vendredi, décembre 19, 2008

La politique d'"asile choisi" d'Hortefeux envers les réfugiés irakiens

LEMONDE.FR | 19.12.08

Brice Hortefeux n'a pas souvent l'occasion de communiquer sur son action en donnant l'accolade à un immigré venant de poser le pied sur le sol français. Jeudi 18 décembre, pour l'arrivée du 500e réfugié irakien accueilli en France depuis le mois de juin, le ministre de l'immigration a tenu à marquer le coup. Accompagné de Bernard Kouchner, il s'est déplacé en personne à la base militaire du Bourget, où ont atterri dans la matinée deux familles irakiennes : l'une musulmane, l'autre chrétienne.

Une forme de parité confessionnelle a été respectée pour cette cérémonie de bienvenue. A l'origine pourtant, le dispositif voulu par Nicolas Sarkozy visait à n'accueillir que des Irakiens chrétiens. "Bernard Kouchner en avait fait la promesse au Vatican à la fin de l'année dernière", rappelle Gérard Sadik, coordinateur de la commission nationale asile à la Cimade. Face aux accusations de "discrimination" formulées par les associations, le plan a finalement été "recadré" avant sa mise en place en mai : la France se donnait désormais pour mission d'accueillir 500 membres de "minorités" irakiennes menacées.

80 % DE CHRÉTIENS

Malgré ce changement d'objectif, 80 % des Irakiens accueillis cette année en France étaient chrétiens, précise-t-on au cabinet du ministre, alors qu'ils représentent à peine 3 % de la population irakienne. "Le principe c'est que nous accueillons des minorités persécutées d'Irak. Parmi elles, les chrétiens chaldéens constituent une majorité", explique Brice Hortefeux. Selon l'évêque de Troyes Mgr Stenger, qui s'est rendu en Irak en février, la moitié des 700 000 chrétiens d'Irak, visés par des persécutions, sont aujourd'hui déplacés.

"C'est une vaste fumisterie", s'étrangle Jean-Pierre Alaux, chargé d'études au Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). "Les 20 % de musulmans servent à répondre aux accusations de discrimination. L'asile doit être accordé à des gens qui sont menacés, pas en fonctions de critères prédéfinis. Outre les certificats de baptême, ils ont choisi des gens utiles économiquement (l'un des père de famille accueilli jeudi est médecin). C'est de l'asile choisi", s'insurge-t-il en référence à la doctrine d'"immigration choisie" du gouvernement.

"LA POLITIQUE D'ASILE EST QUASIMENT MORTE"

La situation des réfugiés irakiens vivant en France varie en effet du tout au tout selon qu'ils sont arrivés par leurs propres moyens ou par "vol officiel", renchérit Gérard Sadik. On estime à plusieurs milliers le nombre d'Irakiens installés en France depuis 2003. Selon un rapport publié par la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA), ces sans-papiers vivent "en errance" dans des conditions "misérables" sur le littoral du nord de la France.

Signe de la différence de traitement entre les demandeurs d'asile "choisis" et ceux qui survivent en France depuis parfois plusieurs années, un camps abritant une cinquantaine d'Irakiens, d'Afghans et d'Iraniens a été détruit mardi près de Dunkerque sur ordre de la préfecture. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a aussitôt dénoncé "la violence de ces opérations", évoquant "des camps entiers rasés au bulldozer, mettant à la rue des centaines de réfugiés".

"La politique d'asile est quasiment morte", résume Jean-Pierre Alaux. "Un demandeur d'asile bénéficie d'une liberté de circulation totale. C'est lui qui choisit son pays d'accueil, pas l'inverse. Une politique d'immigration choisie vise l'utile, elle est aux antipodes du droit d'asile", développe-t-il.

Dans les années 70 et 80, la communauté internationale avait su répondre à une crise quantativement comparable à celle des déplacés irakiens, celle des réfugiés du Sud-Est asiatique. Près d'1,3 million de demandeurs d'asile avaient été accueillis par différents pays occidentaux. "On aurait pu espérer que le monde d'aujourd'hui soit capable d'une réponse de même ampleur que dans les années 80, regrette Jean-Pierre Alaux. On est loin du compte".

Soren Seelow

4 millions de déplacés

Au début de l'année, on comptait plus de 4 millions d'Irakiens déplacés, dont la moitié à l'étranger, sur les 26 millions que compte le pays. Il s'agit du plus important mouvement de population au Moyen-Orient depuis le déplacement de Palestiniens au moment de la création d'Israël en 1948. Moins de 100 000 d'entre eux ont été officiellement accueillis par les pays indutriels depuis 2003, selon la CFDA. L'attitude des pays occidentaux a provoqué un afflux de réfugiés dans les pays riverains de l'Irak. La Syrie en accueille à elle seule 1,5 million.

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