le chargeait de se débarrasser des chevaux affamés emmenés du quartier Bourgogne à Casablanca vers la région d'El Hank au-delà du cimetière chrétien pour les abandonner dans un terrain vague.

Source : L'Opinion.ma

Le mythe de l'immigration

Source : Cyberpresse.ca

L'immigration est-elle essentielle pour mitiger les effets du vieillissement de la population? Non. L'immigration n'est pas essentielle. Sa contribution est marginale et, à cause des mauvaises performances économiques des immigrants admis au Canada depuis trois décennies, elle est peut-être même négative.

Dans notre Québec social-démocrate - au filet social généreux et à l'impôt progressif -, les immigrants dépendent un peu plus des transferts gouvernementaux que les natifs, alors qu'ils paient beaucoup moins d'impôts. Plutôt que d'alléger le fardeau que fait peser le vieillissement de la population sur les finances publiques, il n'est pas impossible que l'immigration l'alourdisse modestement.


Mais n'est-il pas possible d'améliorer les choses? Oui et non. Il est toujours possible de mieux soutenir l'intégration des immigrants à l'emploi, en investissant davantage et en mettant en oeuvre de meilleurs programmes. Nous sommes d'ailleurs de farouches partisans d'un meilleur investissement dans les politiques d'intégration et d'un meilleur suivi des performances économiques des immigrants admis au Québec.


Mais il ne faut pas rêver en couleurs. La réalité est que la plupart des immigrants - même sélectionnés - rencontrent sur le marché du travail de multiples obstacles. Ces obstacles sont dus à des problèmes difficilement solubles, notamment le fait que les compétences acquises dans les pays en développement sont souvent peu transférables et même de moindre qualité, étant donné le manque de compétitivité des systèmes éducatif et économique de ces pays.


Nous pouvons aider les immigrants à surmonter leurs difficultés d'insertion sur le marché du travail, mais il faut le faire en étant conscient que cela exigera des dépenses qui remettront probablement en question la logique coûts/avantages au fondement de notre politique d'immigration économique. (...)


Au-delà des propositions concrètes de réforme, le plus urgent, dans la situation actuelle, demeure néanmoins de rétablir des attentes réalistes par rapport à l'immigration.


Depuis 2007 - sous l'activisme du gouvernement et des commentateurs -, l'idée que l'immigration doit jouer un rôle essentiel pour contrer les effets négatifs du vieillissement de la population s'est répandue au Québec comme une traînée de poudre.


Elle l'a fait malgré la présence d'une imposante littérature en démographie démontrant l'influence marginale de l'immigration sur la structure par âge de la population.


Elle l'a fait malgré une littérature économique démontrant l'impact négligeable de l'immigration sur des variables cruciales comme les salaires ou le PIB par habitant.


Enfin, elle l'a fait malgré une imposante littérature canadienne démontrant la détérioration continue des performances économiques des immigrants au cours des 30 dernières années.


Qu'est-ce qui a incité les acteurs politiques et les médias québécois à embrasser unanimement une idée aussi fausse? Leurs motivations sont probablement multiples.


D'abord, certains acteurs sont probablement poussés par des motifs économiques. L'immigration ne change rien à la prospérité économique en général, mais elle peut être à la source de bénéfices dans des secteurs particuliers.


On pense d'abord au secteur de la construction, à cause de l'impact de l'immigration sur la taille de la population. On pense aussi aux marchés saturés où les coûts d'entrée sont très élevés?: téléphonie, câblodistribution, etc. L'accroissement de la taille de la population (et du PIB) se transforme directement en croissance des revenus pour les entreprises actives dans ces secteurs. On pense finalement aux entreprises oeuvrant dans des secteurs utilisant une main-d'oeuvre à bon marché et où les immigrants sont surreprésentés.


Mais les motifs économiques n'expliquent évidemment qu'une petite partie de l'affaire. Les motifs électoraux y sont peut-être aussi pour quelque chose. Du côté du gouvernement, la chose est plus que plausible. Malgré la francisation relative de l'immigration, l'appui au Parti libéral du Québec demeure proportionnellement plus fort chez les immigrants que chez les natifs. Le gouvernement a donc un intérêt objectif à faire diminuer la part relative des natifs dans la population.


L'élément électoraliste n'explique cependant pas l'adhésion des autres principaux partis au lieu commun. En 2007, même si l'Action démocratique du Québec s'est opposée à la hausse du volume d'admission, Mario Dumont n'hésitait pas à soutenir que, d'un point de vue économique, le Québec avait besoin de plus d'immigrants. Visiblement, il était mal informé.


L'adhésion du Parti québécois au mythe de l'immigration miracle doit également faire l'objet d'une explication. Bien sûr, la méconnaissance des faits joue chez lui un rôle important. Mais l'influence déterminante est probablement celle de la rectitude politique.


(...) Il y a des conséquences à vivre en permanence hors de la réalité. Ces conséquences ne sont pas uniquement de nature économique ou politique. Elles concernent le lien social en entier.


Le principal problème est simple à saisir?: à force de répéter sur toutes les tribunes que le Québec vieillissant a besoin d'immigration, journalistes et politiciens font monter les attentes de tout le monde.


D'un côté, les Québécois s'attendent à ce que l'immigration soulage la pression sur les finances publiques, ce qui n'est pourtant pas plausible.


De l'autre, les immigrants s'attendent à ce que leurs perspectives d'emploi soient particulièrement favorables. Après tout, le Québec vieillissant aura bientôt «700 000 emplois à combler». Comment pourrait-il ne pas y en avoir un pour eux? Les attentes étant si démesurément élevées, l'échec de l'intégration économique ne peut qu'engendrer déception et ressentiment.


En donnant systématiquement la discrimination et la non-reconnaissance des acquis comme fondements de cet échec, les décideurs et les commentateurs ne font qu'aggraver le problème qu'ils souhaitent résoudre.



Les chevaliers de l'antidiscrimination, plutôt que de calmer le jeu, viennent attiser la méfiance entre les groupes. Les natifs comprennent qu'ils sont accusés de racisme et de fermeture d'esprit, alors que les immigrants se voient confortés dans leurs pires appréhensions: les Québécois ne les aiment pas et voilà la source de leurs malheurs!


L'un de nos principaux objectifs est de ramener chacun à des attentes plus réalistes. Il n'a jamais existé et n'existera jamais de recette magique pour l'intégration des immigrants. Les choses se déroulent parfois bien, souvent moins bien. Nous ignorons plusieurs des variables impliquées, et il est souvent très difficile de trancher entre les diverses théories.


Pire encore, nous n'avons qu'un faible contrôle sur plusieurs des variables cruciales. Voilà autant de raisons de rester modestes dans nos attentes. Voilà aussi des raisons de se méfier de ceux qui vendent des solutions magiques sans pourtant être capables d'en définir les coûts ou les effets.


Améliorer la francisation? Nous sommes partants, mais combien faudra-t-il investir pour éliminer le désavantage des immigrants par rapport aux natifs? Certains voudront connaître le montant avant de signer le chèque. Construire un immense système de reconnaissance des acquis afin de remplacer les processus informels d'évaluation à l'oeuvre dans les réseaux sociaux? On se rapproche de plus en plus de l'illusion du «planisme», à laquelle tant d'intellectuels, de journalistes et de politiciens de chez nous ont fait l'erreur d'adhérer à une autre époque.


La réalité est que l'immigration produit des effets complexes sur lesquels il est rarement facile d'agir. La seule approche acceptable consiste à se tenir à l'abri de la conjecture et à mobiliser la documentation empirique disponible tout en en reconnaissant les limites. C'est ce que nous avons cherché à faire.


Pour autant, les nuances dans les détails ne doivent pas masquer la clarté du portrait global?: économiquement et démographiquement, le Québec n'a pas besoin d'immigration. Dire le contraire revient à créer des attentes condamnées à être déçues. Les Québécois doivent poursuivre le débat sur leurs politiques d'immigration et d'intégration, mais en mettant de côté cet argument une fois pour toutes. Le vieillissement de la population est un problème réel, mais l'immigration est un remède imaginaire.

© Les Éditions du Boréal 2011
 
Benoît Dubreuil et Guillaume Marois*


Les auteurs sont respectivement philosophe et démographe. Ce texte est extrait du livre «Le Remède imaginaire - Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec», publié par Boréal, qui sera en librairie la semaine prochaine.

mercredi, février 23, 2011

Le projet de loi sur l’immigration adopté par les sénateurs

Source : cimade.org

Le projet de loi sur l’immigration a été adopté par les sénateurs jeudi 10 février. Ce texte vise  à transposer trois directives européennes dont la directive Retour et les principales dispositions ont été adoptées malgré la résistance de l’opposition et de  certains sénateurs de la majorité : interdiction de retour sur le territoire français, allongement de la durée de rétention, création de zones d’attente spéciales etc.

Cependant les sénateurs sont revenus sur certaines mesures emblématiques du projet qui avaient été adoptées par les députés en première lecture. Ils ont ainsi refusé de restreindre le droit au séjour des étrangers malades comme de reculer l’intervention du juge à cinq jours au lieu de deux actuellement. Ils ont aussi supprimé l’article étendant la déchéance de la nationalité, mesure polémique annoncée par Nicolas Sarkozy lors du discours de Grenoble de cet été. Sans compter que les sénateurs ont adopté quelques amendements proposés par l’opposition qui n’avaient pas été discutés lors de la première lecture à l’Assemblée (droit au séjour de plein droit pour les conjoint(e)s de Français(e) ayant perdu leur époux(se) ou encore création d’un recours suspensif en cas d’arrêté de réadmission ( Dublin). Mais ils ne se sont pas opposés pour autant à l’amendement du gouvernement qui pourrait créer un « Guantanamo à la française » s’il était définitivement adopté.
Si les sénateurs, et notamment le groupe centriste, ont marqué par ces votes leur défiance vis-à-vis de la politique gouvernementale d’immigration, ils n’en ont pas moins validé les principaux principes. Or, comme nous le dénonçons depuis sa présentation en Conseil des ministres, ce texte, certes aujourd’hui un peu amendé, entraîne une profonde rupture avec la manière dont la législation en France traite jusqu’à présent les migrants. Rappelons encore une fois, qu’en créant un régime d’exception pour les migrants, ce texte menace le socle de nos droits fondamentaux.
L’examen du texte en deuxième lecture à l’Assemblée nationale est prévu pour le 8 mars.