mardi, mai 31, 2005

Des titres de séjour provisoires seront octroyés à certains mineurs isolés

Les préfets sont autorisés par le ministre de l'Intérieur à octroyer un titre de séjour provisoire aux étrangers entrés en France, de manière isolée, avant l'âge de 18 ans.

La très attendue circulaire du ministre de l’Intérieur, destinée à régler le sort des mineurs étrangers isolés notamment recueillis par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et se retrouvant en situation irrégulière lorsqu’ils atteignent leur majorité, a été adressée aux préfets.

Depuis plusieurs mois, associations, élus, collectivités locales et administrations n’ont cessé de dénoncer la situation de clandestinité que connaissent les intéressés depuis la mise en œuvre de la loi Sarkozy du 26 novembre 2003 qui exige trois ans de prise en charge par l’ASE pour l’accès à la nationalité française. Cette disposition est difficilement applicable, en pratique, car le jeune doit être arrivé en France avant l’âge de quinze ans, ce qui est le cas d’une minorité seulement de ceux qui sont accueillis.

Pour remédier à ces difficultés, des consignes sont données aux services préfectoraux. Deux types d’admission au séjour sont possibles selon que les intéressés entrent ou non dans le champ d’application de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.

Circ. NOR INT/D/05/00053/C, 2 mai 2005

Source : Editions législatives

samedi, mai 28, 2005

Droit d'asile : L’étendue du contrôle du juge

1. émergence de principes généraux du droit des réfugiés

Le Conseil d’Etat a déduit pour la première fois d’une convention internationale (la convention de Genève), l’existence d’un principe général du droit des réfugiés. Il a ainsi posé le principe de l’interdiction de la remise pour quelque motif que ce soit d’un réfugié aux autorités de son pays d’origine (CE, 1er avril 1988, 85234, M.B.) : « les principes généraux du droit des réfugiés, résultant notamment de la définition du réfugié politique donnée par la convention de Genève font obstacle à ce qu’un réfugié soit remis de quelque manière que ce soit , par un Etat qui lui reconnaît cette qualité aux autorités de son pays d’origine », et celui du droit pour l’étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié de demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande , sous réserve des demandes abusives ou dilatoires (CE, ass. 13 décembre 1991, M.N.).
Le juge a estimé que « les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la Convention de Genève, imposent, en vue d’assurer pleinement au réfugié la protection prévue par ladite Convention, que la même qualité soit reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut, ainsi qu’aux enfants mineurs de ce réfugié » (CE, ass. 2 décembre 1994, 112842, Mme A. et CE, 17 mai 2002, 216915, M.E).

2. questions de compétence et de procédure

a) la compétence de la Commission

Le Conseil d’Etat a déclaré la Commission incompétente pour se prononcer sur les recours formés contre les décisions refusant la qualité d’apatride (CE, sect. 9 octobre 1981, M.S).
Il a rappelé que la Commission devait surseoir à statuer et poser une question préjudicielle au juge judiciaire, lorsque la nationalité du requérant soulevait une difficulté sérieuse (CE, 27 mars 1981, M.T.). En revanche, elle ne tranche pas une question de nationalité lorsqu’elle considère que le requérant était en droit d’acquérir la nationalité d’un Etat (CE, 2 avril 1997, 160832, M.S).
La Commission ne peut se saisir elle-même pour rectifier une erreur matérielle entachant une de ses décisions. Elle doit être saisie de conclusions en ce sens (CE, 14 avril 1995, 130246, M.A).
C’est en revanche à bon droit qu’elle se déclare incompétente lorsqu’elle est saisie par un demandeur et non par un réfugié au titre de ses compétences consultatives (CE, 28 juillet 1995, 149067, M.B.).

b) les règles de recevabilité et de procédure

Le Conseil d’Etat a admis la possibilité pour un mineur isolé de présenter une demande ; cependant, s’il n’a pas qualité pour agir, la Commission est tenue de l’inviter à régulariser sa requête avant de la déclarer irrecevable (CE, sect. 9 juillet 1997, 145518, Mlle K.). Le Conseil d’Etat a censuré une jurisprudence de la Commission consistant à considérer comme irrecevable le recours formé par un requérant dont l’identité n’était pas établie (CE, 7 février 1994, M.C ; CE, 10 décembre 1997, 171111, M.P).
Concernant le respect du délai du recours formé devant la Commission, le Conseil d’Etat contrôle l’exactitude des faits quant à la notification de la décision. (CE, 6 septembre 1993, 122342, M.K).
La preuve de la régularité de la notification de la décision du directeur de l’office incombe à ce dernier ( CE, 27 avril 1994, 140479, M.S).
Le requérant est tenu de faire connaître ses changements d’adresse, à moins qu’il ne fasse l’objet d’une décision de retrait de l’Office (CE, 21 octobre 1994, 116270, M.C). Les juges du fond apprécient alors souverainement si ce changement d’adresse a été effectivement communiqué (CE, 10 juillet 1996, 149680, M.B).
La signature de l’avis de réception de la décision du directeur de l’Ofpra par une personne autre que le destinataire n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la décision (CE, 27 mai 1988, M.K). De même une altération de l’orthographe du nom du logeur du requérant n’est pas de nature à porter atteinte à la régularité de la notification de la décision (CE, 29 décembre 132291, M.N).
La formation d’un recours gracieux devant l’Ofpra ou le fait que le recours ait été adressé par erreur à l’Ofpra ne constituent pas des circonstances de nature à prolonger le délai de recours (CE, 25 juillet 1986, M.S ; CE, 11 juin 1993, 122240, M.B).
Le Conseil d’Etat a d’ailleurs estimé que seule l’existence d’une circonstance assimilable à un événement de force majeure était susceptible de relever le requérant de la forclusion (CE, 11 janvier 1995, 132583, Mlle I.).
Le recours présenté après le rejet d’une nouvelle demande par l’Office, ne peut être examiné au fond par cette juridiction que si l’intéressé invoque des faits intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ou dont il est établi qu’il n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision, et susceptibles, s’ils sont établis, de justifier les craintes de persécutions qu’il déclare éprouver (CE, sect. 27 janvier 1995, 129428, Mlle G).
Doivent être respectées toutes les règles générales de procédure dont l’application n’est pas écartée par une disposition législative expresse ou qui n’est pas inconciliable avec son organisation, par exemple, le fait de mentionner le nom des juges qui ont siégé (CE, 31 mars 1995, 148668, M.T).
Le Conseil d’Etat s’assure du respect du caractère contradictoire de la procédure, qui impose que les parties doivent toujours être à même de prendre connaissance du dossier tel qu’il est constitué avant le jugement de l’affaire (CE, 14 avril 1995, 134056, M.Y).
L’Office n’est pas tenu de produire des observations ni la Commission de mettre en demeure le directeur de l’Office d’en produire ( CE, 17 avril 1991, M.G).
La Commission a l’obligation de mettre les intéressés à même d’exercer la faculté qui leur est reconnue de présenter des observations orales . A cet effet, la Commission doit soit avertir le requérant de la date de la séance à laquelle son recours sera examiné, soit l’inviter à l’avance à lui faire connaître s’il a l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de sa part, elle l’avertisse ultérieurement de la date de la séance. Le respect de l’une ou l’autre de ces obligations suffit pour que le principe du contradictoire soit respecté (CE, 15 novembre 1991, M.T).
Aucune disposition législative ou réglementaire applicable à la procédure devant la Commission des recours des réfugiés, ni aucun principe général du droit, et notamment, pas celui tiré du caractère contradictoire de la procédure ou du respect des droits de la défense, n’impose à la Commission de faire savoir aux parties que sa décision est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office (CE, 6 janvier 1999, 172630, M.P).
La Commission ne statuant pas en matière civile, la composition de la Commission, telle que définie par la loi n’est pas contraire aux stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE, 6 septembre 1993, 101619, M.V).
Il incombe à la Commission, lorsque se produisent après la date de l’audience et avant que la décision n’ait été lue, des changements dans les circonstances de fait qui servent de fondement à cette décision, de rayer l’affaire du rôle et de rouvrir l’instruction contradictoire (CE, section, 19 novembre 1993, 100288, Mlle B.)

c) les pouvoirs du juge

Il appartient à la Commission, saisie d’un recours de plein contentieux, non d’apprécier la légalité de la décision qui lui est déférée au vu des seuls éléments dont pouvait disposer le directeur de l’Office mais de se prononcer elle-même sur le droit des intéressés d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié, par l’une et l‘autre parties à la date de sa propre décision (CE, 8 janvier 1982, 24948, M.A).

3. caractère suffisant de la motivation

En statuant sans répondre aux observations de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides selon lesquelles il existait des raisons sérieuses de penser que l’intéressé s’était rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies, la Commission a insuffisamment motivé sa décision (CE, 21 juin 2002, 227491, OFPRA c/M.H).
Le contrôle du Conseil d’Etat juge de cassation, sur l’existence d’une motivation suffisante, porte sur l’ensemble des moyens (CE, 24 juillet 1981, M.C), à l’exception de ceux qui sont inopérants (CE, 27 février 1995, M.O) et sur l’ensemble des conclusions (CE, 21 juin 1989, M.C).
La Commission entache sa décision d’insuffisance de motivation et ne met pas le juge de cassation à même d’exercer son contrôle en ne se prononçant pas sur la valeur probante des documents produits (CE, 16 novembre 1998, 179713, M.N.), mais non lorsqu’elle ne précise pas les raisons pour lesquelles elle les juge dénués de valeur probante (CE, 21 mai 1997, 172161, M.S).
Quant aux mentions devant obligatoirement figurer sur la décision, il s’agit notamment du nom des juges qui ont participé au délibéré (CE, 31 mars 1995, 148668, M.T) et de la date de lecture de la décision (CE, 8 janvier 1982,M.S).

4. contrôle des faits

Le Conseil d’Etat contrôle tant l’exactitude matérielle des faits qui doit ressortir du dossier soumis aux juges du fond (CE, 8 décembre 1978, M.S) que leur éventuelle dénaturation (CE, 26 septembre 1994, M.O).
Il y a dénaturation des faits lorsque la juridiction estime que le requérant n’invoque, pour justifier son insoumission, aucun des motifs prévus par la convention de Genève, alors qu’il déclarait craindre de combattre, contrairement à ses convictions, la résistance afghane ( CE, 28 juillet 1989, M.B). Elle ne peut, non plus, sans dénaturer les pièces du dossier estimer que les craintes du requérant ne pouvaient être tenues pour établies, lorsqu’il est produit des pièces établissant ses activités au sein du Front islamique du salut et les poursuites dont il ferait l’objet (CE, 15 mai 1996, 153491, M.R).
Cependant, en relevant que ni les pièces du dossier ni les déclarations faites en séance publique ne permettent de tenir les faits pour établis ni les craintes pour fondées, la Commission se livre à une appréciation souveraine des faits qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation (CE, 6 septembre 1993, 102716, M.C).
Le point de savoir si les faits sont de nature à faire craindre avec raison au requérant d’être persécuté relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (CE, sect. 27 mai 1988, M.M).
Enfin, son appréciation est encore souveraine lorsqu’elle estime qu’un lien matrimonial ou de filiation n’est pas établi par les pièces du dossier (CE, ass.2 décembre 1994, 112842, Mme A.).

5. contrôle de l’erreur de droit

Le Conseil d’Etat sanctionne l’erreur de droit (CE, 29 décembre 1993,M.C), qui repose sur une mauvaise interprétation des stipulations conventionnelles.
Erreurs de droit relevées par le juge de cassation :
Il y a erreur de droit lorsque la Commission se fonde sur les dispositions de l’article 18 du décret du 2 mai 1953 pour rejeter un recours comme irrecevable, faute pour le requérant d’avoir fourni des documents de nature à établir son identité (CE, 10 décembre 1997, 171111, M.P.).
Par ailleurs, la Commission n’a pu sans commettre d’erreur de droit refuser la qualité de réfugié au motif que le demandeur aurait trouvé un autre pays d’accueil (CE, Ass. 16 janvier 1981, M.C).
« En estimant ainsi que les craintes de persécutions alléguées par le requérant ne pouvaient être rattachées à l’appartenance à un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, sans rechercher si les éléments qui lui étaient soumis sur la situation des transsexuels en Algérie permettaient de regarder ces derniers comme constituant un groupe dont les membres seraient, en raison des caractéristiques communes qui les définissent aux yeux des autorités et de la société algériennes, susceptibles d’être exposés à des persécutions, la Commission n’a pas légalement justifié sa décision » (CE, 23 juin 1997, 171858, O.).
Le Conseil a précisé que « si la commission d’un crime sur le territoire du pays d’accueil par un demandeur du statut de réfugié est passible de sanctions pénales et peut, le cas échéant, entraîner une expulsion dans les conditions prévues par les stipulations des articles 32 et 33 de la convention précitée du 28 juillet 1951, elle n’est pas au nombre des motifs pouvant légalement justifier un refus de reconnaissance de la qualité de réfugié par application des stipulations précitées du b) du paragraphe F de l’article 1er de la convention de Genève » (CE, 25 septembre 1998, 165525,M.R).
Il y a encore erreur de droit lorsque la Commission estime que la seule adhésion à un régime politique justifiait l’exclusion du bénéfice de la convention sans rechercher si l’intéressé s’était personnellement rendu coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations unies (CE, 25 mars 1998, 170172, M.M).
Lorsque la Commission prononce le retrait de la qualité de réfugié en se fondant sur ce que le requérant aurait frauduleusement présenté une seconde demande sous une autre identité, sans rechercher si la première demande était également entachée de fraude, elle prive sa décision de base légale (CE, 12 décembre 1986, M.T).
L’erreur de droit peut aussi consister à retirer le statut sur le fondement de l’article 33, de la convention de Genève, qui interdit de refouler ou d’expulser un réfugié sur les territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée pour l’un des motifs prévus par l’article 1er A, 2 sans qu’il puisse se prévaloir de ces dispositions, s’il a été définitivement condamné pour un crime ou un délit particulièrement grave (CE, 21 mai 1997, 148997, M.P).

La valeur constitutionnelle du droit d’asile

S’il reconnaît valeur constitutionnelle au droit d’asile, dans ses décisions du 9 janvier 1980 et du 25 février 1992, le Conseil constitutionnel relève qu’en l’absence de précision suffisante, le droit d’asile doit être apprécié au regard des stipulations prévues par les conventions internationales et les dispositions de droit interne qui le mettent en œuvre .

Cependant, par la suite, c’est bien directement au 4ème alinéa du préambule de la Constitution que se réfère le juge constitutionnel pour exercer son contrôle. Le droit d’asile est reconnu comme un droit constitutionnel fondamental et autonome, droit qui est propre (aux) étrangers, (et) reconnu par le quatrième alinéa du Préambule de 1946, dans la décision du 13 août 1993, maîtrise de l’immigration. Le juge constitutionnel rappelle que s’agissant d’un droit fondamental dont la reconnaissance détermine l’exercice par les personnes concernées des libertés et droits reconnus de façon générale aux étrangers résidant sur le territoire par la Constitution, la loi ne peut en réglementer les conditions qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle.

Le Conseil censure alors les dispositions de la loi du 24 août 1993 qui privent le demandeur d’asile de la possibilité de saisir l’Ofpra lorsqu’en application des Conventions de Schengen et de Dublin, l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat, signataire desdites conventions. L’opportunité d’une révision constitutionnelle donne lieu à de vifs débats .

En définitive, la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 introduit un article 53-1 dans la Constitution selon lequel : La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d’asile et de protection des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l’examen des demandes d’asile qui leur sont présentées.

Toutefois, même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif.

mercredi, mai 25, 2005

L’immigration, sujet majeur en Europe, secondaire dans la campagne pour une constitution européenne

L’immigration, sujet majeur en Europe, secondaire dans la campagne
Par Christiane Chombeau, Thomas Ferenczi, le mardi 17 mai 2005
Le Monde - 17/05/2005


C’est un sujet majeur en Europe, et pourtant l’immigration est passée au second plan de la campagne référendaire française... Turquie exceptée. Car c’est bien, au fond, l’adhésion éventuelle d’Ankara qui fait aujourd’hui en France figure de substitut au débat sur l’immigration en général.

Opposé à l’entrée de la Turquie dans l’UE parce que, dit-il, l’"l’Europe ne peut pas accueillir tous les pays du monde" , Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, soutient cependant que le traité constitutionnel, en autorisant les coopérations renforcées, permettra de mieux lutter contre l’immigration clandestine. L’ancien ministre de l’intérieur espère ainsi amener l’électorat le plus droitier de son parti et, a priori, le plus hostile à la construction européenne à voter oui au référendum.

L’Agence pour les frontières extérieures

Le ministre de l’intérieur polonais, Ryszard Kalisz, a indiqué, samedi 14 mai, que son pays continuait de s’opposer à la création d’une force de police européenne d’intervention aux frontières extérieures de l’UE, comme le souhaitent la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. "Nous avons notre propre police des frontières, parfaitement spécialisée" , estime le ministre. La Pologne, qui surveille 1 200 kilomètres de la frontière extérieure de l’Union, va abriter le siège de la nouvelle Agence pour la coopération opérationnelle aux frontières de l’UE, créé en 2004. Les Cinq veulent aller plus loin , comme le permet la Constitution.

"Nous serons plus forts ensemble pour lutter contre les filières criminelles qui exploitent la misère humaine, pour mettre un terme au détournement des procédures d’asile politique, ou pour définir des critères communs à l’immigration économique" , a-t-il ainsi expliqué lors d’un meeting jeudi 12 mai à Paris. Le 3 mai, à Marseille, il avait revendiqué le droit de parler immigration : "Depuis plus de vingt ans, on ne peut pas parler d’immigration, pris en tenaille entre deux extrémismes, entre ceux pour qui prononcer le mot est déjà raciste et ceux pour qui les immigrés sont la cause de tous nos problèmes. J’en ai assez de ce terrorisme intellectuel."

PRISE DE CONSCIENCE

Philippe de Villiers, lui, utilise bien plus nettement la peur que suscite l’hypothèse d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne. "Selon un sondage turc (...), 44 % des Turcs déménageraient très probablement dans un autre pays de l’Union européenne si la Turquie venait à adhérer. L’immigration annoncée serait de grande ampleur" , lit-on dans un de ses tracts. Un autre affirme que cela "entraînerait un véritable appel d’air pour les délocalisations comme pour l’immigration" .

Du coup, Jean-Marie Le Pen paraît en retrait sur ce thème qu’il a choisi de ne pas mettre particulièrement en avant pendant la campagne. "Il n’en a pas besoin. Tout le monde sait ce qu’il pense" , souligne sa fille, Marine. "Je vous laisse vous rendre compte par vous-même que les logements qu’ils occupent, les écoles, les hôpitaux, les crédits d’assistance vous sont déduits par préférence étrangère" , s’est exclamé le président du FN lors de son discours du 1er mai à Paris. "Nous ne sommes pas protégés contre (...) [les ressortissants du tiers-monde] qui affluent chez nous pour être logés, nourris, soignés aux frais des contribuables français" , a-t-il encore déclaré au Journal du dimanche du 15 mai.

Qu’en est-il, pourtant, de la politique européenne en matière d’immigration ? Depuis les accords de Schengen, signés au départ par cinq pays en 1985, et qui ont mis dix ans à être mis en œuvre, l’Europe a pris conscience que la liberté de circulation à l’intérieur de ses frontières supposait une coopération en matière d’immigration et de contrôle des frontières extérieures. Sur des sujets aussi sensibles, les Etats ont avancé avec une extrême prudence, même si les sondages indiquent que les opinions sont favorables à cette coopération. La Constitution fait de ce sujet une politique commune, mais reste prudente sur des questions très sensibles comme la fixation des quotas d’immigrés, qui reste de la responsabilité des Etats.

En novembre dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement des 25 avaient chargé la Commission de préparer un plan d’action sur cinq ans (le programme de La Haye) pour fixer la stratégie de l’Union sur ces questions ainsi que sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

Ce plan a été présenté le 10 mai par le commissaire Franco Frattini. Le programme de La Haye s’est donné notamment pour objectifs de "contrôler les frontières extérieures de l’Union" et de "réguler les flux migratoires" . Une double ambition qui implique une lutte redoublée contre l’immigration clandestine, mais aussi une réflexion commune sur l’immigration légale.

Sur le premier point, la mise en place d’une agence de contrôle des frontières, à Varsovie, est en cours. Sur le second, la Commission, comme le Conseil, considère que le déclin démographique des Etats européens rendra indispensable le recours à une main-d’œuvre étrangère. Reste à s’entendre sur les modalités de cette ouverture. L’Allemagne et la France, entre autres, sont plutôt réservées. Une audition publique aura lieu le 14 juin, et la Commission pourrait présenter un premier projet avant la fin de l’année.

Certains Etats se sont inquiétés des effets entraînés par les opérations de régularisation entreprises récemment en Espagne. Sans méconnaître le droit de chacun des pays de l’Union à mener la politique de son choix, ils ont souhaité qu’un mécanisme d’information mutuelle soit mis en place pour permettre une meilleure coordination.

La Commission s’était engagée à soumettre aux Etats une proposition avant la fin du mois de mai afin qu’une première discussion puisse avoir lieu le 3 juin entre les ministres de l’intérieur. Le texte n’étant pas prêt, en raison de divergences entre les 25, la discussion a été reportée à une date ultérieure.

mardi, mai 10, 2005

Jurisprudence mai 2005

- L’OUVERTURE D’UN COMPTE BANCAIRE N’EST PAS SOUMISE A LA REGULARITE DU SEJOUR
La procédure du droit au compte (prendre contact avec la banque de France lorsque qu’un établissement bancaire ne veut pas pour une raison ou une autre, ouvrir un compte) ne nécessite pas d’être en séjour régulier : les seuls documents a fournir sont une pièce d’identité et un justificatif de domicile. La Banque de France a été sommée par le tribunal administratif de désigner un établissement bancaire pour la requérante, qui ne pouvait fournir de titre de séjour.
TA Paris, 16 mars 2005 n° 0502805/9

- LA PROSTITUTION NE CONSTITUE PAS EN SOI UNE MENACE A L’ORDRE PUBLIC SUSCEPTIBLE DE FONDER UNE MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE
Une ressortissante bulgare, en France depuis moins de 3 mois a fait l’objet d’un APRF sur la base de l’article L 511-1 8°(menace à l’ordre public). Pour le conseil d’état, ce fait ne suffit pas à lui seul à établir une menace à l’ordre public.
CE,16 mars 2005, n° 269313, Angelova
ASILE

- REFUS D’ENREGISTREMENT PAR L’OFPRA, REFUS D’ADMISSION AU SEJOUR ET PROCEDURE PRIORITAIRE- REFERE SUSPENSION
La demande d’asile du requérant a fait l’objet d’un refus d’enregistrement par l’OFPRA car elle est arrivée après le délai de 21 jours (contretemps dans la traduction). Il a demandé une nouvelle admission au séjour, qui lui a été refusée et il a été placé en procédure prioritaire. Après le rejet de sa demande par l’OFPRA, il a introduit un référé suspension contre la décision de refus d’admission en arguant que du fait de sa mise sous procédure prioritaire, le recours devant la commission des recours n’a pas d’effet suspensif. Le risque d’éloignement du territoire justifie l’urgence du référé. Il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus de séjour : le simple refus d’enregistrement ne constitue pas un élément déterminant du recours abusif à l’asile. Le tribunal ordonne donc la suspension des effets de la décision et enjoint au préfet de délivrer une APS au requérant.
TA Orléans, ord 24 mai 2005, n°0501482

- LE FAIT D’ENTRER UN FRANCE MUNI DE FAUSSE PIECE D’IDENTITE NE CONSTITUE PAS A LUI SEUL UNE FRAUDE DELIBEREE A L’ASILE
Le préfet ne pouvait donc pas sur ce seul motif refuser l’admission au séjour et placer la requérante sous procédure prioritaire.
CE, 29 novembre 2004, n°257119, Kingombe

- Deux décisions des sections réunies de la commission des recours réaffirment comme PRINCIPE GENERAL DU DROIT D’ASILE L’UNITE DE FAMILLE : la même qualité doit être reconnue à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage à un réfugié à la date à laquelle celui-ci a demandé son admission au statut de réfugié ainsi qu’aux enfants mineurs de ce réfugié.

* Dans la première décision, ce principe est valable alors même que le mari a également une autre nationalité que celle de sa femme (double nationalité russe/marocaine).
CRR, SR, 27 mai 2005, M. Boularouf
* Dans la deuxième décision, ce principe est pleinement applicable à la protection subsidiaire, de même que « les garanties effectives qui découlent des principes généraux du droit applicables aux réfugiés ».
CRR, SR, 27 mai 2005, Mme Ananian, épouse Arakelian