jeudi, août 05, 2010

Comment peut-on perdre la nationalité française ?

Par Laurence De Charette
Source : Le Figaro, 26/04/2010


Éric Besson a expliqué dimanche qu'il souh­aitait procéder à des vérifications juridiques avant de se prononcer sur l'opportunité de déchoir de sa nationalité un homme supposé polygame. À ses yeux, il sera «probablement» difficile de prouver la polygamie de cet homme.

Le ministre de l'Immigration a commencé à étudier, ce week-end, à la demande de Brice Hortefeux, les conditions dans lesquelles Liès Hebbadj, soupçonné de polygamie et de fraudes aux prestations sociales, appartenant à la mouvance radicale du Tabligh, selon le ministre de l'Intérieur, pourrait être déchu de sa nationalité française. Le parquet de Nantes a ouvert une enquête sur cet homme né à Alger et qui a acquis la nationalité française par son mariage, en 1999, avec une Française.


« Retrait » du décret de naturalisation

Toutefois, la procédure de déchéance de la nationalité française - qui ne peut toucher que les personnes l'ayant acquise en cours de vie -reste très rare. Même condamnable, une éventuelle fraude aux aides sociales - fraude considérée elle par la plupart des spécialistes comme relativement fréquente - ne fait pas partie des motifs prévus par les textes. Risquent d'être déchues - par décret - les personnes condamnées à certains crimes ou délits précis comme l'«atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», le terrorisme, ou encore celles qui se livreraient «au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France». Pour l'essentiel, les textes visent donc les espions ou les personnes mêlées au terrorisme. Bien qu'illégale, la polygamie ne rentre pas non plus dans les critères de la procédure de déchéance.

Toutefois, on peut également perdre la nationalité française par «retrait» du décret de naturalisation - une procédure plus usuelle, utilisée notamment lorsqu'il y a eu mensonge ou fraude sur les conditions d'obtention et dont le délai de prescription (deux ans) peut ne commencer à courir qu'à partir de la découverte des faits. En l'occurrence, Liès Hebbadj a obtenu la nationalité française par son mariage en 1999. S'il s'avérait par exemple aujourd'hui qu'il était déjà marié - en France ou à l'étranger - à ce moment, l'acquisition de sa nationalité pourrait être remise en cause. Sa condition exacte au moment de la célébration de ses noces, mais aussi son rôle dans le mouvement du Tabligh sont donc pour lui les deux points les plus sensibles de l'enquête qui le vise.

La déchéance de la nationalité à travers l'Europe

Source: Le Figaro, 04/08/2010
Par Jim Jarrassé, Damien HYPOLITE

La plupart des pays de l'Union sont dotés de lois autorisant la déchéance de la nationalité pour des crimes et délits précis. Mais seule l'île de Malte est allée aussi loin que ce que ce que l'Elysée propose en France.


En France, la procédure de déchéance de nationalité reste pour le moment très rare car elle est strictement encadrée. Conformément à l'article 25 du code civil, seuls risquent d'être déchus les citoyens naturalisés condamnés à certains crimes ou délits précis comme l'«atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation», le terrorisme, ou ceux qui se livreraient «au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France». Des conditions très restrictives que l'on retrouve dans les autres pays d'Europe.







Seule Malte punit certains de ses criminels de droits communs issus de l'immigration par une déchéance de nationalité : si un citoyen est condamné à une peine supérieure à un an de prison dans les sept années qui suivent sa naturalisation, il perd automatiquement la nationalité maltaise. Dans les autres pays européens, il faut en revanche porter gravement atteinte à la sûreté de l'Etat ou représenter une réelle menace pour ses intérêts pour risquer une déchéance : être coupable de crimes de guerres, d'actes terroristes, servir dans une armée ennemie…



Ces motifs sont restreints car les lois qui autorisent la procédure doivent être conformes à un certain nombre de textes. Il peut par exemple s'agir de la Constitution nationale : en Allemagne, l'article 16 de la loi fondamentale indique ainsi que «la nationalité ne peut pas être retirée» et que «la perte de la nationalité ne peut intervenir qu'en vertu d'une loi et seulement si celui-ci ne devient pas de ce fait apatride». De même, un bon nombre de pays européens - à l'exception notable de la France - ont ratifié la Convention européenne sur la nationalité du Conseil de l'Europe qui stipule que «nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité» et que «chaque Etat partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants, qu'ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis leur nationalité ultérieurement.»