lundi, décembre 22, 2008

Visite du Commissaire européen aux droits de l'homme en Grèce

Le Commissaire Hammarberg s'est rendu en Grèce pour discuter de la situation des demandeurs d'asile et des minorités

Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a terminé une visite de trois jours à Alexandroupolis et à Athènes où il a discuté avec les autorités concernées de certaines questions importantes concernant les demandeurs d’asile et les minorités.

« Le but de la visite était de me rendre compte par moi-même de la situation et de renforcer le dialogue avec le gouvernement pour parvenir à améliorer la situation », a dit le Commissaire Hammarberg.

Le programme du Commissaire comprenait une visite au poste de douane de Feres, aux installations de détention des migrants en situation irrégulière à Fylakio et à la zone minée des environs de Kastanies.

Le 10 décembre, il a rencontré à Athènes le Ministre de l’Intérieur, des représentants du Ministère des Affaires Etrangères ainsi que d’autres autorités nationales compétentes et des membres d’organisations internationales. Un rapport sur les résultats de la visite devrait être publié début 2009.


http://www.coe.int

vendredi, décembre 19, 2008

La politique d'"asile choisi" d'Hortefeux envers les réfugiés irakiens

LEMONDE.FR | 19.12.08

Brice Hortefeux n'a pas souvent l'occasion de communiquer sur son action en donnant l'accolade à un immigré venant de poser le pied sur le sol français. Jeudi 18 décembre, pour l'arrivée du 500e réfugié irakien accueilli en France depuis le mois de juin, le ministre de l'immigration a tenu à marquer le coup. Accompagné de Bernard Kouchner, il s'est déplacé en personne à la base militaire du Bourget, où ont atterri dans la matinée deux familles irakiennes : l'une musulmane, l'autre chrétienne.

Une forme de parité confessionnelle a été respectée pour cette cérémonie de bienvenue. A l'origine pourtant, le dispositif voulu par Nicolas Sarkozy visait à n'accueillir que des Irakiens chrétiens. "Bernard Kouchner en avait fait la promesse au Vatican à la fin de l'année dernière", rappelle Gérard Sadik, coordinateur de la commission nationale asile à la Cimade. Face aux accusations de "discrimination" formulées par les associations, le plan a finalement été "recadré" avant sa mise en place en mai : la France se donnait désormais pour mission d'accueillir 500 membres de "minorités" irakiennes menacées.

80 % DE CHRÉTIENS

Malgré ce changement d'objectif, 80 % des Irakiens accueillis cette année en France étaient chrétiens, précise-t-on au cabinet du ministre, alors qu'ils représentent à peine 3 % de la population irakienne. "Le principe c'est que nous accueillons des minorités persécutées d'Irak. Parmi elles, les chrétiens chaldéens constituent une majorité", explique Brice Hortefeux. Selon l'évêque de Troyes Mgr Stenger, qui s'est rendu en Irak en février, la moitié des 700 000 chrétiens d'Irak, visés par des persécutions, sont aujourd'hui déplacés.

"C'est une vaste fumisterie", s'étrangle Jean-Pierre Alaux, chargé d'études au Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). "Les 20 % de musulmans servent à répondre aux accusations de discrimination. L'asile doit être accordé à des gens qui sont menacés, pas en fonctions de critères prédéfinis. Outre les certificats de baptême, ils ont choisi des gens utiles économiquement (l'un des père de famille accueilli jeudi est médecin). C'est de l'asile choisi", s'insurge-t-il en référence à la doctrine d'"immigration choisie" du gouvernement.

"LA POLITIQUE D'ASILE EST QUASIMENT MORTE"

La situation des réfugiés irakiens vivant en France varie en effet du tout au tout selon qu'ils sont arrivés par leurs propres moyens ou par "vol officiel", renchérit Gérard Sadik. On estime à plusieurs milliers le nombre d'Irakiens installés en France depuis 2003. Selon un rapport publié par la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA), ces sans-papiers vivent "en errance" dans des conditions "misérables" sur le littoral du nord de la France.

Signe de la différence de traitement entre les demandeurs d'asile "choisis" et ceux qui survivent en France depuis parfois plusieurs années, un camps abritant une cinquantaine d'Irakiens, d'Afghans et d'Iraniens a été détruit mardi près de Dunkerque sur ordre de la préfecture. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a aussitôt dénoncé "la violence de ces opérations", évoquant "des camps entiers rasés au bulldozer, mettant à la rue des centaines de réfugiés".

"La politique d'asile est quasiment morte", résume Jean-Pierre Alaux. "Un demandeur d'asile bénéficie d'une liberté de circulation totale. C'est lui qui choisit son pays d'accueil, pas l'inverse. Une politique d'immigration choisie vise l'utile, elle est aux antipodes du droit d'asile", développe-t-il.

Dans les années 70 et 80, la communauté internationale avait su répondre à une crise quantativement comparable à celle des déplacés irakiens, celle des réfugiés du Sud-Est asiatique. Près d'1,3 million de demandeurs d'asile avaient été accueillis par différents pays occidentaux. "On aurait pu espérer que le monde d'aujourd'hui soit capable d'une réponse de même ampleur que dans les années 80, regrette Jean-Pierre Alaux. On est loin du compte".

Soren Seelow

4 millions de déplacés

Au début de l'année, on comptait plus de 4 millions d'Irakiens déplacés, dont la moitié à l'étranger, sur les 26 millions que compte le pays. Il s'agit du plus important mouvement de population au Moyen-Orient depuis le déplacement de Palestiniens au moment de la création d'Israël en 1948. Moins de 100 000 d'entre eux ont été officiellement accueillis par les pays indutriels depuis 2003, selon la CFDA. L'attitude des pays occidentaux a provoqué un afflux de réfugiés dans les pays riverains de l'Irak. La Syrie en accueille à elle seule 1,5 million.

vendredi, novembre 07, 2008

Dakar profite de la victoire d'Obama pour critiquer la France

Immigration: Dakar profite de la victoire d'Obama pour critiquer la France

DAKAR (AFP) — Le président sénégalais Abdoulaye Wade, dont le pays a une très ancienne tradition d'émigration, a profité de l'élection historique de Barak Obama aux Etats-Unis pour critiquer la France, accusée de vouloir "fermer la porte de l'Europe et de la France aux Noirs".

Le chef de l'Etat s'en est une nouvelle fois pris au Pacte européen pour l'immigration et l'asile, formellement adopté le 16 octobre, et qui durcit la politique migratoire de l'Europe en pleine crise financière mondiale et avant une éventuelle récession économique.

"Au moment où les Etats-Unis réussissent (l') exploit" d'élire pour la première fois un Noir à la présidence, "la France en est encore à fermer la porte de l'Europe et de la France aux Noirs", a-t-il indiqué mercredi soir, selon des propos rapportés jeudi par les médias sénégalais.

"En réalité, c'est cela, les accords de l'immigration qui s'étendent maintenant à l'Europe", a-t-il expliqué devant plusieurs responsables, dont le Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré.

"On a fait ça pour qui ? On a fait ça pour fermer la porte aux Noirs, sauf aux cadres, aux ingénieurs, aux médecins, les gens dont ils ont besoin et là le racisme disparaît. Je pense qu'ils ont tort, les Français devraient réfléchir", a lancé le président sénégalais, âgé de 84 ans et marié à une Française.

L'adoption de ce pacte sur l'immigration était une priorité pour la présidence française de l'UE.

"Leur système (d'immigration choisie), ils l'ont amené au niveau de l'Europe. Ousmane Ngom (ancien ministre sénégalais de l'Intérieur) en sait quelque chose", a poursuivi le chef de l'Etat.

En septembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur et partisan d'une ligne dure sur l'immigration, avait signé à Dakar avec M. Ngom un accord qualifié d'"historique" avec le Sénégal sur "la gestion concertée des flux migratoires".

Pour le Sénégal, pays pauvre de 11 millions d'habitants, l'émigration dans les pays occidentaux constitue souvent un "investissement" pour l'entourage du migrant, qui l'aide à financer son voyage en espérant obtenir en retour des transferts d'argent.

"Ils (les Français) se défendent en disant +non, non, non, ce sont les Européens+. En fait, c'est le gouvernement de Monsieur Sarkozy qui a cette conception de l'immigration", a assuré le président sénégalais.

"Moi Sarkozy, je le considère comme un ami. Mais il faut dire la vérité aussi. Lui, c'est un homme de vérité. Ne cachons pas la vérité, il veut transposer ce système au niveau de l'Europe. C'est eux qui l'ont proposé, les Européens les ont suivis", a-t-il ajouté.

"Encore que certains Européens nous avaient saisis en disant: +attaquez, parlez de cette question là+ et nous on vous suivra plutôt que de suivre ce projet sur l'immigration", a-t-il confié, sans donner plus de précision.

Les autorités espagnoles avaient imposé de laborieuses négociations à la présidence française, faisant modifier ou supprimer plusieurs points du pacte qu'ils contestaient.

Mercredi, le président sénégalais avait souhaité que la victoire de M. Obama "amène un changement en France", où les Noirs ne sont pas suffisamment présents, selon lui, dans les cercles dirigeants, notamment dans le milieu économique.

"En France, les Noirs n'arrivent pas à percer sur le plan économique. On ne voit pas de Noirs au sommet de sociétés et de l'administration, sinon quelques Antillais dans les bureaux de poste ou à la douane", avait-il assuré lors d'un entretien à trois journalistes, dont l'AFP.

"La France n'est pas raciste, la France profonde n'est pas raciste, du tout, du tout, mais il y a un racisme quelque part", avait-il conclu.

dimanche, novembre 02, 2008

Gabon-France : Accord sur la gestion concertée des flux migratoires

Le Décret n° 2008-900 du 3 septembre 2008 portant publication de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 a été publié (JO du 6/09/2008).

Un Centre de documentation au Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

Le centre de documentation du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire met à la disposition des agents du ministère les informations relatives à ses domaines d’activité et assure une mission de veille documentaire. Il regroupe en un seul lieu une grande richesse de documents, en particulier en matière de politique de l’immigration, au sens le plus large du concept.

Le fonds documentaire (près de 2500 ouvrages, 200 dossiers documentaires, une centaine de revues spécialisées...) a été informatisé.

Le centre de documentation est également ouvert aux personnes extérieures au ministère : chercheurs, étudiants, responsables associatifs, particuliers...

Accueil du public
Le centre de documentation du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire (site Paris) est ouvert au public externe, uniquement sur rendez-vous, du lundi au vendredi, de 14H30 à 17H.

Le centre de documentation participe au réseau Rémisis (réseau d’information sur les migrations internationales et les relations interethniques), base de données bibliographiques, accessible sur internet : http://www.remisis.org.

En collaboration avec les différents services du ministère, le centre de documentation assure, d’autre part, une mission d’information et de communication, notamment par la réalisation et la diffusion de documents :

- « DocInfo », bulletin signalétique

- « Réglementation », recueil des textes portant sur l’immigration, l’intégration, l’accès à la nationalité française

vendredi, octobre 31, 2008

Regroupement familial : Maîtriser le français d'abord !

À partir du 1er décembre, toute personne voulant venir en France par la voie du regroupement familial va devoir passer un test dans son pays d'origine pour prouver sa bonne maîtrise de la langue française et sa connaissance des valeurs de la République, selon un décret qui doit être publié au journal officiel (JO) en fin de semaine. Ce décret précise les modalités d'application de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, précise-t-on au point.fr du côté du ministère de l'Immigration.

Le dispositif d'évaluation prévu vise à préparer "l'intégration républicaine dans la société française" du candidat au regroupement familial. Les ressortissants étrangers âgés de plus de 65 ans ou ceux qui ont moins de 16 ans seront dispensés de ce cours. Tout comme les personnes ayant étudié dans une école francophone ou celles ayant réalisé des études supérieures en France d'un an. En revanche, les autres devront, selon leur niveau, suivre jusqu'à deux mois de formation avant de passer un nouveau test. Le critère de réussite ne sera alors pas tant le niveau atteint lors de l'examen que l'assiduité. Ainsi, un absentéisme pourrait retarder l'obtention du visa. "La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation" qui est délivrée immédiatement à l'issue du cours, précise l'article 1 de la loi du 20 novembre 2007.

L'apprentissage de la langue française pourra se faire au sein des antennes locales de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui ne sont pas encore très développées à l'étranger, ou bien en partenariat avec d'autres organismes comme les consulats. Ces antennes locales sont peu nombreuses à ce jour. On en trouve au Sénégal, au Mali, au Maroc, en Tunisie… Autrement, l'Anaem passera des conventions avec des organismes.

Les consulats seront également impliqués. La filière devrait s'organiser progressivement, sous la houlette de l'agence, qui deviendra, d'ici peu, l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Mais la logistique reste complexe. Et les moyens restreints.

Ces cours n'existeront ni dans les pays en guerre ni en cas de catastrophe naturelle… Certains candidats issus des campagnes peineront à suivre cette formation, fait remarquer Gaye Petek, de l'association Elélé, qui s'occupe des Turcs en France. «Pourquoi se lancer dans une formation impossible alors que tous les nouveaux arrivants apprennent maintenant le français une fois en France, dans le cadre du contrat d'intégration ?», regrette-t-elle. «C'est juste une façon de rendre l'immigration plus difficile.» Sans l'empêcher puisque le regroupement familial est garanti par le droit européen. Dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, Brice Hortefeux organise d'ailleurs une conférence ministérielle européenne dans quelques jours à Vichy pour réfléchir aux bonnes pratiques en matière d'intégration des primoarrivants.

Source : Le Point.fr et Le Figaro.fr

Les immigrés deux fois plus au chômage que les non-immigrés

Les immigrés deux fois plus au chômage que les non-immigrés
AFP, Julie DUCOURAU

Le taux de chômage des immigrés, qui sont principalement ouvriers ou employés, est deux fois plus élevé que celui des non-immigrés, avec des différences selon les qualifications, le sexe et l'origine, souligne une étude de l'Insee réalisée en 2007 et publiée vendredi. Lire la suite l'article

En 2007, 361.000 immigrés de 15 ans ou plus étaient au chômage, d'après l'enquête Emploi de l'Institut national de la statistique.

Les immigrés (nés étrangers à l'étranger mais qui ont pu devenir Français) représentent ainsi 16% des chômeurs, alors qu'ils ne constituent que 9% de la population active (2,4 millions d'immigrés sur 27,8 millions d'actifs). Le taux de chômage parmi les immigrés (15,2%) est deux fois plus élevé que parmi les non-immigrés (7,3%).

Cet écart est en partie dû aux différences de qualifications. "Les immigrés sont plus nombreux à occuper des emplois peu ou non qualifiés et sont donc davantage exposés au chômage", explique l'Insee. Parmi les 30-64 ans, les immigrés actifs sont trois fois plus nombreux que les non-immigrés à ne posséder aucun diplôme (37% contre 12%).

Mais, à diplôme égal, les immigrés actifs, dont un quart sont diplômés de l'enseignement supérieur, demeurent plus souvent au chômage que les autres.

Ainsi, le taux de chômage de ces immigrés diplômés est près du triple de celui des autres actifs de niveau équivalent. "Les formations qu'ils ont pu suivre à l'étranger ne sont pas forcément reconnues en France", souligne Pascale Breuil (Insee) qui se dit "prudente sur la question des discriminations".

Les femmes immigrées sont également plus touchées par le chômage que les hommes immigrés (17,3% contre 13,5%) et elles travaillent plus fréquemment à temps partiel que les autres actives (34% contre 28%). Même constat chez les jeunes immigrés : 28% des 15-24 ans sont au chômage, contre 13% des 50 ans et plus.

L'Insee note également que les immigrés actifs nés dans l'Union européenne sont beaucoup moins exposés au chômage que les autres.

"Les immigrés qui viennent d'Espagne, d'Italie ou du Portugal, qui sont présents depuis plus longtemps en France", ont même un "taux de chômage inférieur" d'un point à celui des actifs non immigrés, précise Mme Breuil. À l'inverse, les natifs d'Algérie ou de Turquie ont un risque de chômage triple de celui des non-immigrés.

Globalement, 62% des immigrés occupent des emplois d'ouvriers ou d'employés, contre 51% des autres actifs ayant un emploi.

Les immigrés venus des pays d'Europe, autres que l'Espagne, l'Italie et le Portugal, sont davantages cadres ou professions intermédiaires.

Quant aux femmes immigrées, un tiers d'entre elles occupent des postes d'employées non qualifiées, contre une sur cinq pour les non immigrées.

Comme le reste de la population en emploi, les immigrés travaillent majoritairement dans le tertiaire (73%). Et dans des secteurs comme le nettoyage, les services domestiques et les entreprises de sécurité, plus de 20% de la main d'oeuvre est constituée d'immigrés.

L'Insee précise qu'en Ile-de-France, 69% des salariés des entreprises de nettoyage sont des immigrés.

jeudi, octobre 30, 2008

260 élus exigent la transparence sur les centres de rétention

Immigration: 260 élus exigent la transparence sur les centres de rétention
AP
Quelque 260 élus interpellent le président de la République sur la réforme des conditions d'accès des associations dans les centres de rétention administrative (CRA) où sont retenus les étrangers en instance d'expulsion, dans une lettre ouverte rendue publique jeudi.

Les signataires s'insurgent contre la remise en cause par le ministère de l'Immigration de la mission de la Cimade (association oecuménique d'entraide), seule association assurant depuis 1984 une permanence dans les CRA. Chaque année, elle publie un rapport très critique sur leur fonctionnement et le respect des droits dans ces centres.

"Nous considérons (...) que multiplier le nombre des intervenants au sein des CRA, qui seront désormais choisis dans le cadre d'un appel d'offres des marchés publics éclatés en huit lots distincts, empêchera dorénavant d'avoir une vision d'ensemble de la situation qui prévaut dans ces lieux d'enfermement", écrivent les élus, essentiellement Verts, socialistes et communistes.

Le député européen et vice-président du MoDem Jean-Luc Bennahmias et le député UMP Etienne Pinte sont également signataires de cette lettre.

"Nous estimons qu'imposer à ces futurs intervenants un devoir de confidentialité et de neutralité va entraver tout témoignage public sur certaines situations contraires au respect des droits fondamentaux", ajoutent les signataires de cette lettre ouverte paraphée par 14 parlementaires et 246 élus locaux.

Un décret du 22 août organise une refonte complète du système d'information des étrangers dans les 27 CRA sur le territoire français, assuré jusqu'ici par la seule Cimade. Les nouvelles règles, dont celle de la confidentialité des intervenants, entrent en vigueur le 1er janvier prochain. La Cimade perd son exclusivité et les associations qui auront accès au CRA seront désignées par le ministère sur la base d'un appel d'offres.

Plusieurs associations, dont la Cimade, le Secours catholique, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et le Syndicat des avocats de France (SAF), ont déposé le 23 octobre dernier un recours devant le Conseil d'Etat contre ce décret. AP

mercredi, octobre 29, 2008

Déclin du nombre des demandeurs d'asile se poursuit depuis 2003

Confirmation du déclin du nombre de demandes d'asile en 2007 selon le rapport d'activité de l'Ofpra établi en 2008.

En 2007, 35 520 demandes ont été enregistrées (nombre qui inclut les demandes de réexamen - 17 % de la demande - et celle des mineurs), soit une baisse de 9,7 % par rapport à 2006 où l'on dénombrait 39 332 demandes dont 4 479 mineurs. La demande se féminise : 36,5 % des demandes sont présentées par des femmes (35,8 % en 2006).

En 2007, les principales nationalités des demandeurs d'asile en France sont par ordre décroissant : la Serbie, (Albanais du Kosovo essentiellement), la Turquie (principalement les Kurdes), la Russie, le Sri-Lanka, la République démocratique du Congo, l'Arménie, la Chine, le Bangladesh, l'Algérie et le Congo. Les demandes russes, principalement d'origine tchétchène, ont connu une augmentation de plus de 55 % dans les derniers mois de l'année 2007.

L'office a pris 37 500 décisions dont 8 000 concernent des mineurs et 20 % des demandes de réexamen, soit une baisse importante par rapport aux 47 634 décisions prises en 2006 (dont 9 648 concernaient des mineurs et 23 % des demandes de réexamen).

Avec 3 401 décisions favorables (2 929 en 2006), le taux d'admission s'élève à 11,6 % devant l'Ofpra (contre 7,8 % en 2006).

La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a pris 5 380 décisions d'octroi d'une protection au titre de l'asile, soit un taux global d'octroi de 29,9 % pour l'office et la CNDA (il était de 19,5 % en 2006).

Quant aux délais de traitement des demandes, il ont encore diminué
en 2007.

Le délai moyen de traitement des demandes d'asile qui est calculé de la date de dépôt du dossier à l'Ofpra (ce qui ne prend pas en compte le délai en préfecture) à la date de la décision de l'Ofpra est de 105 jours en 2007 (110 en 2006).

Le taux de convocation des demandeurs continue de progresser pour s'élever à 94 % (81 % en 2006), de même que le taux d'entretien qui est de 73 % (63 % en 2006).

8 376 des demandes sont traitées en procédure prioritaire ; 59 % sont des demandes de réexamen, mais cette procédure est davantage utilisée pour des premières demandes (41 %) qu'elle ne l'était en 2006 (34 %). Le délai de traitement de ces demandes est de deux à trois jours. Les demandeurs placés en procédure prioritaire sont plus souvent placés en rétention en 2007 (22 %) qu'en 2006 (15 %), et surtout en 2007, 65 % d'entre eux sollicitent l'asile pour la première fois.

85,2 % des demandeurs issus de pays d'origine sûrs sont placés en procédure prioritaire (contre 83,6 % en 2006).


Rapp. d'activité Ofpra 2007, avr. 2008

mardi, octobre 28, 2008

USA: l'immigration, casse-tête oublié de la campagne

USA: l'immigration, casse-tête oublié de la campagne

Le Figaro du 27/10/2008 , Philippe Gélie

Avec la crise économique, le débat sur les frontières et les millions de clandestins est repassé au second plan. Mais l'électorat hispanique saura se rappeler au souvenir du prochain élu.

Au début de la campagne présidentielle, l'immigration figurait en tête des préoccupations des électeurs. Lors des échanges avec les candidats, le public soulevait la question jusque dans des coins reculés de l'Iowa. Sur CNN, le journaliste militant Lou Dobbs en faisait son fonds de commerce, allant jusqu'à témoigner devant le Congrès comme expert.

Ces jours-ci, le sujet n'est pratiquement plus évoqué, ni dans les duels télévisés, ni dans les discours des deux prétendants. La crise financière est passée par là. Mais l'enjeu des frontières et des millions de clandestins pourrait ressurgir à tout moment, à la faveur de l'impact de la récession sur l'emploi ou d'une attaque terroriste aux États-Unis.

D'après le Pew Hispanic Center, le nombre d'immigrés en situation irrégulière atteint 11,9 millions, pour la première fois en légère baisse (12,4 millions en 2007). Cela s'explique à la fois par le durcissement des contrôles et la baisse des offres d'emploi.

Poursuivant l'œuvre amorcée par Clinton en 1993, les États-Unis ont entrepris depuis 2006 de fortifier 1 000 des 3 200 km de leur frontière avec le Mexique : pour moitié, des palissades empêchant le passage des piétons, ailleurs des pylônes bloquant la circulation des voitures. Mais le projet a pris du retard. Une «barrière virtuelle» équipée de radars et de caméras est au point mort, après des tests peu concluants sur 45 km en Arizona.

De 6 000 agents en 1996, la Border Patrol a vu ses effectifs passer à 15 000 aujourd'hui (et 18 000 l'an prochain). Ses responsables estiment qu'un demi-million de clandestins continuent néanmoins à se faufiler chaque année entre les mailles du filet. Les itinéraires ont changé, la barrière poussant les candidats à l'exil vers des pistes plus périlleuses à travers le désert. Le bilan s'en ressent : on compte plus de mille morts depuis 2000, contre 125 durant la décennie 1990.

Pays d'immigration par essence, les États-Unis accueillent un million d'immigrants légaux chaque année, plus que la plupart des autres pays développés combinés. Le débat porte sur la main-d'œuvre clandestine sous-payée, sans assurance médicale, qui pèserait sur les services sociaux des petites villes. Mais une étude du Conseil économique de la Maison-Blanche affirmait l'an dernier que les immigrés avaient «un impact positif sur les budgets publics à long terme.» À Riverside, dans le New Jersey, la municipalité avait adopté en 2006 une loi pénalisant tout employeur de clandestins. Après la fuite de cette main-d'œuvre bon marché, l'économie locale s'est effondrée. Le décret a été annulé.

Un électorat décisif

L'enjeu a pris une dimension sécuritaire après les attentats du 11 septembre 2001 : quatre des dix-neuf pirates de l'air séjournaient dans le pays en situation illégale. Le département de la Sécurité intérieure a considérablement renforcé les contrôles de sécurité aux aéroports et l'inspection des conteneurs dans les ports.

Barack Obama et John McCain ne se plaignent pas de l'apaisement des passions sur le sujet. Ils s'efforcent de séduire un électorat hispanique désormais capable de faire la différence dans de nombreux États du Sud et de l'Ouest (44 % de la population au Nouveau-Mexique, 36 % en Californie et au Texas, 30 % en Arizona et au Nevada, 20 % en Floride).

Leurs philosophies sont voisines : renforcement de la frontière (tous deux ont voté pour l'érection du mur en 2006), chasse aux employeurs de clandestins, accueil des travailleurs légaux. Mais McCain, qui avait inscrit son nom sur une réforme globale défaite par le Congrès en 2007, ne parle plus d'offrir «une voie de légalisation» aux immigrés déjà dans le pays, ayant un travail et pas de passé criminel. La mesure était impopulaire auprès de sa base conservatrice.

Obama, lui, y reste favorable. Il promet aussi d'augmenter l'aide au Mexique pour «supprimer les incitations» à l'exil. Surtout, il a inscrit les Latinos au cœur de sa stratégie électorale, les incluant dans sa «nouvelle coalition», censée «changer la carte politique du pays». Son objectif est de porter leur participation de 6,4 % en 2004 à près de 10 % mardi prochain. Une des clés de la victoire.


lundi, octobre 27, 2008

La Belgique plaide pour une immigration organisée

Le ministre de l'Intérieur Belge, Patrick Dewael, plaide en faveur d'une immigration légale et organisée dans un discours lu samedi à Hasselt. Pour donner aux nouveaux arrivants potentiels une chance de mener une vie réussie, il faut une immigration organisée via le travail, la langue et la légalité, y souligne M. Dewael.

Le ministre devait tenir ce discours à l'occasion de la journée d'étude "Niet je afkomst, maar je toekomst telt" (Ce n'est pas ton origine mais ton avenir qui compte) organisée par Prometheus, le Liberaal Kenniscentrum (le centre de connaissance libéral) de l'Open Vld à Hasselt mais, il n'a pu se rendre sur place. M. Dewael y rappelle que les traitements injustes et la discrimination directe des étrangers doivent être sanctionnés. "La diversité génère toujours un potentiel important pour le développement économique et du bien-être.

La politique doit développer ce potentiel de manière optimale", affirme-t-il. Notre marché du travail a accueilli rien que cette année déjà 200.000 personnes étrangères. D'autre part, le chômage parmi les étrangers en Belgique (30 pc) est encore très élevé.

Il est donc urgent de mener une politique d'activation forte, non seulement parmi les étrangers, mais aussi les plus de 50 ans et ceux qui perçoivent le revenu d'intégration, a ajouté le ministre.

vendredi, octobre 24, 2008

Le 1er décembre 2008, l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile est désormais possible pour tous les demandeurs d'asile

Le 1er décembre 2008, l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile est désormais possible pour tous les demandeurs d'asile


Jusqu'à présent, seuls les personnes étant entrés régulièrement en France (muni d'un visa) pouvaient en bénéficier sauf exception humanitaire. Ce qui de fait écartait la quasi-totalité des demandeurs d'asile. En effet, fuyants leur pays, ils n'ont pas le temps de demander des visas d'entrée pour la France.

Où la demander? : À la CNDA, 35 rue cuvier 93558 Fontenay sous Bois CEDEX ou dans les tribunaux d'instance ou de grande instance, le formulaire d'aide juridictionnelle peut être téléchargé sur le site du ministère de la justice.

Comment remplir le formulaire ? : Il faut indiquer l'état-civil des personnes, leur adresse, les raisons du recours et les revenus (l'ATA est à déclarer mais pas les autres allocations de solidarité comme l’aide sociale à l’enfance). En cas d'absence de ressources, une attestation sur l'honneur d'absence de ressources doit être jointe (cf. modèle)

Quelles pièces produire ? : la copie de la décision OFPRA, la copie de récépissé (s'il y a lieu) et du recours (sauf si la demande d'aide juridictionnelle est faite avant le recours)

Quand la demander? : À tout moment. Si la demande d'aide juridictionnelle est faite dans le délai d'un mois après la notification, elle interrompt le délai, c'est à dire que le demandeur disposera d'un mois après la notification de la décision pour former un recours

A noter que si l'intéressé est convoqué à une audience sans qu'il y ait eu une réponse à sa demande d'aide juridictionnelle, un récent arrêt du Conseil d'Etat a considéré que la Cour devait statuer préalablement sur cette demande. EN L'ABSENCE DU DEMANDEUR, la cour ne peut pas la rejeter et rejeter au fond.

Peut-elle être refusée ? Jusqu'à présent le principal motif de refus était l'absence d'entrée ou de séjour régulier qui est supprimé. La loi prévoit désormais plusieurs motifs :

    • ressources supérieures à un certain seuil (874€ par l’aide juridictionnelle totale, 1311€ pour la partielle, avec majoration de 157 pour deux premières personnes à charge et 99€ à partir de la troisième
    • demande manifestement infondées (la Cour peut alors prendre une ordonnance)

Mais les avocats n’y trouvent pas forcément leur compte puisque plaider devant la Cour représente 8 unités de valeur. Soit 196 euros TTC (à déduire encore les 5,5 % de TVA). A noter également que les frais de transport ne sont pas pris en charge, ce qui désavantage des avocats de province part rapport aux avocats parisiens. En effet, il n'y a qu'une Cour nationale de droit d'asile et elle est située dans la région parisienne !


Sur le droit d'asile voir ici.

jeudi, octobre 23, 2008

Nécessité de suivre des soins dans le pays de retour

Nécessité de suivre des soins dans le pays de retour

Lorsqu’elle estime que des soins médicaux indispensables peuvent être dispensés dans le pays de retour, l'administration doit apporter la preuve que des traitements appropriés à l'affection en cause pourront être localement poursuivis. Elle ne peut pas se borner à produire une note générale établissant que si les pathologies sont traitées localement, une rupture des stocks de médicaments peut intervenir. Elle doit établir que, eu égard à la complexité du traitement en cause et qui doit être suivie régulièrement, l'intéressé pourra bénéficier sans aucun doute d'un traitement approprié à la nature et la gravité de son affection.
(CAA Nancy, 25 sept. 2008, M. Driss X, req. n° 08NC00511)

Espagne : pays d'immigration

Le 16 octobre dernier, l’Union Européenne a voté un nouveau plan pour l’immigration. L’occasion de faire le point sur la situation espagnole

L’ Espagne est aujourd’hui un pays multiculturel : une immigration européenne mais aussi africaine font de ce pays un grand melting pot. A Malaga, on parle toutes les langues, des quotidiens locaux en suédois sont même publiés. Cette région est la nouvelle Sun Belt européenne, elle est devenue une région de prédilection des retraités du nord de l’Europe comme les Anglais, les Suédois ou les Norvégiens. Plus loin sur la côte andalouse, El Ejido est une région qui, par manque de main d’œuvre, a accueilli une forte immigration. Cette ville, dans les années 2000, fut le théâtre de nombreux incidents entre une population immigrée africaine et les habitants de la région. Malaga et El Ejido, deux opposés qui traduisent l’immigration espagnole d’aujourd’hui. Une population immigrée qui en cas de crise est plus fragile, plus vulnérable. La situation est telle qu'aujourd’hui beaucoup arrivent avec un permis de travail mais ne trouvent pas de travail en Espagne.

L’immigration en quelques chiffres

L’Espagne a connu dans les années 2000 une montée subite de son immigration, de 1,7 million en 2000 à 4,9 millions de personnes en 2004. Beaucoup de ces nouveaux immigrants viennent d’Amérique du Sud (environ 37 %) mais aussi d’Europe occidentale (21,03% dont la première population est celle du Royaume- Uni). Les Français pour leur part sont aujourd’hui la quinzième communauté avec 115 000 immigrés recensés. Le contexte actuel de crise ne facilite pas l’intégration des immigrés par le travail.

Le gouvernement espagnol a pourtant fait pression pour modifier le texte du plan européen pour l’immigration ratifié le 16 octobre dernier. Le texte d’origine mentionnait un contrat d’intégration, ou l’obligation pour le migrant d’apprendre la langue nationale et les valeurs européennes. Ce plan, produit de Brice Hortefeux, ministre français de l'Immigration, vise à réguler de manière européenne la politique en matière d’immigration. Il n’évitera malheureusement pas le drame des boat-people sur la côte espagnole.

Mathilde Mouchel (www.lepetitjournal.com Valence) mercredi 22 octobre 2008.

mardi, octobre 21, 2008

La HALDE au secours du droit des étrangers de mener une vie familiale normale

La HALDE au secours du droit des étrangers de mener une vie familiale normale

Les récentes délibérations et saisines en matière de droit des étrangers illustrent le rôle de mise au pilori des comportements discriminatoires de l’administration ou du droit français que joue la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).
Une délibération du 1er septembre 2008 invite à s’interroger sur la portée des recommandations de la HALDE en matière de droit des étrangers.

Le droit aux prestations familiales des mineurs étrangers
A l’occasion de saisines de plusieurs parents d’enfants de nationalité étrangère, auquels le droit aux prestations familiales a été refusé par les caisses d’allocations familiales au motif qu’ils ne pouvaient justifier d’une entrée régulière sur le territoire français, la HALDE vient de réaffirmer la position qu’elle soutient depuis sa délibération du 11 décembre 2006. Elle « recommande » (délibération du 1er sept. 2008 préc.) au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports d'initier une modification des dispositions du code de la sécurité sociale qui conditionnent le versement de prestations familiales au titre d'un enfant étranger à la régularité de sa présence en France.
L’exclusion des mineurs étrangers du bénéfice de ces prestations familiales date de la loi Barzach du 29 décembre 1986. Les parents étrangers doivent fournir un certificat médical de l’Office des migrations internationales (OMI) remis dans la procédure du regroupement familial. Or, de nombreux enfants viennent vivre avec leurs parents en dehors de cette procédure depuis que le droit au regroupement familial est devenu plus restrictif. La question de la légalité de cette réglementation française a été soulevée à plusieurs reprises devant les juridictions françaises au regard du principe d’égalité et au regard des textes internationaux (V. art. 14 Conv. EDH). Ces dispositions sont applicables aux prestations sociales (CEDH 16 sept. 1996, Gaygusuz, 371/90, n° 17).

Les articles L. 512-2 (mod. par l’art. 89 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006) et D. 512-2 du code la sécurité sociale (CSS) n’ont pas mis fin à cette restriction. L’article L. 512-2 a, certes, étendu le bénéfice des prestations familiales à d’autres catégories d’allocataires mais a continué à en refuser le bénéfice aux mineurs étrangers hors regroupement familial. Le droit aux prestations familiales est ainsi étendu à l’enfant de l’étranger réfugié (art. D. 512-1 CSS), apatride (art. L. 313-11, 10° du code d'entrée et séjour des étrangers et droit d'asile [CESEDA]), et au bénéficiaire de la « protection subsidiaire » (art. L. 313-13 CESEDA). Pour leurs enfants, l’article D. 512-2 du code la sécurité sociale prévoit la production du livret de famille, ou à défaut d’un acte de naissance, délivré par l’OFPRA. Pour l’enfant du titulaire de la carte vie privée et familiale « scientifique » et « conjoint de scientifique » (art. L. 313-8 et L. 313-11, 5,° CESEDA), il est demandé la production d’un visa délivré par l’autorité consulaire et comportant le nom de l’enfant. Enfin, l’enfant d’un étranger titulaire d’une carte vie privée et familiale attribuée sur le fondement du droit à une vie privée et familiale (art. L. 313-11, 7,° CESEDA) pourra bénéficier de ces prestations familiales si l’attestation délivrée par la préfecture précise que l’enfant est entré en France avant que le parent ait été régularisé à ce titre et au plus tard en même temps que l’un de ses parents admis au séjour à ce titre.

Notons que, sur la méconnaissance du principe d’égalité et du droit de mener une vie familiale normale, le Conseil constitutionnel a déclaré valide la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (15 déc. 2005, § 11 à 19).
La position de la HALDE, en 2006, en opposition avec celle du Conseil constitutionnel n’était pas isolée. Elle est venue corroborer celle de la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, du 16 avril 2004. Par la suite, dans un arrêt du 18 mai 2005, la Cour de cassation a reconnu l’application directe de la Convention internationale des droits de l’enfant, notamment l’article 3.1. Le rapport spécial de la HALDE publié en annexe de sa délibération rappelle que ce principe est valable en matière de protection sociale comme l’a appuyé la défenseure des enfants, dans un avis du 9 juin 2004.

Malgré tout, cette irrégularité au regard des textes internationaux subsiste et les caisses d’allocation familiales ont continué à appliquer le droit français tel que dénoncé par la HALDE, laquelle ne manque pas de rappeler, d’ailleurs, que dans « huit délibérations, le collège de la Haute Autorité a relevé le caractère discriminatoire de ces positions et a recommandé au ministère de la santé, de la jeunesse et des sports d’initier une modification législative et réglementaire ». Les différents courriers adressés au ministère concerné sont restés sans réponse. Finalement le Directeur de la sécurité sociale a fourni des justifications concernant les articles litigieux du code de la sécurité sociale qui n’ont pas satisfait la HALDE, laquelle a sollicité leur modification en mars 2008.
Face au silence de l’Administration, il semblerait que la médiatisation de la publication au Journal officiel de la délibération de la HALDE, ainsi que du rapport spécial, soient l’ultime recours pour convaincre le gouvernement de régulariser une situation jugée par cette autorité, par la Cour de cassation, par la CJCE et par la CEDH, illégale au regard des textes internationaux.

La mise au ban des couples franco-étrangers sans papiers
La saisine de la HALDE par le mouvement des « Amoureux au ban public », soutenue par quatre-vingt chercheurs et universitaires, porte quant à elle sur la différence de traitement infligée aux couples franco-étrangers par rapport aux couples unissant un ressortissant de la Communauté européenne avec un étranger sans-papiers. Le manifeste de soutien constate que le durcissement des lois sur l'immigration et des pratiques administratives rend ineffectif le droit de mener une vie familiale normale pour ces couples, spécifiquement la multiplication des obstacles pour l'obtention d'un titre de séjour.

Parallèlement, l’UE ne cesse d’assouplir sa législation en matière de circulation et de séjour des ressortissants européens. Dans une jurisprudence récente, la CJCE a rappelé que la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 s’oppose à la réglementation d’un État membre qui exige du ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union séjournant dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, d’avoir au préalable séjourné légalement dans un autre État membre avant son arrivée dans l’État membre d’accueil pour bénéficier des dispositions de cette directive.Le droit de vivre en famille en France serait ainsi garanti quels que soient le lieu et la date de leur mariage ainsi que la manière dont le ressortissant d'un pays tiers est entré dans l’UE (CJCE 25 juillet 2008, Metock, aff. C-127/08). Remarquons toutefois que cette solution n’est pas valable dans le pays d’origine du ressortissant européen. Elle encourage donc tous les européens dont le conjoint est en difficulté dans son pays d’origine de s’installer dans un autre pays de l’UE afin de se prévaloir de cette jurisprudence.

Le manifeste rappelle également que depuis la révolution française, le droit de vivre en famille des couples franco-étrangers dans les mêmes conditions que les couples de français a toujours été garanti et encouragé par le droit français. La Constitution française, la Convention européenne des droits de l'homme (art. 8), ainsi que les principes généraux du droit communautaire s'opposent à toute limitation abusive de ce droit. Le droit de mener une vie familiale normale a été reconnu comme un principe général du droit par le Conseil d’Etat. De son côté le Conseil constitutionnel a rappelé dans deux décisions du 13 août 1993 (n° 93-325 DC) et du 22 avril 1997 (n° 97-389 DC) que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ». Jusqu’en 2006, les conjoints de Français disposaient du droit automatique à la délivrance d’une carte de « résident » valable dix ans. Depuis 2006, ils doivent attendre trois ans avant de l’obtenir.
Certaines décisions jurisprudentielles relèvent parfois de la caricature comme l’illustre l’affaire relevée par les signataires de ce manifeste. C’est le cas de l’affaire d’une veuve béninoise menacée d’expulsion au printemps dernier. Elle s’est vue refuser le renouvellement de son titre de séjour deux ans après son entrée légale sur le territoire français. Le tribunal administratif avait rejeté son recours en annulation de la décision du préfet d’Indre-et-Loire. Un titre de séjour temporaire lui avait été délivré et son renouvellement était conditionné par une communauté de vie continue, interrompue de fait par le décès de son mari. Ainsi, contrairement au veuf ou à la veuve d'un résident étranger, elle ne pouvait bénéficier d'un renouvellement de plein droit de son titre de séjour « vie privée et familiale » d’un an renouvelable tous les ans pendant trois ans. Rappelons qu’en l’espèce la médiatisation de cette affaire a conduit le ministre de l’immigration à intervenir afin de faire régulariser par le préfet la situation de la requérante au motif que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le décès du mari de la requérante justifiait le non-renouvellement d'une autorisation de séjour de son conjoint étranger en situation régulière.

Il reste à savoir si la HALDE condamnera ces distorsions juridiques et si la publication au Journal officiel de ses recommandations, largement médiatisées, serviront la cause des mineurs étrangers.

Zéhina Aït-El-Kadi

Source : Le Blog Dalloz


lundi, octobre 20, 2008

Ceux qui se sentent français, levez le doigt

Après les incidents au Stade de France, un professeur de collège en Seine-Saint-Denis a invité ses élèves, arabes ou noirs pour la plupart, à réfléchir sur l'identité nationale

Ceux qui se sentent français, levez le doigt
LE MONDE | 18.10.08

Monsieur,quand je suis en vacances au Maroc, mes copains me disent : 'Tu as de la chance de vivre en France'." Moi, c'est le contraire, lâche Yacob, 15 ans, je veux rester là-bas." Le professeur se saisit de ces paroles pour lancer à sa classe : "Que ceux qui se sentent français lèvent la main !" Sur les trente élèves, quatre petits bras se tendent... timidement.

13 h 15, vendredi 17 octobre. C'est cours d'instruction civique et sociale au collège Roger-Martin-du-Gard, à Epinay-Sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Deux heures de "libre" discussion. Pas de jugement, pas d'insultes, juste comprendre pourquoi certains des élèves, présents le 14 octobre au Stade de France, lors du match amical France-Tunisie, ont sifflé La Marseillaise.

"Vous avez le droit à l'erreur, c'est comme cela qu'on se construit, qu'on apprend les uns des autres", rappelle le "prof", Jean-Claude Tchicaya. A 43 ans, il est aussi porte-parole de Devoirs de mémoire, un collectif fondé avec le rappeur Joey Starr et Olivier Besancenot, dont l'un des objectifs est de lutter contre les discriminations à l'encontre des "enfants de l'esclavage et de la colonisation".

"ON NE SAIT PAS D'OÙ ON VIENT"

Parmi les élèves - âgés de 12 à 16 ans, de la 6e à la 3e -, un seul Blanc, une Asiatique, les autres sont des Maghrébins et des Noirs. "Moi, j'ai sifflé", assume, avec le sourire, Maher, 13 ans. "Ça ne se fait pas, coupe Laetitia. Et pourquoi ?" "Chais pas, avoue-t-il. Pourquoi Lââm a chanté l'hymne national ? Elle est tunisienne, elle ne devait pas le faire." Le professeur lui répond : "Elle est née ici, où est le problème ?"

"C'est comme (Hatem) Ben Arfa, poursuit Maher, c'est un traître, il aurait dû jouer avec son pays." "Je l'ai eu comme élève dans une autre école, lui répond M. Tchicaya, il est comme toi, il est né ici." Un autre garçon, Ismaël, s'adresse à son camarade : "Et si toi tu étais footballeur et que la France te sélectionnait, t'irais ?" Maher : "Oui ! Mais je ne jouerais pas contre mon pays !" Pourtant, quand Thierry Henry a marqué, Maher s'est levé, a applaudi, sauté, crié de joie : "Ouais, mais ça ne veut pas dire que je suis français." Iptissem enchaîne : "C'est débile ! C'est un peu de toi que tu as sifflé." Anissa, aussi, a hué. Elle ne regrette rien. "Mais ça ne veut pas dire que je suis raciste des Français", clame-t-elle. "Je ne suis pas française, souffle Anissa. Si, de nationalité." Elle hésite, silence dans la classe. "J'en sais rien. Je ne sais pas ce que je suis. Je veux me considérer comme une Française, mais dès qu'on me traite de sale Arabe, ça me perturbe, ça me travaille." Sahra lui vient en aide. "On se sent plus français quand on est au bled, argue la jeune fille, parce que, là-bas, on nous prend pour des immigrés. Mais, ici, on est des Arabes." Anissa : "C'est vrai, on ne sait pas d'où on vient : t'es d'ici, de là-bas, nous sommes un peu de nulle part."

Toute la classe acquiesce. M. Tchicaya : "Quand vous dites "On nous traite d'Arabe, de sale nègre", qui est-ce, "on" ?" Sahra : "Les Français, les Blancs, qui se croient supérieurs." Sabrina, 16 ans, la plus ancienne, riposte. "Si, en France, on me pointe du doigt en disant que je suis arabe, où est le problème ?, débite-t-elle. Je ne veux pas choisir entre la France et mes origines, et quand on te dit "T'es une Arabe", il ne faut pas le prendre comme une agression. Tu es les deux à la fois !" Yacob : "Je respecte, mais moi j'ai choisi le Maroc." Puis, il médite : "Peut-être que ces sifflets vont créer encore plus de préjugés sur nous." "De toute façon, dit Anissa, les Français pensent que ce sont que les Arabes et les Noirs qui foutent la merde dans ce pays."

15 h 15. La cloche sonne. M. Tchicaya considère ses élèves comme "des petits héros" : "Toutes ces questions qu'ils se posent sur eux-mêmes, c'est dingue ! C'est une souffrance sourde. Ça prouve que la question identitaire est complexe." Il s'indigne, comme ses élèves, que des membres du gouvernement aient pu les traiter d'"imbéciles", de "voyous". "Ils sont où ?", interroge-t-il. M. Tchicaya se dit, comme ses élèves, "écoeuré" par les récents propos de Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la ville, qui, au lendemain du match, a déclaré au journal télévisé de France 2 qu'il fallait donner "un gros coup de Destop" à ces comportements dans les stades. Destop est un produit pour déboucher les canalisations... des toilettes.

Avant de se quitter, le professeur pose une ultime question : "Que ceux qui se sentent plus français lèvent la main." Sur les trente élèves, quatre petits bras se tendent... toujours aussi timidement.

M. KS

dimanche, octobre 19, 2008

Le coût de la rétention et de l'éloignement des étrangers

Le budget 2009 prévoit 42 millions d'euros pour les expulsions de sans-papiers

Le coût moyen d'une reconduite à la frontière est estimé à 2 186 euros selon le programme "immigration et asile" du projet de loi de finances présenté par le ministère du budget.

La prévision de crédits pour parvenir à l'objectif de 26 000 reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière s'élève à 42 millions d'euros, selon le programme "immigration et asile" du projet de loi de finances 2009, présenté le 26 septembre par le ministre du budget Eric Woerth.

Le texte précise par ailleurs qu'"il apparaît qu'avec 17 210 reconduites au 30 juin 2008, l'objectif [de 26 000 reconduites à la frontière] sera dépassé pour l'année". En ce qui concerne les mesures d'éloignement, la prévision de crédits est de 42 millions d'euros, avec 39 millions pour les frais de billetterie (le coût moyen d'un billet étant estimé à 1 500 euros) et 3 millions pour la location d'avions. Le montant moyen d'une expulsion est ainsi évalué à 2 186 euros.

BUDGET EN BAISSE POUR LE MINISTÈRE DE L'IMMIGRATION

Pour la rétention administrative, le montant de la dotation prévue pour 2009 est de 28,8 millions d'euros. A la mi-année, 1 538 places étaient gérées par la police et 434 par la gendarmerie, 2 030 places au total étant prévues pour 2009. Le coût moyen d'une place en rétention est de 38,84 euros par jour.

Par ailleurs, le coût estimé du nouvel appel d'offres lancé par le gouvernement pour les missions d'information et d'assistance juridique dans les centres de rétention est de 15 millions d'euros sur trois ans. Le marché public actuel, souscrit avec l'association Cimade, était, dans la loi de finances 2008, d'un montant de 4,56 millions d'euros, soit 57 790 euros par intervenant de la Cimade.

Le programme "immigration et asile" est globalement doté de 436 millions dans le projet de loi de finances 2009, lequel prévoit une enveloppe globale de 513,8 millions d'euros pour le ministère de l'immigration, soit une forte baisse (de 96,2 millions, - 15,7 %) par rapport à l'année passée, qui avait vu la création du ministère.

Le Monde.fr et AFP

Enquête sur les guichets de l'immigration

Sans-papiers, identité nationale… Le thème de l'immigration est plus que jamais un objet de polémiques. Pas facile, dans ces conditions, de travailler sereinement sur ce sujet. Sociologue, chercheur au CNRS, Alexis Spire a 35 ans et a rédigé une thèse sur l'administration de l'immigration. Dans son livre, Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration (Raisons d'agir Ed.), il propose une histoire de l'immigration par en bas, vue des guichets de préfecture. A ses yeux, il est possible de conjuguer vocation scientifique et engagement politique.

"Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration", d'Alexis Spire : "Moi, je fais mon chiffre et rien que mon chiffre"

Jour ordinaire en préfecture : un agent d'accueil s'apprête à enregistrer la demande d'asile d'une grand-mère sri-lankaise. Le guichetier a jugé le dossier complet. La vérificatrice intervient, vociférant : "C'est du regroupement familial, ce n'est pas de l'asile ! Ce n'est pas la peine d'attendre, on ne vous croira pas", assène-t-elle, envoyant le dossier voler en l'air.

Le sociologue Alexis Spire nous plonge dans l'univers des guichets de préfectures, directions départementales du travail et services des visas des consulats. Fondé sur plusieurs enquêtes menées entre 2003 et 2007, ce livre met en lumière l'action de ceux qui, dans les coulisses de l'administration, "font" la politique de l'immigration.

Chacun à son niveau, ces agents interviennent sur les conditions d'entrée en France, sélectionnent les migrants les plus "utiles" aux entreprises, et décident lesquels pourront rester sur le territoire. Les étrangers se trouvent ainsi face à des représentants de l'Etat qui peuvent choisir de les régulariser ou de les expulser, sans déroger à une législation qui, au fil des réformes successives, leur laisse de plus en plus de liberté.

Ainsi les titres délivrés hier de plein droit sont-ils désormais remplacés par des dispositifs accordant un pouvoir discrétionnaire aux échelons locaux. Et ce sur fond d'imprécision croissante des critères juridiques. En fonction de ce qu'il considère comme une "bonne" intégration, l'agent peut décider d'accorder à l'étranger un statut stable de résident ou de le maintenir dans la précarité. "Une telle évolution n'est pas anodine, relève Alexis Spire : elle constitue pour le pouvoir politique le seul moyen de concilier des pratiques juridiques apparemment respectueuses des droits fondamentaux et des pratiques de plus en plus répressives à l'égard des étrangers."

On aurait tort, cependant, de soupçonner ces fonctionnaires de racisme. Les services des étrangers ne suscitent guère de vocations, beaucoup se retrouvent à ces postes sans l'avoir choisi. Ces agents ne bénéficient d'aucune formation spécifique, ni même de stage centré sur les techniques d'accueil et de gestion des conflits. Ils s'en remettent à leurs collègues qui ont eux-mêmes appris "sur le tas", et aux normes édictées par les agents intermédiaires, lesquels privilégient des critères de rendement. "Largement impulsée par les gouvernants et les hauts fonctionnaires, la traque de la fraude - des "faux touristes", "faux demandeurs d'asile", "faux mariages" - devient l'obsession fédératrice des agents", observe Spire. Et la "politique du chiffre" ne fait que renforcer la suspicion.

Il y a bien quelques réfractaires qui plaident pour une écoute plus attentive, une instruction plus approfondie de chaque dossier. Certains réussissent à partir, mais les autres finissent par s'habituer. "Avec le temps, on s'endurcit", dit une fonctionnaire. Et la grande majorité des agents se montrent indifférents : ils ne résistent ni n'adhèrent véritablement aux normes qui leur sont inculquées. "Issus du monde ouvrier ou des petits employés, ils conçoivent l'activité de maintien de l'ordre comme n'importe quel autre métier, ils s'y consacrent sans éprouver ni passion ni scrupule et se conforment de façon pragmatique aux injonctions de la hiérarchie. Ils ne s'embarrassent d'aucune considération morale ou politique", explique Alexis Spire. "Moi, je fais mon chiffre et rien que mon chiffre", résume l'un d'entre eux.

ACCUEILLIR OU RECONDUIRE. ENQUÊTE SUR LES GUICHETS DE L'IMMIGRATION d'Alexis Spire. Ed. Raisons d'agir, 124 p., 7 €.

Voici des extraits

Introduction

La politique d'immigration a connu, durant les trente dernières années, d'incessantes réformes législatives. Au nom de la « maîtrise des flux migratoires », des mesures toujours plus restrictives ont été adoptées, encouragées bien souvent par des directives européennes. Mais, depuis 2003, le durcissement s'est transformé en acharnement : en à peine cinq ans, la loi a été modifiée à quatre reprises, toujours dans le même sens : précarisation du séjour des étrangers et renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière.

La fixation d'objectifs chiffrés toujours plus élevés pour les reconduites à la frontière a donné lieu à de nouvelles pratiques : à la fin de l'année 2003, le placement d'enfants en centre de rétention, jusque-là exceptionnel, devient monnaie courante. L'année suivante, plusieurs familles sont arrêtées après l'intervention de policiers à l'inté—rieur d'établissements scolaires. Dans le même temps, les con—trôles d'identité et les arrestations massives se multiplient dans les quartiers à forte population étrangère. La course aux chiffres a pour conséquence la mise en place de véritables pièges : en juillet 2004, plusieurs demandeurs d'asile sont arrêtés au guichet de la préfecture de Paris alors qu'ils y avaient été convoqués pour un réexamen de leur situation administrative. Le 9 août 2007, à Amiens, un jeune garçon de douze ans tombe d'un balcon du quatrième étage en tentant d'échapper à des policiers venus appréhender sa famille. Au total, le nombre d'étrangers arrêtés pour infraction à la législation sur le séjour est passé de 62 233 en 2002 à 111 842 en 2007, soit une augmentation de 80 %.

Cette spirale répressive place les responsables politiques qui l'ont engagée face à une série de contradictions : comment exiger toujours plus de résultats en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, tout en se déclarant fidèle aux normes établies par le droit international ? Comment préconiser une baisse des demandes d'asile, stigmatisées comme « immigration subie », tout en restant signataire de la convention de Genève ? Comment restreindre de façon drastique l'immigration familiale sans remettre en cause le principe du droit à mener une vie familiale normale, inscrit dans la convention européenne des droits de l'homme ? Pour résoudre ces contradictions, les gouvernements successifs ont construit une politique en trompe-l'œil : d'un côté, ils adoptent des lois répressives qui respectent en apparence les droits fondamentaux mais, de l'autre, ils délèguent aux fractions subalternes de l'Administration le soin de rendre ces droits inopérants. C'est ce qu'on pourrait appeler la « politique des guichets ». Les discours qui accompagnent ces nouvelles réformes peuvent ainsi garder l'apparence de l'équilibre (« sévère et digne », « ferme et humaine »), tout en dissimulant les conséquences concrètes de leur mise en œuvre. Pour dévoiler cette sphère méconnue de la politique d'immigration, il faut déplacer le regard, des discours aux pratiques, et des principes juridiques à leur application.

Faisant la synthèse de plusieurs enquêtes menées entre 2003 et 2007 dans des préfectures, des directions départementales du travail et dans un service d'attribution de visas d'un consulat de France en Afrique, ce livre met en lumière l'action de ceux qui, dans les coulisses de l'Administration, conduisent la politique des guichets. Les coulisses sont des lieux où se fabriquent les illusions et les représentations « afin que le public ne puisse pas comparer le traitement qu'on lui a accordé avec celui qu'on aurait pu lui accorder. » Dans le domaine de la politique d'immigration, le rôle dévolu aux interprètes des directives gouvernementales est crucial. Ils entretiennent auprès de tous les étrangers demandeurs de titres un climat d'insécurité juridique qui constitue la plus sûre garantie de leur docilité. Lorsqu'un étranger se rend au guichet pour y demander une régularisation ou le renouvellement d'une carte temporaire, il n'a aucun moyen de savoir s'il va en ressortir avec un titre de séjour, une convocation, ou une invitation à quitter le territoire. En focalisant leur attention sur la lutte contre l'immigration irrégulière, les responsables politiques sont parvenus à imposer une suspicion qui pèse sur tous les étrangers demandeurs de titres et qui s'étend à tous ceux qui hébergent, aident ou soutiennent des sans-papiers.

L'arsenal législatif visant à renforcer le contrôle de l'immigration est allé de pair avec le développement de dispo—sitifs donnant de plus en plus de pouvoir aux échelons locaux. Plusieurs catégories d'étrangers (parents d'enfants français, conjoints de Français et membres de familles étrangères) ne peuvent plus prétendre à l'accès de plein droit à la carte de dix ans et doivent désormais se soumettre à une condition d'intégration dont l'appréciation est laissée aux agents de préfecture.

L'objectif de promouvoir une « immigration choisie » est également placé sous le signe du pouvoir discrétionnaire des échelons subalternes. Selon la loi de juillet 2006, ce sont les agents des directions départementales du travail qui ont le pouvoir de décider si la profession demandée répond localement aux besoins de main-d'œuvre. Ils peuvent également moduler la durée de l'autorisation en fonction de la nature du contrat de travail ou de la conjoncture économique du département. Ils sont ainsi en mesure de contraindre les étrangers à s'orienter vers tel ou tel secteur, en les assignant à un statut de séjour précaire et en les plaçant du même coup sous la dépendance étroite de leur employeur. Il en est de même pour les étudiants étrangers qui souhaitent poursuivre leur cursus en France ; leur admission sur le territoire ne dépend plus seulement de leur inscription dans une université française : ils doivent se soumettre à un entretien individuel mené par un agent des centres pour les études en France (CEF), qui les évalue en fonction de critères aussi vagues que le « projet d'études » ou le « parcours académique », mais également selon l'intérêt qu'ils présentent pour l'économie française.

L'extension du pouvoir discrétionnaire affecte donc toutes les administrations chargées du contrôle de l'immigration et concerne un nombre toujours plus important de décisions : chaque année, plus de 2 millions de visas sont délivrés dans les postes consulaires, plus de 660 000 titres de séjour dans les préfectures, et environ 20 000 autori—sations de travail dans les directions départementales de l'emploi et de la main-d'œuvre. Les hommes et les femmes affectés dans ces services ont une mission commune : s'assurer que chaque droit consenti à un étranger ne constitue pas une menace pour le maintien de l'ordre politique, économique et social. Cette exigence d'ordre, qui renvoie ici à un ordre national, structure les pratiques de ceux qui représentent l'État face à des étrangers demandeurs de titres. Comme les policiers, les agents du maintien de l'ordre national disposent d'une grande autonomie dans leur activité professionnelle. Cependant, leur spécialisation dans le contrôle de l'immigration les en distingue par plusieurs aspects. Leurs services sont à la fois stigmatisés en raison du statut des usagers qu'on y reçoit et relativement appréciés en raison du pouvoir qu'on y détient.

L'observation de ces agents au travail incite à rompre avec deux idées préconçues. L'une, largement répandue parmi ceux qui les fréquentent en tant qu'usagers, consiste à penser que ces fonctionnaires sont forcément racistes ou prédisposés à l'être ; on verra au contraire que beaucoup se retrouvent à ces postes sans l'avoir choisi. L'autre, davantage diffusée au sein de l'Administration, réside dans la croyance qu'ils ne font qu'appliquer la loi ; en réalité, leur marge de manœuvre est importante et dépend étroitement des instructions de chaque chef de bureau. Les itinéraires individuels de celles et ceux qui composent ces services sont multiples, mais ils sont soumis à un même conditionnement, destiné à leur inculquer une certaine vision de l'immigration plutôt qu'une connaissance des règles de droit à appliquer. Si les agents adhèrent dans l'ensemble à un même objectif de maintien de l'ordre national, ils ne conçoivent pas tous leur mission de la même façon. En me faisant embaucher comme « guichetier vacataire » dans un service préfectoral, j'ai pu acquérir une connaissance intime de leurs trajectoires biographiques, de leurs croyances et de leurs doutes. Selon leurs représentations et leur position dans le service, ils réa—gissent différemment aux injonctions de leur hiérarchie et peuvent prendre des décisions très variables d'un étranger à l'autre. Dans cette configuration, l'introduction d'indicateurs de performance en matière de traitement des dossiers puis en matière de reconduite à la frontière a contribué à faire prévaloir les critères d'efficacité au détriment de toute autre considération. La focalisation autour de la lutte contre l'immigration irrégulière a même débouché sur l'enrôlement d'autres fonctionnaires : médecins inspecteurs de santé publique, travailleurs sociaux, contrôleurs du travail ou employés de l'ANPE sont de plus en plus souvent sollicités pour débusquer les sans-papiers, alors que leurs missions traditionnelles sont très éloignées d'un tel objectif.

Dans la période récente, de nombreux travaux se sont employés à dévoiler les présupposés des discours politiques qui visent à réduire l'immigration à la menace qu'elle ferait peser sur l'identité nationale. De fait, la bataille engagée au plus haut sommet de l'État contre les étrangers est d'abord une lutte idéologique qui consiste à mobiliser à la fois l'opinion et les agents de l'État contre un ennemi commode et consensuel. Certes, elle permet de focaliser l'attention du débat public, au détriment d'autres questions économiques et sociales touchant au marché du travail ou à l'évolution des inégalités. Mais elle a aussi des conséquences pratiques considérables. Pour les étrangers, qui sont les premiers visés, elle se traduit par une insécurité juridique qui les rend d'autant plus vulnérables. Sur le plan économique, la précarisation des conditions de séjour rend possible le recrutement d'une « immigration choisie » et corvéable au gré des besoins des entreprises. L'acharnement contre l'immigration irrégulière a également des effets sur l'activité des agents qui doivent le mettre en œuvre au quotidien. Les enquêtes restituées dans ce livre montrent que les pratiques de ces soutiers de l'État recouvrent d'autres réalités que celles qui sont habituellement présentées dans les débats sur l'immigration.

Chapitre 2
L'adhésion au maintien de l'ordre national

Il existe un socle de croyances communes aux services des visas des consulats, aux guichets des préfectures et à ceux du ministère du Travail : leurs agents appliquent tous des règles établies au nom de l'intérêt national. La solidarité qui les relie entre eux repose sur la conscience de représenter l'État et sur la conviction d'être investis d'une mission de maintien de l'ordre mêlant plusieurs impératifs :
– l'ordre public vise à lutter contre toute forme de fraude ;
– l'ordre moral repose sur la stigmatisation des étrangers qui « abusent » des prestations et menacent ainsi le « modèle social » français ;
– l'ordre économique consiste à distinguer d'un côté les étrangers « utiles » au marché du travail et de l'autre les « indésirables ».

Toutes ces dimensions participent d'un même objectif de maintien de l'ordre national. Pourtant, les agents qui rejoignent les services chargés du contrôle de l'immigration ne sont pas prédisposés à adhérer à un tel objectif. À la différence des autres métiers de police, l'administration des étrangers ne suscite que très rarement des vocations : les agents y arrivent soit par hasard, soit en y ayant été contraints. On peut donc se demander comment se fabrique la cohésion idéologique qui semble se dégager des services des visas, des guichets de préfecture et des bureaux de main-d'œuvre étrangère. Certes, elle découle en partie des représentations de l'immigration véhiculées par les personnalités politiques et les médias ; mais elle tient surtout à la capacité des personnels d'encadrement à faire adhérer des individus venus d'horizons différents à un ensemble de normes qui permettent d'orienter les pratiques autrement que par le droit.

Un apprentissage sur le tas

Les agents des services d'immigration ne bénéficient d'aucune formation spécifique, ni même de stage centré sur les techniques d'accueil et de gestion des conflits comme il en existe dans d'autres administrations. La compétence associée au travail de réception et d'instruction des dossiers s'acquiert au terme d'une période d'apprentissage qui, reposant sur une défiance à l'égard de l'écrit, consiste à imiter les pratiques des collègues déjà en poste. Cette forme de socialisation professionnelle est commune à nombre d'emplois non qualifiés. Elle comporte ici une dimension supplémentaire : l'enjeu n'est pas seulement d'apprendre des règles de procédure mais d'incorporer un tempérament, autrement dit d'adopter une manière de se comporter, assimilable à des automatismes corporels. Ce qu'on apprend d'abord et avant tout, c'est une manière de concevoir et de recevoir les étrangers.

L'apprentissage du travail de guichet va de pair avec la découverte d'une forme d'interaction structurée par un souci de « maintien de l'ordre » plutôt que par celui de fournir une prestation ou d'accorder un quelconque droit. Cette posture exige l'abandon de formes policées d'échange au profit de pratiques plus agressives, considérées comme l'unique moyen de répondre à la « pression » exercée par les demandeurs.

Les premiers temps passés au guichet s'apparentent à la période des classes du service militaire, ce moment tran—sitoire marqué par la « substitution d'un habitus réglé à un habitus laxiste ». La formation des nouvelles recrues débute par la découverte de comportements et de manières d'être devenus naturels chez les autres agents en poste depuis plus longtemps. Pour les anciens, l'usage de formules expéditives se justifie par la tension permanente qu'engendre le nombre considérable d'étrangers qui attendent à l'extérieur, puis devant les guichets. En cas de débordements ou de réactions d'agressivité émanant d'étrangers exaspérés par l'attente, les plus expérimentés savent aussi déployer diverses stratégies pour désamorcer les risques de conflit et apaiser les mécontents. Le moindre incident est alors l'occasion de faire œuvre de pédagogie auprès des agents les plus récemment recrutés. Dans les préfectures, l'enseignement de la gestion des situations difficiles repose sur une culture de la méfiance, systématiquement opposée à la « naïveté » des plus jeunes recrues. Certains nouveaux venus, hostiles à ce type de représentation associant immigration et démarche frauduleuse, choisissent délibérément l'interprétation de la règle la plus favorable à l'étranger. Mais un tel parti pris ne peut être que transitoire car ces agents, faute d'être en mesure de distinguer ce qui relève des règles de droit et ce qui découle de normes bureaucratiques, sont contraints de s'en remettre aux « conseils » de leurs supérieurs. Comme chaque procédure est encadrée par de multiples règles de droit, cette faible qualification est durement ressentie :
« On a toujours l'impression de naviguer à vue dans un bateau sans pilote ; on n'est pas au courant du droit ni des circulaires qui sortent et, en plus, on est isolés du reste de la préfecture. Lorsqu'on demande des stages, on met un an à les obtenir, et encore, ce ne sont pas toujours ceux qu'on a demandés… »
Entretien avec un agent de préfecture en poste depuis 1997, 6 juillet 2003.

Ne disposant d'aucun support écrit, les guichetiers ne peuvent évaluer leur action à l'aune d'une quelconque référence au droit. L'absence de formation juridique les contraint à s'en remettre aux normes édictées par les agents intermédiaires, qui privilégient des critères de rendement et d'efficacité sur toute autre considération. Ils se trouvent donc contraints de se référer à des routines bureaucratiques qui ont été élaborées par leur hiérarchie et dont ils ne maîtrisent ni la signification ni la portée. Dans les services de main-d'œuvre étrangère du ministère du Travail, qui comptent un nombre beaucoup plus limité d'agents, la formation consiste pour les nouvelles recrues à faire un stage en préfecture pour y apprendre les rudiments de la procédure :
« Je suis arrivée à ce poste en 2001 pour remplacer une collègue qui partait à la retraite. Comme elle était souffrante, elle n'a pas pu me former, donc je me suis formée toute seule. Heureusement, j'ai tout de suite eu de très bonnes relations avec la préfecture. Ils m'ont pas mal aidée, parce que je ne connaissais pas, moi, tous les titres de séjour : c'est une réglementation compliquée. Et d'ailleurs, je me suis rendu compte après, quand j'étais en formation avec les autres employés des autres directions départementales, qu'il y avait de grandes différences de pratiques d'un département à l'autre. De toute façon, j'avais déjà commencé à travailler depuis pas mal de temps quand j'ai eu cette formation. »
Entretien avec une rédactrice d'une direction départementale du travail depuis 2001, 8 décembre 2004.

Faute d'être formée par un collègue connaissant les procédures, cette employée du service de la main-d'œuvre étrangère est contrainte de s'en remettre à un savoir-faire préfectoral. Une telle situation de dépendance n'est pas sans conséquence sur la nature des décisions prises. Au contact des agents de la préfecture, les fonctionnaires du ministère du Travail nouvellement recrutés n'apprennent pas seulement des règles formelles : ils s'imprègnent également d'un tempérament dont ils peuvent s'inspirer ou s'écarter par la suite. L'absence de formation adaptée et l'apprentissage sur le tas ont ainsi pour effet de placer l'institution préfectorale en position de pôle de référence et d'assurer la diffusion de pratiques restrictives. L'évolution du traitement des étudiants étrangers souhaitant changer de statut en est une illustration. Depuis la loi de juillet 1984, les étudiants étrangers obtenant un changement de statut recevaient systématiquement une carte de séjour d'un an portant la mention « salarié ». Mais, à partir du début des années 1990, les agents du ministère du Travail ont, sous l'influence des préfectures, généralisé les cas de délivrance d'autorisations provisoires de travail dont la durée correspond strictement à celle du contrat de travail. Par voie de conséquence, ces anciens étudiants étrangers – souvent embauchés comme vacataires dans des administrations publiques – ont obtenu des titres de séjour toujours plus provisoires. Une telle évolution a eu pour effet de les placer dans une situation de subordination accrue vis-à-vis des employeurs, en conditionnant systématiquement leur autorisation de séjour à la durée de leur contrat de travail.

La diffusion de telles normes restrictives s'inscrit dans un mouvement plus général de précarisation des conditions de séjour des étrangers. Le bénéfice d'un statut stable, matérialisé par la carte de résident de dix ans, est désormais systématiquement reporté dans le temps et soumis au pouvoir discrétionnaire des agents de préfecture, qui préfèrent délivrer des cartes temporaires. Ainsi, le nombre d'étrangers accédant pour la première fois à une carte de dix ans est passé de 39 697 en 2003 à 24 133 en 200625, soit une baisse de 60 %. Ce primat du provisoire est un moyen de rappeler à l'étranger qu'il n'est pas un sujet de droit et de mettre à l'épreuve sa volonté de se maintenir sur le territoire.

L'adhésion au maintien de l'ordre national ne résulte donc ni d'une formation spécifique ni d'instructions écrites ; elle provient davantage d'un apprentissage quotidien de normes pratiques qui se diffusent au sein d'un même bureau et d'un service à l'autre. L'existence de cet horizon commun n'exclut pas des différences entre agents, qui tiennent en particulier à leur trajectoire, à leur autonomie par rapport à la hiérarchie et à la représentation qu'ils se font de leur mission.

« Eux » et « nous »

L'enrôlement des agents autour de l'objectif de maintien de l'ordre national ne se limite pas à l'apprentissage de normes bureaucratiques ni même à l'incorporation d'un tempérament. Il suppose également des supports d'identification qui dépassent largement le seul cadre de travail et qui se transmettent durant les pauses et lors de tous les échanges qui se déroulent à l'extérieur de la sphère professionnelle. En effet, les agents ne sont pas seulement soumis à la vision du monde que leur inculque leur hiérarchie, ils sont aussi influencés par les discours politiques et plus encore par les représentations véhiculées dans le champ médiatique. La télévision joue désormais le rôle que tenait auparavant la presse écrite dans le processus de construction d'un sens commun sur l'immigration : depuis le début des années 1980, les polémiques médiatiques sur les banlieues, sur l'intégration ou sur la place des musulmans dans la société française ont ainsi contribué à entretenir et à figer une représentation du monde structurée autour de l'opposition entre « nous les Français » et « eux les étrangers ».

Aux guichets des services d'immigration, l'opposition entre « nous les Français » et « eux les étrangers » constitue d'abord un support d'identification qui garantit la cohésion du groupe des agents, en dépit des différences internes et des conflits qui le traversent. Richard Hoggart a montré que, pour les classes populaires, le monde des « autres » revêt plusieurs visages et englobe à la fois les patrons mais aussi les fonctionnaires et, plus généralement, tous ceux qui sont perçus comme différents et hostiles. Cette analyse pourrait tout à fait être transposée aux agents du maintien de l'ordre national, qui se définissent eux aussi par opposition à ceux qu'ils rejettent comme extérieurs à leur monde. À la conscience d'être français s'ajoute l'honneur d'appartenir à une administration d'État que l'on retrouve chez bien d'autres catégories de fonctionnaires. Dans le cas particulier du contrôle de l'immigration, l'opposition entre « eux » et « nous » est renforcée par le sentiment d'incarner l'État et son autorité auprès d'usagers suspectés d'en menacer l'intégrité. De plus, la conviction de former une véritable communauté de collègues est renforcée par le sentiment de devoir partager des conditions de travail difficiles. Le conseil le plus fréquemment adressé aux nouveaux venus est de se tenir à distance des étrangers, c'est-à-dire de se méfier de leurs arguments, et de ne pas leur divulguer trop d'informations au sujet du déroulement de la procédure. Réduire au minimum l'échange verbal peut aussi être un moyen de faire face à un afflux trop important de demandes, comme l'explique ce jeune guichetier :
« Au début, tu parles, tu prends le temps d'expliquer que, même s'ils ont été convoqués aujourd'hui, on ne peut pas les recevoir car on a déjà trop de monde… et puis, en fin de compte, tu t'aperçois que plus tu parles, plus ils te parlent, plus ils essaient de négocier, et alors là, ça devient l'enfer parce que tu n'arrives plus à les refouler ; alors, après tu ne te prends plus la tête, tu dis : Fini pour aujourd'hui, ciao, bye-bye , et ils comprennent très bien ; ça va beaucoup plus vite et c'est plus efficace. »
Entretien avec un vacataire affecté en préfecturedepuis onze mois, 11 juillet 2003.

Le travail de mise à distance, tel qu'il est explicité ici, se trouve renforcé par la barrière de la langue et l'absence de traducteur : la plupart des agents ne parlent aucune langue étrangère et ont de surcroît pour instruction de ne s'exprimer qu'en français. Dans les services des visas des postes consulaires, les guichetières parlent parfaitement la langue des demandeurs mais ont pour consigne de ne pas en faire état. Au-delà de la barrière de la langue, la mise à distance est un moyen de contenir les demandes trop insistantes et d'éviter tout dialogue, comme le font d'autres professionnels du maintien de l'ordre. Pour un guichetier vacataire particulièrement exposé aux contraintes de rendement imposées par la hiérarchie, le travail d'explication de la procédure s'avère vite incompatible avec la nécessité d'être « efficace ». Les titulaires assument plus difficilement un tel renoncement à leur « mission d'accueil » ; néanmoins, certains le justifient en interprétant les gestes d'incompréhension des demandeurs comme autant de simulations révélatrices de fraudes.

L'entretien d'une barrière entre « eux » et « nous » est au fondement d'une relation de domination bureaucratique qui place toute interaction entre les étrangers et les représentants de l'État sous le signe de la dissymétrie. Lorsqu'un demandeur de titre se présente au guichet en dehors des délais impartis ou qu'il envoie un document tardivement, sa demande est automatiquement considérée comme irrecevable, alors que l'Administration n'est jamais sanctionnée en cas de dépassement des délais. De même, quand un agent perd un dossier, fait revenir plusieurs fois inutilement un usager ou lui délivre une information erronée, les « collègues » qui s'en aperçoivent se retranchent derrière l'application du règlement et ne laissent aucune prise à la contestation. Ce rapport de domination est parfois perturbé par un accompagnateur parlant le français et davantage familiarisé avec l'univers bureaucratique. Alors que la présence de ces tiers devrait être considérée comme un moyen de faciliter la relation au guichet, elle est le plus souvent perçue comme un obstacle : « Ils pinaillent sur tous les détails et ça prend quatre fois plus de temps », proteste un agent de préfecture en poste depuis cinq ans. À l'instar des personnels de l'administration pénitentiaire, les agents chargés du contrôle de l'immigration entendent maintenir à distance tout regard extérieur susceptible d'interférer sur leurs pratiques quotidiennes.

La polarisation entre « eux » et « nous » joue le rôle d'une clôture érigée à l'encontre des propos tenus par l'étranger ; elle permet aussi de restreindre la quantité d'informations susceptibles de lui être délivrées. Lorsqu'un étranger dépose une demande de carte de séjour, il s'enquiert parfois de ses chances de réussite, du délai de réponse et des conséquences d'un éventuel refus, mais il se heurte le plus souvent à une fin de non-recevoir. Même quand la décision est déjà prise, la guichetière préfère ne pas en faire état, pour éviter toute contestation. En dire le moins possible mais en savoir le plus possible, telle pourrait être la devise des agents du maintien de l'ordre national. Une telle opacité contraint les étrangers à revenir au guichet beaucoup plus souvent que n'importe quel autre usager, ce qui contribue à grossir davantage les files d'attente. De plus, lorsqu'une décision de refus est prise, il n'est prévu aucun espace ni aucun temps pour une éventuelle négociation. La seule voie de conciliation, ouverte par l'instauration des commissions du titre de séjour en 1989, est tombée en désuétude dans la plupart des préfectures.

Pourtant, tous les agents ne s'identifient pas de façon uniforme à ce « nous ». Le rapport à l'identité nationale varie selon la trajectoire de chacun. Les personnels noirs et métis, surreprésentés dans les services d'immigration, ne réagissent pas tous de la même façon aux discours destinés à renforcer la cohésion du groupe de ceux qui représentent l'État : ils peuvent tantôt s'identifier au « nous » des guichetiers, tantôt s'en démarquer. Certains agents issus de l'immigration ont parfois plus de difficultés à se sentir solidaires de leurs collègues, surtout lorsque ceux-ci manifestent une hostilité ciblée sur des catégories d'étrangers ayant la même origine qu'eux :
« Les guichetiers ne font pas attention à ce qu'ils disent, ils ne font pas attention si tu es d'origine telle ou telle. Moi je suis d'origine algérienne et je voyais bien qu'ils appelaient tous les Algériens les BZ.
– BZ, c'est-à-dire ?
– Oui, BZ c'est le sigle qu'il faut rentrer sur l'écran lorsqu'il s'agit d'un Algérien. Et c'est la seule population qu'on appelait comme ça. Et donc c'était les BZ, ils sont très violents , ils sont profiteurs , enfin tous les clichés. Mais ils estiment que comme tu es avec eux, de l'autre côté de la barrière, ce n'est pas pareil. Et puis on était tous dans la même galère, donc ça crée des liens. »
Entretien avec une ancienne guichetière de préfecture, 12 décembre 2003.

Cette jeune fille de parents algériens a été recrutée comme guichetière de préfecture à l'âge de vingt-six ans, alors que sa mère était restée en situation irrégulière pendant près de vingt ans. Sa trajectoire lui rend très difficilement supportable la distance et la défiance que ses collègues entretiennent à l'égard de l'immigration algérienne, même s'ils la considèrent mécaniquement comme partie prenante du « nous » qui fait la cohésion du groupe des guichetiers. Ici, l'occupation d'une même position et l'appartenance à un même collectif de travail relèguent au second plan la représentation racialisée des autres agents. La prégnance de cette stigmatisation n'en fait pas moins naître un malaise durable chez cette fonctionnaire qui se sent appartenir aux deux mondes. Décidée à changer de poste, elle réussira « avec soulagement » le concours du ministère des Affaires sociales.

La frontière entretenue par les agents entre « eux les étrangers » et « nous les Français » a donc pour fonctions simultanées de renforcer la cohésion du groupe des guichetiers, de maintenir à distance les usagers et d'empêcher toute forme d'empathie dans l'instruction des dossiers. Pour des agents situés dans la partie supérieure des classes populaires et qui continuent à se sentir protégés par l'État, l'appartenance au « nous français » et plus encore au « nous représentants de l'État » est un moyen d'entretenir une image positive de soi et de sa mission. Et si la frontière entre « eux » et « nous » suscite parfois un malaise chez certains personnels d'origine extra-européenne, elle n'empêche absolument pas leur intégration au groupe des guichetiers, qui se construit par opposition à celui des étrangers : au contraire, cette opposition est la source d'une véritable cohésion et la condition permettant à chaque nouvelle recrue de s'identifier aux normes du maintien de l'ordre national.

LEMONDE.FR, du 02.10.08

Les immigrés français au Québec

Du nouveau pour les immigrants français au Québec, L'express.fr, Grégoire Isabelle, publié le 14/10/2008

En marge du XIIe Sommet de la francophonie, à Québec, Paris et la Belle Province ont signé une entente pour favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre. Un geste politique qui encourage l'immigration choisie.

Orthophoniste parisienne chevronnée, Marie-Hélène Bargès était convaincue de trouver facilement du travail lorsqu'elle s'est installée à Montréal, il y a quatre ans, avec mari et enfants. Le Québec manquait - et manque toujours - d'orthophonistes : son CV lui ouvrirait toutes les portes, s'était-elle entendu dire au cours de ses voyages de prospection.

Las ! malgré dix ans de pratique et deux diplômes universitaires en neuropsychologie, Marie-Hélène n'a pas été admise à l'ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, condition indispensable pour exercer sa profession. "On m'a expliqué que je devais retourner à l'université au Québec ou changer de métier !" Refusant cette perspective, elle n'a déniché qu'un emploi de "thérapeute du langage" - au-dessous de ses compétences et mal payé.

Les conditions d'admission aux 45 ordres professionnels et aux 34 métiers réglementés, voilà le sujet qui fâche les immigrants français au Québec. Ils sont environ 3 500 à tenter leur chance chaque année dans la province francophone, et beaucoup ne peuvent y pratiquer leur métier. Les choses devraient toutefois changer bientôt.

Un dossier vital pour le Québec

Le 17 octobre, le Premier ministre du Québec, Jean Charest, et le président Sarkozy devraient signer, en marge du XIIe Sommet de la francophonie, à Québec, une entente sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Ainsi, à terme, un médecin, un comptable ou un charpentier ayant le droit de pratique en France pourront exercer leur métier au Québec et vice versa (voir l'encadré). Les législations québécoise et française seront adaptées en conséquence.

Pour le Québec, ce dossier est vital. En raison du vieillissement de sa population, la province est confrontée à une pénurie de main-d'oeuvre et mise sur l'immigration. Pour la France aussi, l'enjeu est important - pour aider ses ressortissants au Québec (qui seraient près de 100 000) et pour favoriser la mobilité professionnelle, l'Hexagone étant le deuxième investisseur étranger dans la Belle Province (après les Etats-Unis). A l'origine de l'initiative, Jean Charest a dû vaincre les réticences des ordres professionnels québécois, souvent jugés protectionnistes. Sur les quelque 4 000 immigrants (dont 800 Français) qui demandent chaque année un permis d'exercice, seul un tiers est admis directement. Les autres se voient prescrire une formation complémentaire (50 %) ou sont refusés (16 %).
Les premiers bénéficiaires

Une vingtaine d'ordres professionnels et de corps de métiers signeront le 17 octobre une "déclaration d'engagement", prélude à de futurs "arrangements de reconnaissance mutuelle".

Professions

Architecte, assistant social, avocat, expert-comptable, géomètre expert, dentiste, ingénieur, médecin, pharmacien, sage-femme, vétérinaire.

Métiers

Carreleur, conducteur d'engins de chantier, peintre, maçon, technicien constructeur de bois, métallier, technicien de maintenance des systèmes énergétiques et climatiques, mécanicien de transport par câble et de remontées mécaniques.

Pression politique oblige, les ordres professionnels et les corps de métiers ont été forcés de coopérer. Chacun a contacté son homologue français pour comparer les conditions d'exercice. Et vérifier si celles-ci sont équivalentes, incompatibles ou nécessitent une mesure de compensation - un "stage d'adaptation", par exemple.

L'entente France-Québec doit en principe couvrir, d'ici au 31 décembre 2010, tous les métiers et professions réglementés. Mais une partie d'entre eux ont été classés "prioritaires" - surtout dans le secteur de la santé, où la pénurie est criante. Médecins, pharmaciens et physiothérapeutes, notamment, devront conclure des "arrangements de reconnaissance mutuelle" avant la fin de 2009. Pour certains, cela se fera dès les prochaines semaines.

Cette harmonisation pourrait être ensuite élargie au reste de l'Europe et du Canada. Et même, pour les plus optimistes à Ottawa, servir de socle à un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.

L'UE adopte formellement le pacte sur l'immigration et l'asile

L'UE adopte formellement le pacte sur l'immigration et l'asile

Candidats à l'immigration clandestine sur la plage de San Blas, dans l'île espagnole de la Grande-Canarie. Le Conseil européen a formellement adopté le pacte européen sur l'immigration et l'asile, promu par la France.

Le Conseil européen a formellement adopté le pacte européen sur l'immigration et l'asile, promu par la France.

Ce pacte, dont Nicolas Sarkozy avait fait l'un des principaux objectifs de la présidence française de l'UE, avait déjà fait l'objet d'un accord entre les ministres chargés des politiques d'immigration et d'asile des Vingt-sept, le 25 septembre.

Le pacte "exprime l'engagement de l'Union européenne et de ses Etats membres de mener une politique juste, efficace et cohérente face aux enjeux et aux opportunités que représentent les migrations", est-il indiqué dans les conclusions du Conseil.

"Cette politique commune doit reposer sur une bonne gestion des flux migratoires, dans l'intérêt non seulement des pays d'accueil mais également des pays d'origine et du migrant lui-même", est-il précisé.

Le texte ajoute que la mise en oeuvre du pacte fera l'objet d'un débat annuel à compter du Conseil européen de juin 2010.

Avec ce texte, les Vingt-sept s'engagent à renforcer la lutte contre l'immigration illégale tout en favorisant l'immigration légale et une politique d'asile commune.

Sur la question des clandestins, ils prévoient d'augmenter le nombre d'expulsions et de s'interdire toute régularisation massive pour ne plus procéder qu'au cas par cas.