mardi, février 21, 2006

Le délai de recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas un délai franc

Pour le Conseil d'État, le délai de quarante-huit heures prévu pour le recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière notifié par voie administrative n'est pas interrompu par les jours fériés ou chômés.

Le Conseil d’État rappelle que la requête contre un arrêté de reconduite à la frontière doit être enregistrée au greffe du tribunal administratif dans un délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Il souligne que ce délai, prévu par l’article L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’est pas franc et qu’il ne correspond pas au délai de l’article 642 du nouveau code de procédure civile. En effet, selon ce dernier article, « un délai expirant normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ».
En l’espèce, la demande de la requérante visant à faire annuler l’arrêté de reconduite à la frontière est tardive et par conséquent irrecevable : la notification est intervenue le vendredi 17 septembre 2004 à 16 heures et la requête n’a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le dimanche à 16 heures et 17 minutes, « après l’expiration du délai de quarante-huit heures ».

> CE, 10 févr. 2006, n° 273484, Oprea

Source : Editions Législatives, Actualité juridique Droit des étrangers.

samedi, février 18, 2006

Nouvelle circulaire sur le regroupement familial

La nouvelle circulaire du ministère de l'intérieur annule et remplace celle du 1er mars 2000 relative au regroupement familial des étrangers. Elle décrit la procédure applicable aux demandes de regroupement familial en tenant compte des modifications apportées par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration et par son décret d’application n° 2005-253 du 17 mars 2005.

Le nouveau projet de loi sur l'immigration qui sera présenté au printemps 2006, prévoit d’importantes modifications de la procédure de regroupement familial.

> Circ., 17 janv. 2006, NOR : INTD0600009C

Source : Editions législatives, Actualité juridique Droit des étrangers

dimanche, février 12, 2006

L’« immigration sanitaire » en pleine explosion

L’« immigration sanitaire » en pleine explosion
25 janvier 2006 (Le Figaro)


De plus en plus de recalés du droit d’asile tentent de forcer la porte du séjour en France en faisant valoir des raisons médicales.

par Marie-Christine Tabet

LES TITRES de séjour délivrés à des étrangers pour raisons médicales ont été multipliés par 16 en quatre ans : d’un millier en 2000 à 16 000 en 2004. Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass) croulent sous les demandes de prise en charge. A tel point que le ministère de la Santé prépare un décret et une circulaire pour éviter les abus.

Au départ, cette possibilité d’immigration était réservée à des malades en danger de mort dont la pathologie ne peut être soignée dans le pays d’origine – sida, cancer, maladies rénales pour l’essentiel. Mais de plus en plus de candidats au séjour en France tentent ainsi leur va-tout pour obtenir des papiers. « Nous voyons des anciens déboutés du droit d’asile, chez nous depuis des années, qui entrent soudainement dans la procédure », explique un inspecteur général de l’administration sociale (Igas).
Faux certificats et attestations de complaisance

En Seine-Saint-Denis, département leader de l’immigration avec 30% de population d’origine étrangère, le nombre de demandes a été multiplié par 30 entre 1998 et 2005, de 198 à 5 900. « Cela explose chez nous depuis 2002, confirme le directeur de la Ddass, Hubert Valade, au moment où les conditions de l’asile se sont durcies. Les flux n’augmentent pas mais se déplacent. » Sur les demandes enregistrées en 2005, le taux de réponses positives ne dépasse pas 30%. « Derrière ces 5 900 dossiers, ce sont en fait 18 000 personnes qui sont concernées car il y a généralement un accompagnant et un enfant », décrypte Christiane Bruel, médecin inspecteur de la Ddass de Bobigny.

Elle doit évaluer l’état de santé des étrangers qui sollicitent une prise en charge en France. L’étranger qui veut rester parce qu’il ne peut se faire soigner dans son pays doit retirer un dossier à la préfecture, puis passer une visite chez un médecin agréé qui transmet un certificat à la Ddass. Dans plus de 99% des cas, une décision positive du médecin inspecteur entraîne la délivrance d’un titre de séjour.

L’envolée des demandes a totalement désorganisé le traitement des dossiers. « Nous avons un retard de plus de quatre mois, raconte le docteur Christiane Bruel. Il faudrait recruter trois ou quatre médecins pour un travail correct. » Les faux certificats et les attestations de complaisance compliquent encore l’instruction. « Des plaintes ont été déposées, confie Christine Estay, directeur adjoint de la Ddass, car nous avons conscience que certains font de ces documents un marché lucratif. Ce n’est pourtant pas notre rôle de contrôler les flux migratoires. »

Au tribunal administratif, un nouveau type de contentieux a vu le jour. De plus en plus fréquemment, des étrangers contestent la décision préfectorale de ne pas délivrer de titre de séjour. « Les avocats étoffent leurs dossiers de nouveaux certificats médicaux, raconte Christiane Bruel, les juges ne savent pas les lire. Ils ont tendance à annuler sans vraiment connaître tous les enjeux. La gravité de la pathologie n’est pas le seul critère. Il faut savoir si l’étranger peut se soigner chez lui. »

Les fraudes ne sont pas les seuls grains de sable qui enrayent le système. Chaque médecin inspecteur se débrouille avec les informations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et celles, parcimonieuses, des laboratoires pharmaceutiques qui indiquent si le médicament est disponible dans le pays d’origine. Des demandeurs choisissent le département où ils déposent leur dossier en fonction de la réputation de « sévérité » des praticiens de la Ddass locale.

Au ministère de la Santé, les conseillers de Xavier Bertrand planchent sur deux textes, un décret et une circulaire. Le ministre a réussi à dissuader son collègue de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui préparait un texte visant à durcir les conditions d’accès aux soins, en limitant les motifs de délivrance des titres de séjour pour raisons médicales. Il s’agissait surtout d’apaiser la colère des associations qui défendent les droits des étrangers. En échange, Xavier Bertrand a promis à la Place Beauvau d’accélérer la rédaction d’un décret d’application de la loi sur l’immigration de novembre 2003 qui porte sur les étrangers malades.
Les titres de séjour pour raisons médicales sont délivrés au compte-gouttes

Pour prétendre à un titre de séjour pour raisons médicales, la loi est assez restrictive. La France délivre peu de visas pour ce motif. « Ce type de documents est délivré au compte-gouttes, raconte un inspecteur de l’Igas. Ils sont généralement attribués aux familles de diplomates ou de dirigeants étrangers. » L’ordonnance de 1945, modifiée par la loi sur l’immigration de novembre 2003, prévoit qu’un titre de séjour provisoire « vie privée et familiale » doit être délivré de plein droit à un « étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». Seule réserve, le préfet doit s’assurer que l’étranger ne présente pas de menace à l’ordre public. Le médecin inspecteur de santé publique de la Ddass est le seul habilité à attester de la nécessité de la prise en charge médicale. Il doit indiquer la durée prévisible du traitement et évaluer le dossier médical à chaque renouvellement du titre de séjour. Nicolas Sarkozy prépare une nouvelle loi pour restreindre les conditions d’obtention de la carte « vie privée et familiale ». Mais les associations ont fait savoir qu’elles n’accepteraient pas que le ministre de l’Intérieur rogne sur un des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme.
« Il faut les soigner dans les meilleures conditions possibles »

A l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, le service des « soins de suite » accueille des étrangers malades du sida qui ne pourraient être traités dans leur pays d’origine.

M.-C. T.

TOUS LES JEUDIS à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, au sud de la capitale, dans le service appelé pudiquement « soins de suite », l’association Médecins d’Afrique prépare un repas africain. Près de 50% des pensionnaires sont des étrangers, pour la plupart originaires du Maghreb ou des pays subsahariens. Depuis quelques années, certains arrivent aussi des Balkans ou des anciens pays du bloc communiste. Les pensionnaires attendent avec impatience le poulet yassa ou le tagine. Habitués aux plats épicés, certains ont du mal à se faire à la nourriture de l’hôpital. Admis pour de graves affections neurologiques dues au sida, des malades ingurgitent des dizaines de médicaments par jour. « Ils doivent s’alimenter correctement pour supporter les traitements », explique le docteur Jacques Gasnault, l’un des responsables du service.

Dans le monde, il existe peu de structures analogues à cette unité de pointe. Les dix-sept lits accueillent des malades lourdement handicapés que les spécialistes tentent de rééduquer. Une douzaine d’infirmières, autant d’aides soignantes, deux kinésithérapeutes, un ergothérapeute, une orthophoniste, une assistance sociale, un psychothérapeute, un psychologue et plusieurs médecins veillent sur eux. Chaque jour, l’équipe est confrontée à la question des étrangers malades. « Nous devons constamment affronter des problèmes administratifs qui nous prennent beaucoup de temps, regrette le docteur Gasnault. La plupart de nos malades seraient morts s’ils n’avaient pas eu accès aux soins en France. A partir de là, le débat est clos : il faut les soigner dans les meilleures conditions possibles. » Or, faute de papiers à jour, de prises en charge et de places dans d’autres hôpitaux, le service doit garder plus longtemps des patients qui pourraient être accueillis à moindre coût.
« Chez nous, cette maladie c’est la honte »

« Observer les prescriptions est fondamental dans ce type de maladies, explique le Dr Gasnault. Nous hésitons à laisser repartir des gens qui vont se retrouver dans des squats ou des foyers avec des conditions de vie et d’hygiène insuffisantes. » La plupart des malades étrangers qui arrivent dans ce service sont envoyés par d’autres médecins à l’issue d’un séjour en unité spécialisée. Pour l’essentiel, ils ont découvert leur maladie alors qu’ils étaient déjà en France. « Ils arrivent ici au bout du rouleau, raconte une infirmière. Généralement, ils attendent le dernier moment pour consulter. On les hospitalise en urgence. Les tests révèlent alors un sida qu’ils ignoraient. »

Sékou, 59 ans, est hospitalisé depuis quelques semaines. Ce Malien a deux épouses au pays. Il s’apprêtait à rentrer définitivement à Kaye, sa ville natale, lorsqu’il a découvert qu’il souffrait du sida. « J’avais des migraines épouvantables, raconte-t-il. Je suis allé aux urgences. Ils m’ont donné des médicaments contre la douleur. C’était de pire en pire. Et puis j’ai fait des examens et c’est là qu’ils ont su. » Pour Sékou, la perspective du retour s’éloigne. Il n’a pas dit à sa famille qu’il avait le sida. Il ose à peine retourner dans le foyer du Val-de-Marne où il sous-louait une chambre. « Chez nous, cette maladie c’est la honte », explique-t-il. Un de ses enfants qui vit en France vient le voir de temps en temps mais sans savoir de quoi il souffre. « J’aimerais rentrer chez moi, confie-t-il, mais ils ne sauront jamais me soigner. Je ne sais pas si je trouverais les médicaments à Bamako. Et puis, si je maigris, tout le monde comprendra ce que j’ai. » Le docteur Gasnault pense pourtant que son état pourrait autoriser un retour. « Nous savons que les programmes existent, explique-t-il, Mais Sékou n’a pas confiance et ne sait pas s’il aura accès aux soins. » Sékou a surtout peur qu’en quittant la France, il ne puisse plus revenir se faire soigner. Du coup, il préfère rester loin des siens.

vendredi, février 10, 2006

Les principales mesures de l'avant-projet de loi sur l'immigration

Le Ministre de l'intérieur a présenté, jeudi 9 février, son avant-projet de loi sur l'immigration lors d'un comité interministériel. La logique d'"immigration choisie et non plus subie" prévaut, concept dont le ministre de l'intérieur entend faire le "principe fondateur de la nouvelle politique d'immigration".

L'immigration de travail. Par arrêté, le principe de l'opposabilité de la situation de l'emploi pourra être remis en cause pour les professions et dans les bassins d'emploi en proie à des pénuries de main-d'oeuvre. L'étranger se verra alors délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, renouvelable sur la durée de son contrat de travail. A moins qu'il y ait rupture du contrat, auquel cas elle lui sera retirée.

Par ailleurs, le projet de loi crée un nouveau titre de séjour "compétences et talents", d'une durée de trois ans, renouvelable. Cette carte sera délivrée à l'étranger "susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement de l'économie française ou du pays dont il a la nationalité". Sont concernés les scientifiques, les intellectuels, les créateurs d'entreprise, les artistes, les sportifs de haut niveau, les cadres à haut potentiel.

Des étudiants triés sur le volet. Les étudiants feront l'objet d'une sélection multicritère (filière, nationalité, niveau d'études...). Les élus bénéficieront de plein droit d'une carte de séjour d'un an, ou d'une durée pouvant aller jusqu'à quatre ans s'ils s'engagent dans un cycle pour obtenir le grade de master. Ces derniers seront favorisés : ils pourront obtenir, à la fin de leurs études, un titre de séjour de six mois pour recherche et occupation d'un emploi. Mais ce, précise-t-on dans l'entourage du ministre, "au regard de leur projet professionnel, de leur projet de retour et des conditions dans lesquelles ils envisagent de participer au développement de leur pays".

Instauration du principe de quotas. Le terme de quotas, refusé par l'Elysée et Matignon, n'apparaît pas dans le projet de loi, mais le principe est posé : ainsi, le gouvernement devra tous les ans, dans son rapport sur les orientations de la politique d'immigration remis au Parlement, indiquer "à titre prévisionnel le nombre, la nature et les différentes catégories de visas de long séjour et de titres de séjour" pour les trois années suivantes, "en distinguant en particulier l'admission au séjour aux fins d'emploi, aux fins d'études et pour motifs familiaux" et "en tenant compte de la situation démographique de la France, de ses perspectives de croissance, des besoins de son marché de l'emploi et de ses capacités d'accueil" en matière de logement, d'éducation, de services publics.

Une nouvelle mesure d'éloignement : l'obligation de quitter le territoire. L'administration pourrait désormais assortir sa décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour d'une "obligation à quitter le territoire français". L'étranger n'aura alors plus que quinze jours, contre un mois actuellement, à compter de la notification de la décision de l'administration, pour déposer un recours, suspensif, devant le tribunal administratif.

Un durcissement des conditions du regroupement familial. Le projet de loi réévalue encore à la hausse les critères du regroupement familial en termes de ressources et de logement et il allonge à dix-huit mois, contre douze aujourd'hui, le délai de séjour en France requis pour en faire la demande.

Des mariages mixtes plus strictement encadrés. Pour obtenir une carte de séjour temporaire, les conjoints de Français devront justifier d'un visa long séjour de plus de trois mois. Par ailleurs, ils devront attendre trois ans et non plus deux ans pour demander une carte de résident. Et celle-ci ne leur sera plus attribuée de plein droit : ils devront justifier de leur "intégration républicaine" dans la société française. Enfin, la durée de communauté de vie leur permettant de demander la nationalité française passerait de deux à quatre ans si leur couple réside en France et de trois à cinq ans si leur couple réside à l'étranger.

Des régularisations au cas par cas. Le projet de loi prévoit d'abroger la disposition prévoyant la délivrance d'une carte de séjour à l'étranger vivant de façon habituelle en France depuis plus de dix ans. "Les régularisations resteront possibles mais se feront au cas par cas", indique l'entourage de Nicolas Sarkozy.

La régularisation sur fondement de la vie privée et familiale serait désormais très encadrée : l'étranger devrait dorénavant apporter la preuve de liens personnels et familiaux "anciens, stables et intenses", et justifier de ressources "stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins" et d'un logement "considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France", ainsi que de son "intégration républicaine". Cette "condition d'intégration républicaine" deviendrait désormais une condition quasi générale d'attribution de carte de séjour, temporaire ou permanente.

LE MONDE | 07.02.06

jeudi, février 09, 2006

Le gouvernement veut une immigration "choisie"

PARIS (AFP) - Le gouvernement a validé jeudi l'avant-projet de loi de Nicolas Sarkozy sur une immigration "choisie" ou une immigration du travail, un dossier sensible dont Dominique de Villepin n'entend pas laisser le pilotage à son seul ministre de l'Intérieur.

Parmi les mesures phares de ce texte, figure la création d'une nouvelle carte de séjour "talents et compétences" à destination des étrangers hautement qualifiés (scientifiques, informaticiens, artistes...), les plus à même de "participer au développement de l'économie française" ou au "rayonnement de la France dans le monde".

Ce titre de séjour sera valable trois ans et renouvelable, a confirmé le Premier ministre lors d'une conférence de presse à Matignon, à l'issue du 4è Comité interministériel de contrôle de l'immigration (Cici).

"Il faut passer d'une immigration trop longtemps subie à une immigration choisie", a-t-il souligné. "Notre objectif commun est clair: rendre à la France les moyens de contrôler son immigration afin que celle-ci devienne un véritable atout pour notre pays".

Plus concrètement, il s'agit de favoriser une immigration de travail dans les secteurs les plus qualifiés.

Regrettant que "le continent européen reçoit une immigration sous-qualifiée", M. Sarkozy a estimé jeudi, dans une tribune au Figaro, que "la France ne peut pas rester à l'écart des flux mondiaux de l'intelligence et des compétences".

Le texte fait donc aussi la part belle aux "meilleurs" étudiants étrangers, les "plus motivés", qui bénéficieront d'une carte spéciale de séjour en contrepartie d'un engagement à retourner dans leur pays une fois leurs études achevées, afin de ne "pas priver les pays d'origine de leurs élites".

Le gouvernement n'a finalement pas retenu la mise en place, dans son rapport annuel au Parlement, d'objectifs chiffrés prévisionnels de visas et de titres de séjours, préférant pour des raisons de constitutionnalité parler "d'estimations".

Il durcit les conditions d'entrée des migrants non qualifiés, le regroupement familial -possible à partir de deux ans de présence sur le territoire national et non plus un- et renforce la lutte contre les fraudes au mariage binational, avec des conditions plus draconiennes dans l'acquisition de la nationalité française.

Pour pallier le manque de main d'oeuvre dans certains métiers, le gouvernement a également établi "des listes" -"par nature évolutives", a précisé Jean-Louis Borloo- de secteurs "tendus" où les employeurs pourront faire appel à des étrangers: "mécanique, maintenance industrielle, froid, hôtellerie-restauration, travaux publics, infirmières".

Le projet de loi ne vise pas à "mettre en place des quotas", a affirmé M. de Villepin. "Nous ne voulons pas piller les élites" de ces pays, a renchéri M. Sarkozy.

Mais la gauche a dénoncé la "perspective utilitariste" du texte. "On va avoir de bons immigrés bénéficiant de leurs droits et de mauvais immigrés privés des leurs", a accusé le PS.

Ce dossier illustre en outre la concurrence que se livrent les deux hommes forts du gouvernement. M. de Villepin a tenu à saluer "l'implication personnelle de tous les ministres" dans ce texte, n'attribuant à M. Sarkozy -qui lui avait grillé la politesse en en dévoilant dès dimanche dans la presse les grands axes- que le rôle d'une "coordination efficace".

"Le projet de loi sera défendu par Nicolas Sarkozy (...) en liaison avec chacun des ministres dans leurs domaines respectifs: Jean-Louis Borloo pour toute la partie affaires sociales, Pascal Clément pour les affaires judiciaires et bien sûr François Baroin pour ce qui concerne l'Outre-mer", a-t-il insisté.

Les chiffres de l'immigration en France

Villepin revendique une politique d'immigration choisie

PARIS (Reuters) - Dominique de Villepin se veut le patron d'une "politique moderne de l'immigration", qui sera désormais "choisie" et non "subie".

"Aujourd'hui, nous voulons ouvrir une nouvelle étape en modernisant les règles et en les faisant respecter", a déclaré le Premier ministre, qui a présidé ce matin à Matignon, le comité interministériel de contrôle de l'immigration (Cici).

Sur ce sujet hautement sensible électoralement, le chef du gouvernement a voulu affirmer son ascendant sur son rival, le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, maître d'oeuvre du projet de loi sur l'immigration présenté jeudi.

Lors d'une conférence de presse commune avec Nicolas Sarkozy (Intérieur), Jean-Louis Borloo (Emploi), Pascal Clément (Justice) et François Baroin (Outre-Mer), Dominique de Villepin a salué "l'implication personnelle de tous les ministres et la coordination efficace de Nicolas Sarkozy, qui a eu en charge la préparation du projet de loi".

"Le choix de l'interministériel montre la capacité de notre pays à aboutir plus rapidement à des décisions concertées sur des sujets difficiles où il n'est pas toujours facile d'arriver à trouver le juste équilibre entre des sensibilités, des exigences différentes", a-t-il insisté.

"Trouver le point d'équilibre entre l'exigence humanitaire, sociale, judiciaire, de sécurité, la dimension métropole, la dimension outre-mer, ce n'est pas simple", a-t-il ajouté.

Le tour de vis des pouvoirs publics sur l'immigration était décidé depuis de longs mois mais il a gagné en intensité dans la foulée de la crise des banlieues de novembre.

"Notre objectif, a souligné le Premier ministre, est de rendre à la France les moyens de contrôler son immigration, afin que celle-ci devienne un véritable atout". "Depuis 2002, nous construisons une politique de l'immigration cohérente, juste et rigoureuse (...) Nous ouvrons la voie d'une immigration choisie, dans le strict respect de la Constitution et de nos engagements internationaux", a-t-il affirmé.

L'avant-projet de Nicolas Sarkozy a été "lissé" sur un point: le ministre de l'Intérieur prévoyait que "chaque année", le gouvernement indiquerait "dans un rapport au Parlement les objectifs quantitatifs prévisionnels de visas et de titres de séjour pour les trois années à venir, en fonction des capacités d'accueil de la France en matière d'emploi, de logement et d'éducation nationale".

"TALENT ET COMPÉTENCE"

Dominique de Villepin a précisé que le rapport contiendrait à l'avenir "une estimation du nombre de titres de séjour et de visas" que la France entend délivrer. "Il ne s'agit pas de quotas. Ces chiffres auront une valeur indicative".

Jean-Louis Borloo a cité des "grands métiers pour lesquels il y a une telle tension que ça ralentit l'activité économique". Il a notamment évoqué les "métiers de la mécanique, de la mécanique spécialisée, de la maintenance industrielle, du froid, de l'hôtellerie-restauration, des travaux publics, de la santé, notamment infirmières et sages-femmes".

"Ces listes sont par nature évolutives, on les actualisera tous les ans ou tous les 24 mois", a-t-il précisé.

Le gouvernement prévoit de proposer une carte de séjour de trois ans, intitulée "talent et compétence", à "des migrants hautement qualifiés, scientifiques, informaticiens, artistes ou personnes ayant une compétence rare, pour contribuer au dynamisme économique de notre pays".

Les meilleurs étudiants étrangers bénéficieront également d'une carte spéciale, "en contrepartie de l'obligation de retourner chez eux, afin qu'ils rendent à leur pays une partie du bénéfice de leur formation".

Dominique de Villepin a exclu tout "pillage des élites" dans les pays sources d'immigration.

L'avant-projet de loi durcit en revanche les conditions d'accueil des travailleurs non qualifiés et les règles du regroupement familial. L'étranger qui voudra faire venir sa famille en France devra "prouver qu'il peut la faire vivre à partir des revenus de son travail". La maîtrise de la langue française sera aussi une des conditions retenues.

Le projet de loi porte d'un an à deux ans la durée du séjour à l'issue duquel on peut faire une demande de regroupement.

Le texte "généralise et rend obligatoire" le contrat d'accueil et d'intégration pour tous les étrangers.

Le gouvernement prévoit aussi de supprimer la régularisation "automatique" qui était prévue par la loi pour tout clandestin pouvant prouver sa présence depuis 10 ans en France.

La politique d'immigration du gouvernement fait partie des sujets sur lesquels la gauche entend désormais "riposter" de manière commune.

reuters.net

mercredi, février 08, 2006

Immigration: le MRAP dénonce "une attaque sans précédent contre les conditions de séjour des étrangers"

PARIS (AP) - A la veille de l'examen du nouveau projet de loi sur l'immigration, Mouloud Aounit, président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), a estimé mercredi que le texte constituait "une attaque sans précédent contre les conditions de séjour des étrangers" en France.

"Si ce projet est adopté, il conduira à une totale négation des droits des étrangers et affichera une réelle volonté de précarisation des étrangers en situation régulière", dénonce-t-il dans un communiqué en estimant que désormais "seul l'étranger perçu comme étant économiquement rentable pourra alors obtenir un droit au séjour".

Pour M. Aounit, "en revendiquant une immigration 'choisie' contre une immigration 'subie', le gouvernement participe à la culpabilisation racisante" et "prend ici le risque de présenter les étrangers comme étant une charge insupportable et inutile.

Le MRAP, qui "s'indigne également de la remise en cause du principe général du regroupement familial", en appelle aux parlementaires "pour qu'ils s'opposent à ce projet de loi indigne, raciste et méprisant qui bafoue les valeurs de la République" et souhaite une "mobilisation citoyenne pour s'opposer à ce projet de loi qui instaure une immigration jetable et corvéable". AP