mardi, novembre 01, 2005

Le droit de vote aux immigrés, un débat récurrent

La question divise régulièrement la droite et la gauche

La GAUCHE le promet depuis vingt-cinq ans et la droite a toujours dit non. Le droit de vote des étrangers aux élections locales, auquel Nicolas Sarkozy se dit aujourd'hui personnellement favorable, occupe régulièrement la vie politique française depuis près d'un quart de siècle. En 1981, le candidat François Mitterrand en avait fait l'une de ses 110 propositions.

Depuis le traité de Maastricht, les ressortissants de l'Union européenne peuvent voter en France aux élections locales. Mais pour les étrangers extérieurs à l'Union, la citoyenneté s'arrête toujours à la porte de la mairie.

En vingt-cinq ans, la question du droit de vote des étrangers a été maintes fois relancée, mais pour toujours être mieux enterrée. Ce fut le cas dès août 1981, lorsque la réforme fut renvoyée aux calendes grecques après les protestations suscitées par des déclarations favorables de Claude Cheysson, alors ministre des affaires étrangères.

En 1988, dans sa Lettre à tous les Français, François Mitterrand, constatant que la grande majorité des Français est hostile au droit de vote des étrangers, se contente de « déplorer personnellement » que « l'état de nos moeurs » ne permette pas de le leur accorder.

Le débat sur l'immigration et la nationalité, largement exploité par Jean-Marie Le Pen, fait alors rage. Et le PS finit par mettre la sourdine, laissant les associations porter la revendication.

A la fin des années 1990, elle émerge de nouveau : le PCF et les Verts la défendent ardemment. Et plusieurs ténors du PS, tels Jean-Pierre Chevènement et Laurent Fabius, prennent fait et cause pour le droit de vote des étrangers. Tour à tour, les communistes, les radicaux de gauche, les Verts et les socialistes vont déposer une proposition de loi.

ÉVACUÉ DU PAYSAGE

Le 2 mai 2000, enfin, le vote des étrangers aux élections municipales, objet alors d'une proposition de loi constitutionnelle déposée par les Verts dans leur « niche parlementaire », est pour la première fois soumis à un vote du Parlement. La réforme est adoptée à l'Assemblée par la gauche ainsi que par deux élus centristes, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo.

Mais l'avancée tourne vite court. Tout en répétant qu'une telle évolution a ses faveurs, Lionel Jospin, alors premier ministre, renonce à inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat. La réforme, nécessitant une modification de la Constitution, a peu de chance d'aboutir en période de cohabitation.

Sous la pression de son parti, le candidat socialiste à l'élection présidentielle de 2002 proposera dans son programme de donner « le droit de vote aux étrangers régulièrement installés sur notre sol depuis cinq ans aux élections locales » et s'engagera à le faire « dans l'année qui suivra les élections ».

Début octobre 2002, la question resurgit, mais cette fois à droite. Dans un texte intitulé « Pour une nouvelle politique d'intégration » qu'il fait parvenir au premier ministre Jean-Pierre Raffarin, à François Fillon et à Nicolas Sarkozy, Yves Jego, député (UMP) de Seine-et-Marne, se déclare favorable à la participation des résidents extracommunautaires aux scrutins locaux.

Mais, le 26 octobre 2002, lors de l'installation du nouveau collège du Haut Conseil à l'intégration (HCI), M. Raffarin juge que, pour intégrer les immigrés, la naturalisation est une réponse « plus adéquate » que l'octroi du droit de vote, reprenant là un argument récurrent de la droite.

Lorsqu'en novembre les socialistes soumettent une nouvelle proposition de loi constitutionnelle sur le sujet, la majorité confirme qu'elle n'a pas l'intention de rouvrir la discussion : au terme de deux heures de débat, conclu par un vote de non-examen, la proposition du candidat François Mitterrand en 1981, est une nouvelle fois évacuée du paysage parlementaire.

Laetitia Van Eeckhout
Le Monde 25 octobre 2005

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