mardi, juin 06, 2006

Régularisation partielle d'enfants étrangers saans papiers mais scolarisés

720 familles étrangères pourraient être régularisées
LE MONDE | 06.06.06


Face à la mobilisation croissante, autour des écoles ou des collectifs de soutien aux jeunes étrangers scolarisés et menacés de reconduites à la frontière avec leur famille, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, veut montrer que sa politique ne se résume pas en un seul mot – fermeté – mais deux : fermeté "et" humanité. Mardi 6 juin, en ouvrant la discussion, au Sénat, sur son projet de loi "immigration et intégration", il a annoncé son intention de régulariser une partie de ces familles. Quelque 720 familles, soit entre 2000 et 2500 personnes, pourraient être autorisées à rester en France et se voir délivrer une carte de séjour.



"Lorsqu'un enfant étranger est né en France ou qu'il y est arrivé en très bas âge, qu'il est scolarisé en France, qu'il ne parle pas la langue de son pays d'origine, qu'il n'a aucun lien avec ce pays, il serait très cruel de l'y reconduire de force", a estimé M. Sarkozy mardi après-midi au Sénat, en préambule à la discussion de son projet de loi sur l'immigration. Le ministre a cependant exclu une régularisation systématique, pour éviter qu'il suffise "d'entrer illégalement en France et d'y scolariser un enfant" pour obtenir un titre de séjour.


Le 4 juillet au soir, avec le début des grandes vacances, prend fin le sursis qu'il avait accordé, le 31 octobre 2005, aux parents en situation irrégulière ayant des enfants scolarisés et aux jeunes étrangers majeurs en cours d'étude, en demandant aux préfets de suspendre leur éloignement pendant l'année scolaire. Il ne se passe plus un jour sans que, quelque part en France, une banderole surgisse sur une école primaire, un collège ou un lycée. Dans les mairies, les parrainages se multiplient pour chaque enfant connaissant quelqu'un à qui téléphoner en cas d'interpellation. Dans les établissements scolaires, des parents se tiennent prêts à prendre sous leur aile et à cacher les enfants pendant l'été.

Une mobilisation dont la Place Beauvau semble avoir pris la mesure. "Nous avons conscience qu'humainement la question est délicate pour certaines familles", affirmait-on en fin de semaine dans l'entourage du ministre. Ce week-end, "la décision de principe était prise par le ministre de régulariser les familles des enfants répondant à des critères d'intégration et d'ancienneté. Reste maintenant à en finaliser les modalités", a confirmé au Monde, mardi 6 juin, Claude Guéant, son directeur de cabinet. Des instructions seront ainsi données prochainement aux préfets dans une circulaire "pour que des mécanismes de régularisation soient mis en place pour les enfants attachés à la France". "Il ne s'agit pas de créer une nouvelle filière d'immigration clandestine, avec un droit automatique au séjour, tient à insister M. Guéant, mais de préciser les critères de régularisation au cas par cas" pour les familles de ces "enfants attachés à la France."


"CIRCONSPECTION"


Derrière ce terme quelque peu flou, seraient concernées les familles dont les enfants n'ont plus aucune attache dans leur pays d'origine, nés en France ou arrivés en très bas âge et toujours scolarisés, et qui ne parlent que le français. Parallèlement, toutes les familles qui le souhaitent ou qui ne seraient pas concernées par cette régularisation se verront proposer l'aide volontaire.

Déjà, lundi 29 mai, Nicolas Sarkozy avait demandé aux préfets de veiller, en juin, à ce que l'aide au retour volontaire soit "systématiquement" proposée à chacune des familles en situation irrégulière ayant des enfants scolarisés, pour qu'elle puisse "choisir de retourner volontairement dans son pays d'origine lorsque l'année scolaire sera achevée".

Au sein du Réseau éducation sans frontières, on prend les dernières annonces de M. Sarkozy "avec beaucoup de circonspection". "Il y a de quoi quand on voit la difficulté qu'il y a à faire respecter la circulaire du 31 octobre 2005 demandant de suspendre pendant l'année scolaire l'éloignement des familles", relève Richard Moyon, porte-parole de cette plate-forme d'information et de conseil qui, depuis deux ans, relaye tous les collectifs de soutien aux jeunes sans papiers et à leurs familles.

Et celui-ci de citer les parents interpellés et éloignés, pour lesquels les préfectures invoquent un trouble à l'ordre public, ceux dont les enfants ne sont encore qu'en maternelle et n'entrent donc pas encore dans le cadre de la scolarité obligatoire, ou ceux qui sont renvoyés dans un pays de transit en vertu de l'accord de Dublin II selon lequel une demande d'asile déposée dans un pays de l'espace Schengen doit être traitée jusqu'au bout par celui-ci. "Nous avons même vu un préfet prétexter l'absence d'examen en fin d'année pour ne pas appliquer la circulaire à une famille dont l'enfant était en seconde", affirme-t-il.

"Nous, nous voulons des assurances fermes, insiste Richard Moyon. Or parler d'enfants attachés à la France, c'est ouvrir la voix à une appréciation subjective et restrictive des dossiers par les préfectures en fonction des objectifs d'éloignement qui leur sont assignés", s'alarme-t-il.



Laetitia Van Eeckhout

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Chiffres

750 familles seraient sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), selon le ministère de l'intérieur. A ces familles s'ajoutent celles qui n'ont pas encore reçu un APRF, mais à qui il a été notifié une invitation à quitter le territoire, toutes celles dont le dossier de régularisation ou de demande d'asile est en cours d'examen et d'appel, ainsi que les jeunes majeurs qui n'ont pu rentrer dans le cadre du regroupement familial.
Selon le Réseau éducation sans frontières, "au moins 10000 jeunes" scolarisés seraient menacés de reconduite à la frontière avec leur famille

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