vendredi, décembre 23, 2005

"La France ne repartira pas sans s'ouvrir au monde, donc aux migrations"

Trois spécialites de l'immigration, Olivier Brachet, Denise Helly et Claire Rodier, ont accepté de débattre pour Le Monde des enjeux de cette question.

Olivier Brachet est directeur du Forum réfugiés.
Denise Helly est chercheuse à l'Institut national de recherche scientifique (INRS) à Montréal (Québec, Canada).
Claire Rodier est chargée des questions européennes au Groupe d'information et de soutien aux immigrés (Gisti).



Qu'est-ce qui explique, selon vous, la faiblesse, voire l'absence de débat, sur la politique migratoire de la France ?

OLIVIER BRACHET : Il y a une double panne, entretenue aussi bien par les partis de droite que de gauche. La première, c'est l'arrêt, en 1974, de l'immigration de travail et la culture administrative française qui, depuis cette période, ne fait que répondre "non à l'immigration". La droite en est responsable. L'idée de gérer l'immigration comme un stock et non comme un flux est venue en 1981, sous la présidence de François Mitterrand.


La deuxième est une panne de la pensée. Notre notionnel sur les questions de l'immigration date de trente ans, ou plus : nous ne sommes pas sortis d'une conception Nord-Sud, colonisateurs-colonisés, immigration de travail ou pas d'immigration du tout... Si c'était le cas, rien ne nous empêcherait de reconnaître qu'un étranger est un étranger, avec un nom, un prénom, un état civil, et non plus seulement un immigré. Cette panne de la pensée, on la voit dans l'absence de délibération nationale sur la question de l'immigration. On n'a jamais délibéré sur le type d'immigration que nous voulons : qui, quand, comment, combien de temps ?

CLAIRE RODIER : Depuis trente ans, en effet, le discours de fermeture tenu à gauche comme à droite ne s'est révélé ni crédible ni efficace par rapport aux objectifs qu'il prétend se fixer : la fameuse maîtrise des flux. Ce qui est logique, car, en réduisant la question à une technique de gestion des frontières, on occulte l'essentiel, à savoir les causes de départ, c'est-à-dire les grands déséquilibres qui séparent la planète entre riches et pauvres. On oublie aussi que, derrière les "flux", il y a des individus agissants, dont le sort ne peut être réglé au seul regard du "type d'immigration que nous voulons". S'agissant des suites des décolonisations, on n'a jamais soldé les comptes. Ce qui explique bien des fractures : celle qu'on connaît ici entre centres-villes et banlieues, mais aussi celle qui s'accroît chaque jour entre le sud et le nord de la Méditerranée.

DENISE HELLY : Une partie de la difficulté à penser l'immigration en France tient à la faible création d'emplois. Si la politique économique était plus centrée sur l'innovation, la concurrence, la formation de haut niveau, le discours sur l'immigration serait moins xénophobe. Le Canada a mené une telle politique économique et n'a pas annulé ses programmes de protection sociale.


L'explication de cette double panne serait donc économique ?

D. H. : Non. Durant quarante ans, l'Europe a traité l'immigration comme un apport économique temporaire utile, puis comme un problème. Aussi, quand se cumulent pénuries sectorielles de main-d'oeuvre et arrivée de nationaux d'ascendance immigrée sur le marché du travail, elle ne sait pas développer un discours positif. L'argument avancé du vieillissement de la population est instrumental et ne porte aucune attention à l'acceptation des immigrés. Pour "vendre l'immigration", on parle de sélection : choisir ceux qui nous sont utiles. Le Canada sert alors de modèle, mais on omet sa philosophie, ses politiques d'insertion, aussi essentielles que la sélection de son système. Les immigrants qualifiés ne s'y trompent pas ; ils préfèrent l'Amérique du Nord à l'Europe, qu'ils jugent plus raciste et xénophobe.

O. B. : Les Européens ont un grand problème : on ne peut pas accueillir, si on est dans la haine et le déni de soi. Tant qu'on s'obstine à penser que l'Europe est la cause de toutes les abominations de la planète, on ne peut plus aborder la question des flux migratoires d'aucune manière. Or il n'y a pas de développement sans échanges migratoires soutenus. On a cependant des contre-exemples positifs : nous sommes en train d'intégrer 10 nouveaux pays dans l'Union, parmi lesquels, bientôt, la Roumanie — dont l'état des lieux en 1992 était bien pire que celui du Maroc ! J'espère que la Roumanie ne sera qu'un exemple parmi d'autres.

C. R. : Ce qui s'est passé au moment de l'élargissement de 2004 est significatif de l'attitude frileuse de l'Europe face à la libre circulation, censée être un de ses fondements : parce que, comme cadeau d'accueil aux 10 nouveaux Etats membres, on a commencé presque partout par interdire à leurs ressortissants l'accès au marché de l'emploi, pour se rendre vite compte qu'ils ne le menaçaient pas. L'explication de la panne est donc loin de n'être qu'économique, elle est largement idéologique.

O. B. : On voit bien qu'on a un affaiblissement des frontières et une circulation plus facile dans certains sous-ensembles régionaux comme l'Europe ; c'est la bonne direction. Je ne suis pas un obsédé du contrôle de la frontière, mais il est clair que cette question va prendre de l'ampleur. Il faut en faire la prospective en intégrant les nouveaux outils technologiques d'état civil, dont il faut inventer le contrôle démocratique.

D. H. : La libre circulation est une utopie. Les économies demeurent encore nationales, de même que les Etats-providence. Les sociétés sont ancrées dans un territoire, une histoire, et les populations majoritairement socialisées à l'appartenance à une nation ou à un pays. Ouvrir les frontières suppose des représentations réceptives au brassage culturel.

C. R. : La libre circulation n'est pas qu'une formule incantatoire d'utopistes ni une solution miracle. Elle doit être un objectif, au nom de l'égalité entre ceux qui peuplent cette planète. En attendant, elle s'impose, tant que les malades du sida des pays en développement ne bénéficieront pas, dans leurs pays, des mêmes possibilités de soins qu'en Europe ; tant que des persécutés auront besoin de trouver protection dans nos pays ; et pour tous ceux dont les terres se désertifient, qui n'ont plus de quoi vivre et faire vivre leurs enfants. La liberté de circulation, c'est d'abord la liberté de ne pas avoir besoin de partir de chez soi. Ce facteur dépend des politiques économiques et environnementales des pays développés, pas des contrôles policiers. Une étude récente sur l'impact du réchauffement de la planète dans le bassin méditerranéen a démontré que, d'ici quelques décennies, une proportion importante de la population locale vivra dans des zones où il y aura des pénuries d'eau. Sommes-nous prêts à mettre en oeuvre les moyens qui permettraient dès aujourd'hui d'enrayer cette évolution, plutôt que de fermer, demain, nos frontières à ceux que la sécheresse poussera de façon inéluctable sur la route de l'exil ?


Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas, en Europe et en France, un vrai courant pro-immigration, comme au Canada, où l'Etat a réussi à imposer une politique dans ce sens ?

D. H. : Au Canada, les "ethniques" disposent d'un secteur communautaire soutenu financièrement par les gouvernements au nom de l'insertion égalitaire des immigrés. Ce secteur, comme le secteur associatif non ethnique, soutient toute politique d'immigration. Depuis vingt ans, les deux tiers des Canadiens sont favorables à l'ouverture du pays. La situation en France est autre : le secteur associatif lié à l'immigration n'est pas influent, le secteur communautaire "ethnique" est quasi inexistant, l'opinion publique plus réticente face à l'immigration, le courant ethnonationaliste fortement organisé (Front national) et les élites politiques maghrébines sont majoritairement cooptées. L'immigration demeure affaire d'électoralisme et non sujet de politique central à la vie du pays, discuté et voté à l'Assemblée nationale.

O. B. : Pour avancer, il faudrait consacrer beaucoup plus d'argent à ce dossier. On ne doit pas se dérober par peur de se confronter à la nécessaire question de l'administration de l'immigration. Il faut débattre de cette question et, donc, du choix du ministère de référence. Administrer l'immigration, c'est en faire un enjeu de la société politique démocratique, ce qui est moins facile que les débats vertueux sur la République...

C. R. : Le discours de la Commission européenne, depuis une dizaine d'années, est plutôt "pro-immigrés", quoique à forte connotation utilitariste. Un programme de gestion européenne de l'immigration a été défini en 1999, qui reposait sur trois volets : asile, intégration, contrôle des frontières. Quel bilan peut-on en faire cinq ans plus tard ? Tous les efforts ont porté sur le contrôle des frontières, très peu sur l'intégration et le droit d'asile, appliqué aujourd'hui dans des conditions contestables. Au niveau national, on a pris en compte le seul intérêt des Etats et non les droits de la personne. Au point qu'on en arrive, pour se débarrasser du problème, à "externaliser" les procédures d'immigration et d'asile dans des pays comme le Maroc, où on voit comment sont traités les réfugiés. Et à multiplier les camps, comme déjà en Libye, pour retenir les migrants derrière les frontières militarisées de l'Europe.

O. B. : La distinction entre les questions d'asile et d'immigration est fondamentale. L'absence d'une politique migratoire positive tue l'asile, mais aussi le développement. La France ne repartira pas sans s'ouvrir au monde, donc aux migrations. Elle doit prendre des décisions pour l'avenir. Une politique migratoire n'est pas une politique de régularisation, même s'il faut en faire de temps en temps. Les migrations relèvent de la souveraineté des Etats, tandis que l'asile relève de valeurs encore plus fondamentales et d'accords internationaux qui sont de l'ordre du "devoir" imprescriptible et des leçons de l'histoire.

C. R. : Le problème est que ce devoir imprescriptible des Etats est noyé dans leurs politiques migratoires, voire subordonné à elles, avec deux conséquences graves. L'une touche à l'accès aux procédures, puisque, quand les frontières sont fermées, elles le sont aussi pour les demandeurs d'asile ; l'autre, au risque de voir reporter vers des pays tiers la détermination du droit à l'asile, ce qui permettra aux Etats européens de faire leur tri, parmi ceux qui sont reconnus réfugiés, en fonction de leur marché du travail.


Le droit d'asile est-il aussi menacé dans les pays anglo-saxons, dont on vante l'ouverture en matière d'immigration de travail ?

D. H. : Le droit d'asile ne peut subsister que si l'immigration économique est admise. Prenons l'Irlande, au taux de croissance élevé et qui crée des emplois très qualifiés. Elle vient d'adopter un système à deux niveaux, sélection et quota, qui semble la nouvelle norme de gestion des flux migratoires en Europe : résidence permanente pour les immigrants qualifiés sélectionnés ; visa de séjour temporaire aux immigrants peu qualifiés, selon la demande des patronats. Le risque de dérive est évident : si peu d'immigrants sont admis, les demandes de droit d'asile vont s'accroître. Mais envisager l'immigration comme une gestion de frontières et de flux est faux sociologiquement, réactionnaire politiquement et producteur de violence.

L'expérience nord-américaine montre la nécessité d'une érosion des référents nationalistes, sinon l'immigration reste perçue comme un problème. En France, le vrai communautarisme français — c'est-à-dire le renfermement sur une culture ethnique — est le fait du Front national et non des immigrés et de leurs descendants, si peu organisés. L'autre forme de nationalisme culturel, élitiste celle-là, parle de "la République", productrice d'égalité. C'est une pensée magique, à l'encontre de tous les constats sociologiques et historiques faits depuis un demi-siècle.


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mardi, décembre 13, 2005

Nouvelle circulaire sur l'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière

Par une récente circulaire (Circ. 31 oct. 2005, NOR : INTD0500097C), le Ministère de l’intérieur vient de mettre à jour une précédente circulaire du 30 oct. 2004 (NOR : INTD0400134C).

La nouvelle circulaire vient de préciser les conditions d'examen des demandes de régularisation.

Ainsi, si la demande est « assez précise pour mériter un examen », l’intéressé se verra remettre un récépissé.

En revanche, l’administration doit refuser d’enregistrer une demande qui ne serait pas accompagnée d’éléments d’information suffisants ou qui se révèle « manifestement abusive et infondée car exclusivement dilatoire », par exemple parce qu’elle fait suite à une mesure d’éloignement récente ou parce que l’intéressé ne produit aucun élément nouveau de nature à infléchir une précédente décision de refus de séjour.

Pour la justification de l'ancienneté du séjour en France, la circulaire rappelle la typologie des preuves en fonction de leur degré de crédibilité décroissante : documents émanant d’une administration publique, documents remis par une institution privée, tels qu’un certificat médical ou un relevé bancaire, documents personnels. Omettant curieusement de rappeler l’exigence posée par la circulaire de 2002 de deux preuves par an, dont l’une au moins doit avoir un caractère certain, pour les années postérieures à 1998, la circulaire rappelle en revanche que, pour les années antérieures à 1998, une seule preuve certaine par an peut suffire et que l’absence de preuve certaine pour une ou deux années n’emporte pas nécessairement refus dès lors que l’intéressé est en mesure de produire des justificatifs à valeur probante moindre.

De même, la circulaire demande aux préfectures d’examiner si le conjoint d'un étranger, alors même qu’il pourrait bénéficier du regroupement familial, « peut se prévaloir d’une vie privée et familiale sur le territoire national suffisamment stable, ancienne (cinq ans est la durée proposée) et intense au point qu’une décision de refus serait de nature à y porter une atteinte disproportionnée » et, s’il en est ainsi, de délivrer une carte « vie privée et familiale » sur le fondement de l’article L. 313-11, 7°.

Enfin, la circulaire porte des recommandations pour la situation des jeunes majeurs scolarisés et les situations humanitaires particulièrement dignes d'attention (les victimes de violences conjugales et les victimes de la traite des êtres humains).

La circulaire envisage encore des mesures de régularisation en faveur d’étrangers qui ne peuvent bénéficier d’aucune des dispositions législatives permettant l’admission au séjour d’étrangers en situation irrégulière. Ces mesures de régularisation (le mot n’est pas prononcé), qui ne doivent intervenir qu’à titre « très exceptionnel et humanitaire » seront décidées en prenant en compte, « outre l’ancienneté du séjour habituel en France, le degré d’intégration et d’insertion dans la société française des membres de famille, à partir d’une série de critères familiaux et d’intégration socio-économique dans la société française ». 

Parmi ces critères, la circulaire cite la disposition d’un logement et la présentation d’une promesse d’embauche, la maîtrise du français, la scolarisation et le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l’absence de trouble à l’ordre public. Les conditions sont les suivantes qu’ils soient en famille ; qu’ils soient présents sur le territoire national depuis de nombreuses années ; qu’ils aient manifesté une réelle volonté d’intégration. Les familles qui ne répondraient pas à ces critères doivent être reconduites à la frontière.

Circ. 31 oct. 2005, NOR : INTD0500097C

samedi, décembre 10, 2005

La HALDE ouvre son site Internet

La HALDE ouvre son site Internet (31/10/2005)

La Haute Autorité de Lutte Contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE) complète son accueil téléphonique (08 1000 5000) en ouvrantun site internet. Toute personne s'estimant victime de discrimination illégale (pour accéder à un emploi, un logement, un service... en raison de son âge, de son handicap, de son sexe ou de son orientation sexuelle, de son origine, de son apparence physique, de sa religion, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales...) peut saisir directement la Haute Autorité. Ses missions : faire en sorte que la loi soit appliquée, agir là où les pratiques se manifestent, aider les personnes à faire valoir leurs droits et obtenir réparation des préjudices qu'elles ont subis.
Comment constituer son dossier, quels sont les modalités de saisie? Toutes les informations sont sur le site internet.
http://www.halde.fr

mardi, novembre 29, 2005

Immigration : un nouveau plan gouvernement

Marie-Christine Tabet, Le Figaro
[29 novembre 2005]

AU FIL des mois, les idées de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy sur l'immigration se sont rapprochées. Immigration choisie, lutte contre les fraudes, coup de frein aux arrivées d'étrangers pour raisons familiales sont des objectifs affichés avec autant d'énergie par le numéro un et le numéro deux du gouvernement. A tel point qu'aujourd'hui les équipes du premier ministre et celles du ministre de l'Intérieur ferraillent davantage pour rendre à leur champion la paternité des projets que pour faire valoir leurs différences.


Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (Cici), qui se tient ce matin à Matignon, en est la meilleure illustration. Au terme d'une réunion interministérielle, Dominique de Villepin, en présence de dix ministres dont Nicolas Sarkozy, va présenter les principaux chantiers législatifs du gouvernement pour le premier semestre de 2006. Au menu de ce troisième Cici, deux morceaux de choix : un projet de loi préparé par le garde des Sceaux sur les mariages célébrés à l'étranger et leur transcription en droit français et les nouvelles modalités de sélection des étudiants étrangers. Sur les quelque 170 000 étrangers qui s'installent légalement en France chaque année, en 2004, 44 000 ont obtenu ce droit parce qu'ils avaient épousé un résident français. Au fil des ans, le mariage est devenu la première cause d'immigration. La maîtrise des flux étudiants est tout aussi importante pour un gouvernement qui veut mettre à son crédit la maîtrise des flux migratoires. Quelque 200 000 étudiants étrangers – dont les trois quarts viennent des frontières extérieures de l'Europe – fréquentent les universités françaises... et ne repartent pas toujours à l'issue de leurs études. Ces deux dispositifs devraient faire l'objet d'un projet de loi.


Au fil des mois, Nicolas Sarkozy a déjà éventé ces «annonces». Il y a quelques jours à l'Assemblée, ses conseillers confiaient aux députés de la majorité les intentions du ministre d'Etat de réviser la loi sur le regroupement familial, révélant au passage les détails du projet de Pascal Clément sur le mariage. Le 4 novembre, à Nice, devant un parterre de chefs d'entreprise, le patron de la Place Beauvau avait largement dévoilé les règles en préparation pour les étudiants. «Je souhaite d'abord que nous accordions des visas de long séjour pour études à des étudiants que nous choisissons, avait-il déclaré à l'époque. L'étudiant qui aura été choisi dans son pays sera dispensé, une fois arrivé en France, de se présenter en préfecture (...). Par ailleurs, il serait utile (...) d'ouvrir plus largement la possibilité à des étudiants formés sur notre territoire d'y rester travailler quelque temps.»


Des étudiants choisis

A Matignon, on se contente de rappeler, communiqué de presse à l'appui, que le programme des différents comités interministériels a été annoncé dès le 10 juin, quelques jours seulement après la formation du gouvernement. Place Beauvau, on rétorque que c'est le 9 juin, lors de la convention sur l'immigration de l'UMP que sont réellement nées les «bonnes idées» détaillées aujourd'hui.


Cette course aux «bonnes idées» devrait se poursuivre puisque le premier ministre doit donner aujourd'hui le programme des comités ultérieurs. Or le prochain, prévu dès le mois de juillet 2006, sera piloté par Nicolas Sarkozy. Il abordera la question du regroupement familial. «Nous reviendrons d'ailleurs sur le mariage car le sujet n'est pas clos. Il faut également revenir sur les unions conclues avec des étrangers en situation irrégulière», explique un proche du ministre de l'Inté rieur. Mais Nicolas Sarkozy n'aura pas à attendre aussi longtemps pour faire entendre sa voix. Il est invité ce soir par les sénateurs pour une audition publique de la commission sur l'immigration clandestine.

Nationalité française: allongement de deux ans du délai de vie commune

PARIS (AFP) - Le gouvernement a décidé mardi d'allonger de deux ans le délai de vie commune à l'issue duquel un étranger ayant épousé un Français peut demander la nationalité française, lors d'un Comité interministériel de contrôle de l'immigration (Cici).

Ce délai devrait passer de deux à quatre ans pour un couple résidant en France, et de trois à cinq ans sinon, selon les mesures arrêtées à l'occasion de ce troisième Cici, présidé à Matignon par le Premier ministre Dominique de Villepin.

"La nationalité doit être le moins possible un droit automatique. Il faut lutter contre la tendance qui ferait du mariage avec un Français quelque chose qui se monnaie", a-t-on souligné dans son entourage.

Le mariage binational à l'étranger (34.000 en 2004) est aujourd'hui le premier mode d'immigration légale en France, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans (13.000 en 1995).

"Cette explosion des mariages à l'étranger pose un certain nombre de questions et il s'agit non pas de réduire forcément leur nombre mais de vérifier leur validité, la tentation existant de conclure une union avec un Français dans le but essentiel de venir en France", a-t-on expliqué à Matignon.

Pour lutter contre les mariages blancs, le gouvernement a ainsi décidé de renforcer le contrôle exercé, avant leur célébration, sur les mariages célébrés à l'étranger entre un Français et un étranger, avec une audition préalable devant le consul qui pourra faire part de ses éventuelles réserves sur la légalité de l'union.

Le parquet de Nantes - qui a en charge les actes passés étrangers - bénéficiera également d'un renforcement de son pouvoir d'opposition à la transcription sur l'état civil français d'un mariage célébré à l'étranger. En cas d'avis négatif du procureur, seule une décision judiciaire permettra de valider le mariage.

Toutes ces mesures nécessitent une réforme du Code civil et feront l'objet d'un projet de loi préparé par la Chancellerie et présenté en Conseil des ministres "pendant l'hiver", selon Matignon, pour une adoption par le Parlement d'ici à la fin du premier semestre 2006.


AFP

Un programme « expérimental » d'aide au retour volontaire est mis en place

Décidée le 27 juillet 2005 lors de la réunion du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, cette expérimentation est précisée par circulaire.

Ce nouveau programme d’aide au retour est mis en œuvre notamment par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) jusqu’au 30 juin 2006 dans une vingtaine de départements (Ain, Bas-Rhin, Bouches-du-Rhône, Calvados, Essonne, Eure, Haute-Savoie, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Loiret, Moselle, Nord, Oise, Paris, Pas-de-Calais, Rhône, Savoie, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d’Oise),. La circulaire des ministres de l’emploi, de l’intérieur et de la cohésion sociale en détaille :

– les conditions d’accès : notification d’un refus de séjour et invitation à quitter le territoire, départ simultané du conjoint et des enfants mineurs ; les ressortissants des pays d’origine « sûrs », les personnes faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et les personnes susceptibles de bénéficier du regroupement familial, notamment, sont exclues du bénéfice des prestations offertes ;

– le contenu : prise en charge des frais de voyage, aide individuelle à la préparation du voyage, aide financière (financée par l’ANAEM) de 2000 € par adulte, 3 500 € pour un couple, 1 000 € par enfant (jusqu’au troisième, puis 500 €) et « accompagnement social » à l’arrivée dans le pays de retour ;

– les différentes phases : information et proposition jointes à la notification de refus de séjour et à l’invitation à quitter le territoire, instruction du dossier par l’ANAEM (avec suspension de l’arrêté de reconduite à la frontière pris à l’expiration de l’invitation à quitter le territoire), entretien familial, organisation du départ puis versement de l’aide au moment du départ et dans le pays de retour.

Par ailleurs, la circulaire prévoit qu’un bilan « quantitatif et qualitatif » du programme est établi chaque mois sous la responsabilité des préfets et en coopération avec l’ANAEM.

> Circ. n° DPM/ACI3/2005/423, 19 sept. 2005

Source : Editions Législatives

Le droit aux prestations familiales restreint pour les étrangers

C'est dans la plus grande discrétion que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006 a été amendé, à l'initiative du gouvernement, pour restreindre le droit des étrangers aux prestations familiales.

Provoquant un tollé auprès des associations de défense des droits de l’homme et de la Défenseure des enfants, un amendement, voté par le Sénat le 18 novembre, subordonne l’attribution des prestations familiales aux parents étrangers à la preuve de la régularité du séjour des enfants dont ils ont la charge.

Le texte dresse précisément la liste des situations recevables :

- enfants nés en France ou entrés dans le cadre du regroupement familial ;

- enfants d’étranger ayant obtenu le statut de réfugié ou d’apatride ou bénéficiant de la protection subsidiaire ou encore titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique ».

L’amendement couvre également les enfants d’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée parce que ses « liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Une condition est toutefois ajoutée dans ce cas : les enfants concernés devront être entrés en France « au plus tard en même temps que l’un de leurs parents » titulaires de la carte « vie privée et familiale ».

Sous couvert de « consolider » la législation actuelle, ainsi que M. Philippe Bas l’a soutenu devant les sénateurs, le gouvernement souhaite contrecarrer la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 16 avril 2004, avait posé le principe que « les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficient de plein droit des prestations familiales ». Rappelons qu’un projet de décret tirait les conséquences de cette jurisprudence en ajoutant le « document de circulation pour mineur étranger » (DCEM) à la liste des pièces justifiant la régularité du séjour des enfants. Ayant reçu, le 1er mars dernier, l’avis favorable de la CNAF, le texte n’a jamais été publié au Journal officiel. Et sera définitivement enterré par les nouvelles dispositions.

Source : Editions Législatives

lundi, novembre 28, 2005

La politique d'immigration en questions

Jeudi 9 juin, Patrick Weil, spécialiste reconnu des questions d'immigration, qualifie de « contre-productives » les propositions de Nicolas Sarkozy sur l'immigration par catégories professionnelles. Quatre jours plus tard, le ministre de l'intérieur lui répond. L'échange épistolaire se poursuit le 28 juin par un nouveau texte de Patrick Weil

CHER MONSIEUR,

Dans un entretien accordé à l'AFP -le 9 juin-, vous avez qualifié de contre-productives les propositions faites par l'UMP pour une politique d'immigration choisie et d'intégration réussie. Je souhaite formuler quelques observations sur le contenu de cet entretien.

C'est le système actuel de régulation des flux migratoires qui mérite sans conteste le qualificatif de « contre-productif ». Ce système, qui n'a quasiment pas changé depuis 1974, repose sur l'interdiction presque totale de l'immigration économique, afin de ne pas aggraver la situation du chômage, et sur la stricte limitation des flux aux réfugiés et au regroupement familial. Officiellement, l'immigration en France est stoppée. Comme il n'y a plus, en principe, d'immigration économique depuis 1974, le flux du regroupement familial aurait dû se tarir de lui-même également.

Or, depuis 1974, les flux migratoires n'ont jamais cessé. Ils ont pris une ampleur considérable entre 1997 et 2002, puisque l'immigration légale a augmenté de 70 %, tandis que l'immigration illégale, alimentée par l'explosion de la demande d'asile et la démission de l'Etat en matière d'éloignement, a atteint des seuils jamais égalés par le passé.

L'immigration de travail, celle qui répond à des besoins identifiés de notre économie, représente actuellement 5 % des flux migratoires, contre 95 % pour l'immigration dite de droit, c'est-à-dire l'immigration familiale et l'asile. Cette immigration de droit pèse tout autant sur le marché du travail que l'immigration économique puisque les étrangers qu'elle concerne ont le droit de travailler.

Ce système est triplement perdant : le décalage croissant entre la réalité et le discours officiel ruine la confiance des Français dans la capacité de l'Etat à maîtriser les flux migratoires ; nos besoins économiques ne sont pas pourvus ou le sont - qui l'ignore ? - par des travailleurs en situation illégale ; enfin, un nombre considérable de personnes recherchent un emploi dans des secteurs où nous n'en avons pas.

Je note en deuxième lieu qu'au cours des années récentes un certain nombre de pays sont sortis de ces contradictions et de ces hypocrisies. En Australie, au Canada, en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande, en Suisse, et dans d'autres pays encore, l'immigration économique représente plus de 50 % des flux. Il ne m'est pas revenu que ces pays n'étaient pas des démocraties. En troisième lieu, je crains que vous n'ayez pas examiné les propositions de l'UMP avec une attention suffisante.

Ces propositions sont principalement au nombre de trois :

Le Parlement et le gouvernement français doivent fixer chaque année le nombre maximal de personnes qui seront autorisées à entrer en France. C'est quand même bien le minimum que la France décide qui a le droit de s'installer sur son territoire et qui ne l'a pas. Les Etats-Unis pratiquent cette politique de plafonds ou de quotas, peu importe le terme, depuis de nombreuses années. C'est, au surplus, une condition évidente de l'intégration, car nous ne pouvons intégrer de nouveaux migrants que si nous avons les capacités d'accueil requises en termes de logements, d'écoles, d'hôpitaux et d'emplois.

Ce plafond doit être décliné catégorie par catégorie, c'est-à-dire que le gouvernement et le Parlement doivent décider quelle est la part souhaitée de l'immigration économique par rapport à l'immigration familiale. Là encore, de nombreux pays le font.

VOUS estimez que la limitation du regroupement familial serait anticonstitutionnelle. Je ne peux m'empêcher de répondre qu'on me faisait les mêmes observations lorsque j'ai annoncé mon intention de faire passer de 12 à 32 jours le délai de rétention administrative. Plus fondamentalement, il ne s'agit pas d'arrêter le regroupement familial, mais de le maîtriser, pour que celui-ci soit compatible avec la capacité d'accueil de la France. Aucune norme constitutionnelle ne prévoit que la France doit accepter dans n'importe quelles conditions tous les immigrés qui ont une raison personnelle de vouloir s'installer dans notre pays.

Ce n'est pas tant le regroupement familial stricto sensu qui pose problème, mais la carte « vie privée et familiale » créée sous le gouvernement de Lionel Jospin. Le regroupement familial autorise l'étranger légalement installé en France à faire venir sa famille dans le cadre d'une procédure organisée, qui permet notamment de vérifier que les conditions de revenus et de logement sont suffisantes pour que la famille s'intègre rapidement.

La carte « vie privée et familiale » permet à n'importe quel étranger en situation illégale, ce qui est quand même très différent, de revendiquer et d'obtenir un titre de séjour. C'est la carte « vie privée et familiale » qui explique l'essentiel de la dérive des flux entre 1997 et 2002.

Enfin, pour attirer en France des travailleurs qualifiés, des chercheurs, des professeurs d'université ou des créateurs d'entreprise, il faut créer un système de points à la canadienne. L'avantage de ce système, repris par d'autres pays, est de déterminer les critères (âge, qualifications, expériences professionnelles...) que l'Etat veut valoriser en fonction des besoins de son économie. Ce système s'ajuste très facilement à l'évolution de la conjoncture et a une visibilité qui permet d'attirer de très bons candidats.

Ce système n'est nullement incompatible avec la volonté des entreprises de pouvoir faire venir des personnes qu'elles auraient préalablement repérées hors de nos frontières. Il suffit pour cela de donner des points supplémentaires aux candidats qui ont une proposition d'embauche ferme.

Puisque vous êtes un spécialiste reconnu des questions d'immigration, il ne vous aura pas échappé que, s'il y a effectivement des médecins étrangers chauffeurs de taxi au Canada, cela ne résulte nullement du système des points, mais d'une reconnaissance insuffisante des diplômes étrangers.

Par ailleurs, si le nombre des titres attribués grâce au système des points devra bien sûr respecter le plafond annuel décidé par les pouvoirs publics pour l'immigration économique, l'UMP ne propose nullement de faire des quotas par métiers. (...)

MONSIEUR le ministre d'Etat (...)

Vous vous étonnez tout d'abord que, l'immigration de travail ayant été stoppée en 1974, une immigration familiale se soit maintenue. En fait, c'est un phénomène banal, et qui n'est pas propre à la France : on le note aussi dans tous les pays d'Europe du Nord, qui sont devenus des pays d'immigration après 1945 (Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, etc.). Cette immigration familiale a d'abord concerné pendant de nombreuses années les familles des dernières vagues de travailleurs venus en France, d'Afrique ou d'Asie, juste avant 1974.

Contrairement à des croyances largement répandues, l'arrêt de l'immigration en 1974 n'a pas provoqué une hausse, mais une forte baisse du regroupement des familles de résidents étrangers. Celui-ci a ensuite été relancé par des régularisations exceptionnelles intervenues en 1981, en 1991 et en 1997, et sur lesquelles je reviendrai.

Aujourd'hui, l'immigration de familles résulte en majorité de liens - de mariage ou de parenté - qui se développent entre Français et étrangers. En 2002, la majorité des titres de séjour « familles » ont été accordés à des conjoints de Français ou à des parents d'enfants français (53 000 sur 95 000). La France s'internationalise et les Français aussi.

Selon vous, l'immigration légale annuelle vers la France de 150 000 étrangers (2002) est trop importante, elle a trop augmenté et elle favorise à l'excès l'immigration fondée sur des « droits », principalement liens de famille. Vous ajoutez : pourquoi ne pas faire comme l'Australie, le Canada, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande ou la Suisse, où l'immigration de travail représente plus de 50 % des flux ?

La réalité est plus complexe. Au Royaume-Uni, pour l'année 2003, 47 % des 140 000 permis de résidence accordés l'ont été pour liens de famille, 21 % pour un emploi.(...) Dans les autres pays dont vous parlez, le taux d'immigration familiale est supérieur à celui de la France d'au moins 40 % : France : 0,15 % de la population française ; Australie : 0,21 % (42 200 permis en 2003-2004) ; Canada : 0,23 % (69 000 permis en 2003) ; Nouvelle-Zélande : 0,25 % (9 850 permis en 2003-2004) ; Suisse : 0,51 % (38 830 en 2004).

Si, dans ces pays, l'immigration familiale est inférieure à l'immigration de travail, c'est que l'immigration totale y est donc largement supérieure à ce qu'elle est en France. En Nouvelle-Zélande, pour l'année 2003-2004, l'immigration de 20 600 personnes représente 0,54 % de la population de 3 840 000 habitants. En Australie, toujours pour 2003-2004, 114 360 permis ont été délivrés, ce qui représente 0,57 % de la population (20 millions d'habitants). Au Canada, les 221 000 permis de séjour délivrés en 2003 représentent 0,74 % de la population de 30 millions d'habitants. Enfin, en Suisse, 96 270 permis ont été délivrés en 2004, ce qui représente 1,27 % des 7 530 000 habitants. (...)

Aux Etats-Unis , une large majorité de l'immigration est, comme en France, d'origine familiale (668 000 des 1 063 000 immigrants admis en 2002), tout comme en France. La majorité de ces autorisations de séjour (486 000) sont, comme en France, attribuées à des conjoints ou à des familles de citoyens américains et ne sont pas soumises à quotas. Les quotas touchent en fait les familles des résidents étrangers, avec les conséquences que nous connaissons bien : le nombre d'autorisations d'immigrer est tellement limité, la liste d'attente est si longue que nombre de ces familles entrent et s'installent en situation irrégulière. Elles constituent aujourd'hui une bonne partie des 11 millions d'étrangers dans cette situation aux Etats-Unis qui attendent leur régularisation. En outre, les Etats-Unis ne sont ni la France ni l'Europe, et les normes constitutionnelles qui nous régissent sont différentes.

Le droit de mener une vie familiale normale est un principe résultant de l'alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946 (qui a valeur constitutionnelle depuis 1971), selon lequel « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

Il a été consacré pour la première fois au bénéfice des résidents étrangers dans un arrêt du Conseil d'Etat du 8 décembre 1978, dit « arrêt Gisti », sous la forme d'un principe général de droit s'imposant à l'administration. Ce principe a été à nouveau consacré par le Conseil constitutionnel en 1993 (...), qui a considéré des dispositions restreignant le droit au regroupement familial comme contraires à la Constitution, car il résulte du dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 « que les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale », et que ce droit comporte en particulier « la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique ».

A cette objection vous répondez qu'en 2003, à l'occasion d'une saisine contre le projet de loi que vous veniez de faire adopter par le Parlement, le Conseil constitutionnel, qu'on disait pourtant très ferme sur la limitation de la durée de rétention, avait procédé à un retournement de jurisprudence et validé le passage d'une durée maximale de 12 à 32 jours.

Mais vous oubliez de mentionner que, à cette occasion, il avait annulé une disposition de votre loi à laquelle vous teniez beaucoup - permettre au maire de suspendre la célébration d'un mariage sous le motif du caractère irrégulier du séjour de l'étranger. Il l'a fait au motif « que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé » (décision n° 2003-484 DC - 20 novembre 2003).

Cette liberté personnelle du mariage est proche du droit à la vie familiale normale, et je ne vois pas au nom de quel principe le Conseil constitutionnel pourrait à nouveau retourner sa jurisprudence.

Imaginons cependant que le Conseil vous donne raison : vous seriez alors condamné par les normes européennes. Le Conseil constitutionnel ne vérifie la conformité d'une loi que par rapport à la Constitution française. Le Conseil d'Etat vérifiera aussi la conformité de votre texte aux conventions internationales qui engagent la France, et notamment la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). La Cour européenne des droits de l'homme pourra aussi, à ce titre, vous sanctionner. En effet, l'article 8 de la CEDH garantit le droit de toute personne « au respect de sa vie privée et familiale ». (...)

ENFIN, et ce n'est pas sans importance, votre approche par les quotas me paraît contraire à la directive 2003/86/CE du Conseil européen du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial, que vous avez approuvée et qui garantit le « droit au regroupement familial » sous réserve de remplir des conditions individuelles (revenu, logement), et en aucun cas d'une limite numérique fixée par les Etats.

Un système de quotas de travailleurs qualifiés sélectionnés par un système de points comme au Canada ne serait pas, lui, inconstitutionnel. Mais est-il nécessaire ? Résoudra-t-il le problème français ? Le système à points canadien permet le recrutement à l'étranger et l'attribution de titres de séjour à partir de critères comme le niveau d'études, la compétence professionnelle, la maîtrise de la langue. Cette politique n'est cependant pas directement connectée au marché du travail, (...), le phénomène de sous-emploi des immigrés qualifiés est, du coup, massif. Une étude récente montre qu'il touche des diplômés de toutes les disciplines, et pas seulement des médecins. Le risque serait donc que ce système appliqué à la France entraîne l'arrivée d'étrangers qualifiés qui, au bout de quelques mois de recherches infructueuses, s'inscriraient au chômage. Or le problème français est inverse. Aujourd'hui, si des entreprises, des laboratoires de recherche repèrent - par exemple au travers de stages - des étudiants étrangers qualifiés déjà présents en France, elles ne peuvent les recruter parce que les ministères du travail et de l'intérieur s'y opposent. En 1998, une simple instruction ministérielle avait suffi pour attirer des informaticiens en vue du bug de l'an 2000. Or cette circulaire a été abrogée par vous-même et M. François Fillon. Durant votre premier séjour au ministère de l'intérieur, l'immigration qualifiée a ainsi baissé de 8 800 en 2001 à 6 500 en 2003.

Les quotas sont aujourd'hui le plus mauvais des systèmes de gestion de l'immigration. Ils obligent à créer une bureaucratie coûteuse et inefficace. Ils provoquent la politisation permanente de la question de l'immigration. Ils sont inutiles pour l'immigration qualifiée, puisque les quotas ne sont jamais atteints. Pour l'immigration non qualifiée, ils sont toujours dépassés et provoquent des flux massifs d'immigration irrégulière, suivis par des régularisations. (...)

Comme en Italie ou en Espagne, l'annonce d'un quota global sera entendue dans le monde entier comme un appel à tenter sa chance en France par un nombre bien supérieur d'étrangers qualifiés ou non qualifiés. Comme en Italie et en Espagne, un flux massif d'immigration irrégulière risque de se produire, à côté duquel les phénomènes qui existent en France aujourd'hui vous apparaîtront dérisoires.

AINSI, si vous mettez en oeuvre votre plan de quotas, vous risquerez tout à la fois de porter atteinte à des droits fondamentaux, droit d'asile ou droit à une vie familiale normale ; de faire venir des travailleurs qualifiés qui ne seront pas sûrs de trouver du travail ; de faire exploser l'immigration non qualifiée irrégulière.

Enfin, puisque vous souhaitez supprimer le dispositif de régularisation individuelle permanente inscrit dans la loi depuis 1998, qui est aussi pratiqué au Royaume-Uni et qui permet d'éviter le maintien en situation irrégulière de quelques milliers de « ni-ni » - ni régularisables ni expulsables -, vous serez obligé d'en organiser la régularisation exceptionnelle et massive comme le font périodiquement l'Italie, l'Espagne et les Etats-Unis, pays à quotas - avec tous les effets pervers que l'on connaît : une désorganisation de l'administration, l'afflux des pays voisins de nouveaux candidats et, après celle-ci, de nouveaux irréguliers.

Enfin, la justification de votre plan « quotas » me paraît dangereuse. Hiérarchiser entre les immigrés légaux, selon leur voie d'entrée en France, distinguer entre les bons - ceux qui travaillent et que l'on choisirait - et les mauvais - ceux qui ont des droits et que l'on subirait -, c'est choisir d'exacerber encore une fois les tensions. (...)

Monsieur le ministre, sous votre impulsion, en novembre 2003, après plus d'un an de débats interministériels, plusieurs mois de débats au Parlement, la législation de l'immigration et de l'asile a été durcie dans de nombreux domaines si l'on met à part la réforme de la double peine : (...) Pourquoi vous lancer aujourd'hui, et si vite, dans le bouleversement que vous nous annoncez et contredire si brutalement sur beaucoup de points votre travail et celui du Parlement, qui date d'à peine dix-huit mois ? Certains décrets d'application viennent tout juste d'être promulgués, et les effets de votre loi se font à peine sentir. Ne pourriez-vous pas attendre les résultats ? Beaucoup de choses restent à changer dans la politique française d'immigration, mais ces changements relèvent plus aujourd'hui - vous le savez bien - du management et de la réforme administrative que de grandes lois annoncées à coups de tambour et de trompette.

Vous désirez recruter rapidement des étrangers qualifiés ? Mais dès demain, si vous le voulez vraiment, vous en avez la possibilité. Jusqu'à présent, vous aviez besoin du ministre du travail pour agir de concert dans ce domaine et donner, par exemple, des instructions aux services du ministère du travail qui délivrent des titres de travail. Mais, depuis le 16 juin, vous avez l'autorité sur ces services. Au Royaume-Uni aussi, depuis 2001, le ministère de l'intérieur exerce les compétences en matière de travailleurs qualifiés, et la réussite de ce pays dans ce domaine tient avant tout à l'accélération des procédures et à un délai de réponse aux entreprises tombé à quinze jours !

Mais la même réforme est possible en France, immédiatement. Et pourquoi ne pas ouvrir notre marché du travail aux diplômés et aux qualifiés des dix nouveaux pays membres au lieu de les laisser filer vers le Royaume-Uni, l'Irlande ou l'Italie, où la porte leur est grande ouverte ? Ils aideraient nos entreprises à conquérir les marchés de leurs pays et permettraient la création d'emplois en France ! (...)

mardi, novembre 22, 2005

Sans-Papiers : l'obsession politicienne

Un Dossier de Anne-Laure DE LAVAL, publié le 04/11/2005

La préfecture « ne communique pas » sur le sujet. Impossible d’obtenir les moindres statistiques sur les entrées et reconduites des « étrangers en situation irrégulière » dans le département. De son côté, la direction de la PAF (Police de l’air et des frontières) s’est d’abord montrée disposée à lever le voile sur quelques chiffres et pratiques, mais n'a ensuite pas trouvé le temps de nous rencontrer. Pour en savoir un peu plus sur les « sans-papiers» dans le département, il faut donc aller là où ils sont susceptibles de se rendre, volontairement ou pas...

« Sans-papiers », mais encore ?

La préfecture « ne communique pas » sur le sujet. Impossible d’obtenir les moindres statistiques sur les entrées et reconduites des « étrangers en situation irrégulière » dans le département. De son côté, la direction de la PAF (Police de l’air et des frontières) s’est d’abord montrée disposée à lever le voile sur quelques chiffres et pratiques, mais n'a ensuite pas trouvé le temps de nous rencontrer. Pour en savoir un peu plus sur les « sans-papiers» dans le département, il faut donc aller là où ils sont susceptibles de se rendre, volontairement ou pas. On sait que certains sont refoulés avant même d'avoir pu pénétrer sur le territoire. Ainsi, à l'aéroport de Nice où se trouve une très petite zone d'attente, les étrangers repérés avec de faux papiers peuvent être immédiatement reconduits dès lors qu'ils dévoilent leur véritable identité. Et « beaucoup le font, ignorant qu'il vaut mieux ne rien dire », témoinge un ancien agent de la PAF. Ceux dont on sait qu'ils ont transité par Zurich sont susceptibles d'y être réadmis « dans les deux heures» — en vertu de conventions entre Etats de l'espace Schengen. La plupart d'entre ceux qui sont repérés avec des faux papiers taisent leurs noms et nationalités et sont alors placés en garde à vue. « Les ressortissants des pays africains ont souvent des faux mal faits qu'ils ont payé une fortune. En revanche, nous avons vu des Chinois qui avaient fait de la chirurgie esthétique pour ressembler aux Japonais dont ils avaient le passeport : ces derniers sont intraficables », raconte l'agent. Restent les clandestins que la police « relâche directement à l'aéroport » parce qu'elle sait qu'un passage en garde à vue puis au centre de rétention (voir ci-dessous) n'aboutira pas à la reconduite. « On les largue comme ça, alors qu'ils ne connaissent rien ici et ne parlent pas un mot de Français ». A l'opposé de la police, les structures humanitaires et d'entraide sont amenées à rencontrer les migrants quand ceux-ci savent qu'elles existent. Au-delà des « premiers secours » traditionnels assurés tant bien que mal par les associations (voir encadré), le COVIAM (Comité de vigilance des Alpes-Maritimes) s'est constitué en 1991 afin de gêner l'arbitraire des décisions préfectorales. Plusieurs fois par semaine, des dizaines de « sans-papiers » se pressent aux permanences du Comité pour savoir s'ils sont susceptibles d'être régularisés. Si c'est le cas, les bénévoles du COVIAM les accompagnent dans leurs démarches auprès des services préfectoraux. Mais même dans ce cadre, rien n'est gagné: l'obtention d'une précaire carte de séjour d'un an relève de plus en plus d'une lutte assidue. Le COVIAM peut avoir à représenter plusieurs fois un dossier extrêmement complet parce qu'il manquera toujours une pièce. Par ailleurs, l'écrémage constaté à chaque permanence est révélateur de l'absence d'informations délivrées aux migrants. Beaucoup ont entendu dire que, connaissent quelqu'un qui, mais tombent des nues en apprenant qu'ils ne pourront prétendre à un titre de séjour que dans plusieurs années : par exemple, les célibataires doivent recueillir de dix à quinze années de preuves « officielles » de vie ininterrompue en France ou les couples avec leurs enfants justifier de cinq ans de vie commune sur le territoire. Parfois, le COVIAM tente des régularisations à titre humanitaire, pour de jeunes femmes seules avec leurs enfants ou des personnes complètement isolées au pays. Ou n'essaient rien si ce n'est pas le bon moment : le préfet peut user de mesures de rétorsions à l'encontre de tel migrant dont la demande est jugée abusive. Souvent, des maris et pères travaillant en France depuis plus de trente ans ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas avoir leurs épouses ou enfant à leurs côtés, soit parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent, que leur appartement est trop petit ou parce que leurs enfants sont trop grands. L'incompréhension est la même du côté de jeunes majeurs qui sont nés en France et y ont été scolarisés, ou de personnes qui ont vécu des années en France : avoir quitté le territoire pendant un certain temps leur fait perdre tout droit au titre de séjour. Beaucoup d’entre les « sans-papiers » rencontrés aux permanences travaillent. Certains ont même des bulletins de salaires et paient impôts locaux et sur le revenu. Généralement aussi mal payés que mal logés — quand ils le sont —, figés par la peur de l’uniforme et du lendemain, séparés de leurs proches depuis des années, régulièrement « victimes » d’avocats qui se font rétribuer, une démarche perdue d’avance, endettés quand ils ont fait appel à des passeurs, les « sans-papiers » sont en majorité embourbés dans des situations qu’ils n’imaginaient pas. « Mais, témoigne l’un d’eux, quand on a des années et des kilomètres derrière soi et qu’on a fait les deux tiers du chemin, il est très difficile d’envisager un retour au pays : pour faire quoi là-bas, tout recommencer à zéro une nouvelle fois ? ».

L'errance des demandeurs d'asile tchétchènes à Nice

La situation des demandeurs d’asile n’est guerre plus enviable, quand elle ne se confond pas avec celle de « sans-papiers ». Dans les Alpes-Maritimes, ils s’adressaient jusqu’il y a peu au Service social d’aide aux émigrants (SSAE), aujourd’hui fusionné avec l’Office des migrations internationales (OMI) dans l’Agence nationale d’accueil des étrangers et d’aide aux migrants (ANAEM). Cette union, programmée par la loi Borloo de janvier 2005, fait craindre un transfert de fait par les pouvoirs publics (qui subventionnaient le SSAE) d'une grande part des tâches d’information, d’accueil, d’aide et d’accompagnement social en direction des migrants vers les services sociaux non spécialisés et les associations. A l'heure actuelle, ces dernières sont dans la nébuleuse. Dans le département, les « demandeurs d’asile viennent en particulier de l’Est, constate Elisabeth Grimanelli de la CIMADE : Ukrainiens, Kirghizes, Ouzbeks, Russes, Arméniens et surtout Tchétchènes, et, en moindre proportion, du Nigeria, de la République démocratique du Congo ou encore de Côte d’Ivoire» . Mais tous n’ont pu déposer leurs demandes auprès de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), en premier lieu les Tchétchènes qui ont été inscrits dans les fichiers « Eurodac ». Ce système de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile et des immigrants clandestins est destiné à faciliter l’application de la convention de Dublin afin de déterminer l’Etat européen, responsable de l’examen d’une demande d’asile. Concrètement, les familles tchétchènes qui ont été repérées alors qu'elles transitaient par la Pologne ne peuvent demander l'asile qu'en Pologne. Qu’importe si elles ont poursuivi leur chemin, si la demande qu’elles ont dû déposer n’est que formelle et qu'elle a toutes les chances d’être rejetée. Dans ce cadre, la préfecture des Alpes-Maritimes a pris en mai dernier des arrêtés de reconduite à la frontière pour deux familles ressortissantes de Tchétchénie. En faisant valoir le danger encouru en cas de retour, le COVIAM a réussi à faire suspendre l'application de l'arrêté par le tribunal administratif qui doit encore se prononcer sur le fond. Malgré tout, les familles concernées n'ont toujours pas pu déposer de demandes d’asile en France et n’ont donc, depuis sept mois, « droit à rien : ni hébergement dans un centre de demandeurs d’asile, ni indemnités, ni droit au travail ». Plus généralement, 90 % des refus d’asile prononcés par l’OFPRA, considérée par beaucoup comme une « usine à rejeter », font l’objet d’appels devant la Commission de recours des réfugiés (CRR) qui casse près d’un tiers des décisions prises. C’est dire. « Dans la plupart des cas, les personnes n’ont pas été auditionnées par l’OFPRA. Dans d’autres, elles l’ont été, mais l’Office a rejeté la demande en relevant des contradictions entre l’écrit et l’oral. Pourtant, ce genre de confusion est courant et n’a rien d’étonnant quand on connaît les parcours terribles des demandeurs d’asile », souligne un magistrat de la CRR. Dans la majorité des cas, les refus de l’OFPRA puis de la CRR font entrer les demandeurs d’asile dans la cohorte des « sans-papiers » qui ne peuvent envisager un quelconque retour en arrière. Et qui finiront, après des années de galère, soit par être reconduits de force, soit par obtenir un précaire titre de séjour.

Anne-Laure DE LAVAL

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(1) Les étrangers venant du Maghreb, en particulier de Tunisie, sont parmi les plus nombreux avec ceux des « pays de l’Est » . En revanche, les ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne sont peu représentés dans les permanences du Coviam et dans le département en général.

Total arbitraire des arrestations et reconduites

Il y a moins de deux semaines, alors qu'il vivait depuis dix-neuf ans en France et qu'il pouvait le prouver, qu'il était on-ne-peut-plus « intégré », un Tunisien de 40 ans a été renvoyé dans « son » pays. Pendant cette période, deux jeunes autres Tunisiens ont subi le même sort, alors qu'ils s'apprêtaient à se marier en France. La police qui les avaient convoqués dans le cadre de la traditionnelle « enquête mariage» en a profité pour les placer en garde à vue. Pourtant, non seulement son rôle doit se limiter dans ce cadre à émettre un avis sur la sincérité de l'union, mais, dans les deux cas, rien ne permettait de penser qu'il s'agissait de « mariages en blanc ». « Au contraire, les familles des futurs mariés se connaissaient bien et la véracité des liens ne faisaient aucun doute », atteste Ingeborg Verhagen, intervenante de la CIMADE au centre de rétention de Nice (1). Récemment encore, plusieurs dizaines de ressortissants de Roumanie qui s'étaient construits des habitats de fortune le long de la voie ferrée, à l'entrée du quartier des Moulins et sur les rives du Var, ont été raflés par les agents de la Brigade mobile de recherche (BMR) et reconduits à la frontière. « Du moins ceux, nombreux, qui avaient leurs passeports. Les autres ont été relâchés parce qu'il était sans doute trop fastidieux de demander des laissez-passer consulaires et que le taux de reconduite était satisfaisant », suppose Ingeborg. Depuis un an en général, trois mois en particulier, la CIMADE, dernière interlocutrice « civile » avec quelques rares avocats, des migrants interpellés, constate un durcissement. « Le taux de reconduite des étrangers placés au centre de rétention s'élève à près de 50 % contre 20 à 25 % en général ». A l'heure actuelle, le centre est plein de personnes interpellées à Vintimille. En vertu des accords passés entre certains Etats de l'espace Schengen, ceux-ci ont étés réadmis en France, pays par lequel ils ont transité et à qui incombe la charge de les reconduire. « Il y a parmi eux des Marocains qui ont payé très cher, 5.000 ou 6.000 euros des visas ou des faux papiers et qui ont traversé le détroit de Gibraltar dans les conditions que l'on sait. Egalement des Roumains qui travaillent comme saisonniers en Espagne ou au Portugal et qui retournaient voir leur famille. Une fois reconduits, ils ne pourront plus quitter la Roumanie pendant cinq ans. Par ailleurs, nous avons découvert que certaines des personnes interpellées sont en situation régulière en Italie ». Que ce soit dans le cadre d'opérations « coup de poing » diligentées par le procureur dans différentes zones urbaines ou de procédures plus courantes, les contrôles des étrangers se font « systématiquement au faciès », note la CIMADE : « dans les gares, dans les bus même s'ils ont des titres de transports, dans les voitures même quand ils sont passagers... Tous les prétextes sont bons pour exiger leurs papiers et les embarquer ».

La défense des étrangers bien mal assurée par le barreau de Nice

A l'issue de la garde à vue, les migrants font en général l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et d'un arrêté de placement en rétention, à moins que le parquet ne décide de poursuites. Durant les premières quarante-huit heures de rétention, la CIMADE peut formuler un recours auprès du tribunal administratif (TA) quand elle estime que l'étranger peut prétendre à un titre de séjour. Théoriquement, le jugement doit être rendu dans les 72 heures : si le retenu « gagne » au TA, il est libéré. S'il « perd », il peut faire appel, mais celui-ci n'est pas suspensif. En pratique, la décision de la Cour administrative d'appel intervient bien après la reconduite effective à la frontière. L'étranger pourrait alors revenir en France, « mais encore faut-il qu'il obtienne le visa ». Plus grave encore, le recours devant le TA, non plus seulement l'appel de celui-ci, pourrait bien perdre son effet suspensif, craint Frédéric Rossler, avocat au barreau de Nice, intervenant régulièrement dans le contentieux des étrangers. « Ce qui signifie bien évidemment qu'il n'y aura plus aucun recours possible ! ». Après ces quarante-huit heures, le retenu est présenté menotté au « juge de la liberté et de la détention » (JLD) qui peut l'assigner à résidence, décider de prolonger la rétention de quinze jours (au total, celle-ci ne peut excéder trente-deux jours, contre douze avant la loi Sarkozy) ou le libérer si des irrégularités dans la procédure suivie par la police et dans la saisine préfectorale sont constatées. « C'est là qu'on découvre souvent des choses curieuses », ironise Me Rossler. Au début du mois d'octobre, un agent municipal du Cannet a ainsi largement outrepassé ses prérogatives pour interpeller un étranger sans titre de séjour. Un autre a été signalé par un vigile alors qu'il venait de tester un parfum : son identité a été contrôlée parce qu'il était suspecté de tenter de commettre un vol. De façon plus classique, les interpellations n'ont pas seulement lieu dans les gares où les agents peuvent exiger les papiers, mais « aux abords des gares ». Malheureusement pour les retenus, rares sont les avocats qui ont les compétences ou la volonté de faire valoir ces erreurs de procédure, plutôt courantes. « La défense des étrangers, considérés comme des sous-justiciables, est très mal assurée par le barreau de Nice. Significativement, les avocats évoquent « l'audience des refoulés », alors qu'il s'agit de « retenus ». Il règne un je m'enfoutisme scandaleux » quand ce n'est pire, estime Me Rossler. Si, bien entendu, de jeunes avocats tentent une plaidoirie, d'autres s'en « rapportent systématiquement à la sagesse du juge ». Autrement dit, ne prononcent pas un mot en faveur du « retenu » pour la défense duquel ils sont rémunérés. Même certains juges s'autorisent des propos racistes ou déplacés : « Il y a presque toujours, dans les questions d'immigration, un arrière-fond d'opinions individuelles. On se situe généralement au niveau des discussions du café du Commerce ». Instrumentalisations politiques Une fois reconduits au centre, les retenus ne peuvent être effectivement éloignés qu'à deux conditions : que leur consulat ait délivré un laissez-passer et qu'un moyen de transport soit disponible. Là encore, de multiples autres facteurs interviennent qui n'ont rien à voir avec une quelconque justice. Des consuls délivrent par exemple plus de laissez-passer que d'autres, y compris parfois pour des ressortissants d'autres pays. Parce qu'en échange, ils obtiennent plus de visas pour les leurs, confie Ingeborg Verhagen. Pour les migrants qui ont présenté leurs passeports ou dont les familles les ont confié à la police en pensant bien faire, l'autorisation consulaire n'est pas nécessaire. « Le gouvernement pond des lois drastiques pour stigmatiser les immigrés, mais ne les accompagne d'aucun moyen supplémentaire. De ce fait, la volonté effective de reconduire plus d'étrangers aux frontières s'effectue sur les critères de facilité : on prend les gens au réveil au centre de rétention quand la CIMADE n'est pas là et on reconduit ceux qui ont eu la malchance d'être honnêtes ou de céder aux chantages et propos séducteurs de la police », analyse Me Rossler. Une « instrumentalisation de la justice par le politique » d'autant plus évidente que l'on se souvient de la descente effectuée l'année dernière par la police dans un foyer Sonacotra de Cagnes-sur-Mer. Le tribunal correctionnel de Grasse avait ordonné une commission rogatoire pour « vols, recels et trafic de stupéfiants » qui s'était soldée par l'arrestation de cent vingt étrangers en situation irrégulière. « Dans le train qui devait les conduire en garde à vue, il n'y avait qu'une cinquantaine de places. Tous les autres ont donc été laissés libres. Puis, au centre de rétention, la moitié a dû être libérée parce qu'il ne restait que vingt-six places ». Au final, « il n'y a eu aucune reconduite : personne n'avait de passeports et il y avait trop de vérifications à faire ». Mais le quotidien local avait évoqué l'essentiel, « l'interpellation de cent vingt étrangers en situation irrégulière ».

Al. L.
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(1) Le centre de rétention administrative de Nice, parfois appelé « hôtel des Etrangers» est situé dans l'enceinte de la caserne Auvare, à Nice. La CIMADE y est autorisée à intervenir auprès des étrangers depuis 1986.

Parmi tant d'autres histoires...

Vedran a fui la Bosnie-Herzégovine après la guerre à laquelle il avait participé contre les Serbes dès l'âge de 17 ans. Avec 50 euros en poche, il est parvenu à pied en Italie, puis en France où il ne voulait que transiter. Mais ici, il a rencontré sa future épouse, alors juste arrivée de Bulgarie et mise sur le trottoir par les « amis » qui lui avaient promis du travail en France. Ensemble, ils ont eu un enfant que Vedran a reconnu avec son seul papier prouvant son identité : son acte de naissance. Il les a accompagnés à l'ambassade de Bulgarie afin d'autoriser sa femme et le bébé à se rendre en Bulgarie. Puis il a été arrêté par la police à Nice. Parce qu'il avait de faux papiers achetés en Italie, il a été condamné à six mois de prison ferme, et à six mois supplémentaires pour détention d'un briquet provenant d'un vol (lui dit l'avoir acheté), assorti de dix ans d'interdiction de territoire sur tout l'espace Schengen. En prison, où il a attendu huit mois avant d'être jugé, il a appris qu'il pouvait déposer une demande d'asile. Celle-ci a été rejetée, parce que l'OFPRA, qui reconnaît la véracité de son engagement dans la guerre, affirme qu'il ne craint plus rien. Lui se sait menacé en Bosnie où des familles attendent de venger leurs morts. Devant la police il a joué franc jeu en donnant sa véritable identité et en demandant d'être envoyé en Bulgarie auprès de sa femme. Refusé. Pour autant, le consulat de Bosnie ne reconnaît pas Vedran qui avait déjà des problèmes d'identité là-bas, du fait notamment que sa mère est Serbe. Du coup, après un an de prison et un passage au centre de rétention, on se rend compte qu'il ne peut être expulsé, mais n'est pas autorisé à séjourner sur l'espace Schengen... Il ne peut pas non plus faire revenir son bébé avec sa femme de Bulgarie parce qu'il lui manque un document officiel avec sa photo pour prouver qu'il est le père. Depuis, Vedran fait appel de la décision de l'OFPRA devant la Commission de recours des réfugiés.
O. a voulu que son épouse, toujours au Sénégal, le rejoigne légalement en France. Pendant un an, il a sagement attendu la décision qui ne venait pas. Sa femme étant tombée enceinte entre-temps, il a pressé les services préfectoraux afin qu'elle puisse accoucher en France en signalant que dans l'hôpital de ville où résidait sa femme, plusieurs enfants étaient morts peu de temps après leur naissance. Rien n'a été fait. L'enfant est mort à l'hôpital. Son épouse a alors immédiatement eu l'autorisation de rejoindre enfin O.

C., jeune garçon, était en France depuis l'âge de 13 ans. Très malade, il devait subir trois dialyses par semaine. Il a dû patienter deux ans pour obtenir la carte délivrée aux étrangers malades. A l'hôpital pourtant, les médecins n'attendaient que cela pour pouvoir lui faire une greffe de reins pour laquelle il était en liste d'attente prioritaire.

Madona s'est échappée de Georgie en 1999 où son beau-frère a été assassiné d'une balle dans la tête, son mari a été porté disparu et où le KGB est venue la harceler jusqu'à la veille de son départ. Sa mère, 65 ans et sa fille, 13 ans, l'ont rejointe plus récemment. L'OFPRA a refusé de lui accorder l'asile et n'a pas accepté de la recevoir en entretien. La Commission de recours également. Son dossier a été rouvert, puis encore rejeté. Il est actuellement à nouveau devant la Commission de recours. Le 20 octobre dernier, elles ont été mise à la porte de l’hôtel qu’elles occupaient et sont à la rue : la DDASS ne paie plus leur hébergement. La grand mère, atteinte d’un cancer, est pour l’instant hospitalisée à Lacassagne : la préfecture ne lui a toujours pas délivré de carte de séjour d’un an. Cette semaine, plusieurs associations se mobilisent afin que la préfecture et la DDASS assument leurs responsabilités.

« Le migrant est uniquement considéré sous l’angle d’un flux migratoire qu’il faudrait endiguer »

Entretien avec Marie Duflo, membre du bureau du Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés, le GISTI.

— Dans quel contexte a été adoptée l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers en France ?

« L’ordonnance a été adoptée à une période où la France avait la volonté de faire venir des immigrés. Il s’agissait de réguler l’immigration, mais tout s’est fait dans une relative anarchie. Dans les années 1960, les étrangers devaient théoriquement passer par des procédures d’introduction des travailleurs. Dans la pratique, ils venaient puis régularisaient leurs situations sur place. En fait, la législation a suivi les changements des besoins économiques français. A partir du choc pétrolier de 1974, les choses se sont durcies avec la suspension officielle de l’immigration de travail. Dès lors, la liberté de circulation étant réduite pour les travailleurs immigrés, ceux-ci étaient bloqués trop longtemps seuls en France. Un peu paradoxalement donc, en même temps que l’on fermait les frontières aux travailleurs étrangers, il est devenu urgent de les entrouvrir à leur famille. »

— A partir de la « loi Bonnet » du 10 janvier 1980 qui est la première à modifier l’ordonnance de 1945, les gouvernements ne vont jamais cesser de la réformer à chaque changement de majorité. Peut-on pour autant dire qu’il y eu des politiques de droite et de gauche en matière d’immigration ?

« Affirmer qu’il y a des politiques différenciées est un peu optimiste… La loi de 1984 accordant très largement une carte de séjour de 10 ans avec choix libre du travail sur les critères de vie privée et familiale marquait une réelle avancée. Mais nous sommes globalement dans une pente descendante, avec certaines remontées au début des gouvernements de gauche, et un fléchissement vers le bas à la fin. Bien entendu, la descente est plus accentuée avec la droite : les lois Pasqua ou Sarkozy sont plus violentes que la loi Joxe. La loi Chevènement de 1998 a par exemple réintroduit des cartes de séjour « vie privée et familiale » supprimées par Pasqua qui sont presque les seules que l’on peut obtenir par les temps qui courent. Mais ce sont, selon la loi de 1998, des cartes temporaires d’un an : c’est mieux que la loi « Pasqua de 1993 mais beaucoup moins bien que la loi de 1984. Malheureusement, la gauche a manqué l’occasion d’avoir une vraie pensée originale sur l’immigration. Même au Parti communiste, où il y a de vrais engagements individuels de militants, le thème est loin d’être parmi les plus porteurs. Or, il est grand temps de faire face à la campagne extrêmement forte et xénophobe qui a cours actuellement. »

— La loi Sarkozy sur l’immigration se situe-t-elle dans la tradition des politiques de droite en la matière ou est-elle plus répressive encore ?

« Elle est dans la continuité, mais en pire. Plus répressive par le renforcement du fichage, des durées de la rétention, des sanctions pour les sans-papiers. Obsédée par l’étranger « fraudeur », fraude a priori supposée de l’état civil, du mariage mixte, de la paternité… En même temps, la loi du 10 décembre 2003, multipliait les obstacles au droit d’asile. « Une loi « Sarkozy 2 » est annoncée pour 2006, accentuant, pour les étrangers, les obstacles à l’accès aux droits fondamentaux par exemple sur le plan de la nationalité. « Faire remettre en cause le droit du sol par un ministre d’Outre-mer n’est pas innocent. François Baroin a joué sur le mythe de la femme comorienne qui viendrait accoucher en France d’un enfant immédiatement français. C’est absolument faux, mais ce genre de propos laisse toujours des traces. Il y a ainsi dans l’air une volonté gouvernementale de tester des restrictions à la nationalité et une nouvelle accélération des démarches de demandes d’asile dans les DOM d’abord, avant de généraliser à l’ensemble du territoire. »

— On a beaucoup dit que la loi Sarkozy abrogeait la double peine. Est-ce le cas ?

« Ce fut un coup de génie de M. Sarkozy qui a largement ouvert la voie au vote de la loi du 26 novembre 2003. Lors du débat parlementaire, il a fait applaudir par l’assemblée nationale unanime la « suppression de la double peine » qui ajoute pour les étrangers à une condamnation pénale une interdiction de territoire français. Personne n’avait apparemment lu cette partie de la loi. La double peine n’est en effet supprimée que pour cinq catégories d’étrangers « presque français » (1). Pendant une période transitoire d’un an qui a pris fin en décembre 2004, certains étrangers qui avaient été frappés par la double peine avant le vote de la loi ont pu déposer des demandes d’abrogation. Seuls quelques dossiers « béton » ont pu passer, du type de ceux qui ont été les plus médiatisés lors de la campagne contre la double peine. Au quotidien, celle-ci est maintenue dans la plupart des cas. « Nicolas Sarkozy prévoit-il de renouveler ce coup de génie ? Annonçant dans le Monde du 24 octobre la « loi Sarkozy 2 », il se déclarait favorable au vote des étrangers en situation régulière depuis 10 ans. Encore une grande cause que les gouvernements et les partis de gauche ont été incapables de porter ! Vont-il bientôt applaudir Sarkozy 2 pour un droit de vote pour des étrangers « presque français » et laisser passer la nouvelle loi ? »

— L’intégration est-elle une condition pour obtenir le séjour, et qu’en est-il des « contrats d’intégration » que peuvent signer les nouveaux arrivants ?

« L’obligation d’être « intégré » – notion extrêmement vague - conditionne aujourd’hui, pour certaines catégories d’étrangers, l’obtention de la carte de résident de 10 ans qui était jusque là accordée de plein droit. De fait, les étrangers sont là encore soumis au pouvoir discrétionnaire des préfets qui en délivrent de plus en plus difficilement. Les facteurs sont inversés : on précarise les étrangers en leur demandant de s’intégrer avant d’avoir un droit au séjour durable alors que l’on sait qu’une situation stable sur le territoire est une condition essentielle d’intégration ! L’intégration comme chantage au séjour est inacceptable. « Avec les Contrats d’intégration, l’un des problèmes est que l’on oblige les étrangers à suivre des cours d’apprentissage du français dès leur première carte de séjour. Certes, l’enseignement du français est important. Pourtant, les enseignants constatent que c’est souvent plus tard, en particulier pour les femmes, que les migrants ressentent le besoin d’apprendre la langue. Or, le contrat d’intégration a dépouillé les moyens d’alphabétisation à des moments choisis par les étrangers au bénéfice de ce moment unique. »

— La loi Sarkozy est-elle inspirée par la politique européenne en matière d’immigration, et quelle est cette politique ?

« Il n’y a plus de politique française d’immigration qui ne soit en même temps européenne. La tendance est la même : le migrant est uniquement considéré sous l’angle d’un prétendu flux migratoire qu’il faudrait endiguer. Dans le texte de constitution européenne, l’immigration était traitée dans le chapitre « espace de liberté, de sécurité et de justice » qui traitait aussi de la délinquance et du terrorisme. C’est significatif. « Les directives européennes sur l’immigration - par exemple sur le regroupement familial et les résidents de longue durée - et sur l’asile ont toutes procédé par va-et-vient avec les politiques nationales. Les premiers jets étaient en général assez positifs par rapports aux situations nationales. Mais après des négociations au couteau entre les Etats, et parce que les directives imposent des normes minimales, les textes adoptés l’ont été au dénominateur commun plus bas de tous les Etats. M. Sarkozy a joué de cela pour abaisser certaines normes françaises. « Plus encore qu’avec les directives, il y a une grande influence au niveau des pratiques, avec la volonté de reléguer les migrants aux frontières de l’Europe et de sous-traiter avec les pays voisins les contrôles frontaliers. »

— Des charters européens sont-ils déjà partis ?

« Le principe en a été adopté au niveau du G5 réuni début juillet à Evian, pas encore au niveau de l’Union européenne... Depuis, un charter est parti fin juillet vers l’Afghanistan, et un autre, affrété par l’Espagne, l’Italie et la France a été envoyé en Roumanie en septembre. Au-delà des charters, les enjeux chiffrés de M. Sarkozy pour plus de refoulements font que, tous les jours, nous assistons à des rafles au faciès aux sorties de métro sous prétexte de contrôles de papiers et à des évacuations de logements au prétexte qu’ils sont insalubres. »

— Qu’en est-il de la liberté de circulation pour les étrangers en situation régulière sur le territoire Schengen ?

« Elle est limitée. Si quelqu’un a par exemple un permis de séjour en Italie, il peut venir en vacances en France mais pas plus de 3 mois et sous conditions de ressources. La liberté d’installation dont jouissent les ressortissants de l’UE ne vaut pas pour les extracommunautaires. »

— Y a-t-il des textes sur lesquels s’appuyer pour démontrer le déni de droits universels par certains aspects de la politique européenne sur l’immigration ?

« Oui. Par exemple, on oppose la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui fonde le statut de réfugié à la nouvelle notion de « pays sûrs » (les demandeurs d’asile ressortissants de pays classés comme sûrs font l’objet d’une « procédure prioritaire » qui les prive de l’admission au séjour et dont le déroulement accéléré abouti presque toujours à un refus. NDLR.) qui est absolument contraire à la conception individuelle du droit d’asile. « La Convention européenne des Droits de l’homme est aussi invoquée dans les cas d’expulsions collectives comme par exemple celle qui a eu lieu en Octobre dernier de l’île italienne de Lampedusa vers la Libye ; au moins un millier de personnes ont été alors renvoyées sans même que leur nom ait été relevé. « On s’appuie aussi sur la Convention internationale des Droits de l’enfant, par exemple sur les critères extrêmement restrictifs du regroupement familial tant en France que dans la directive européenne qui lui est consacrée. Cette convention peut aussi être invoquée au sujet des décisions de refoulement qui séparent un enfant de l’un de ses parents. « Ce sont des textes que nous pouvons invoquer en recours contentieux et dans les démarches auprès du préfet.... mais dans ce dernier cas, cela marche rarement. »

— Que pensez-vous du « Réseau éducation sans frontières » (RESF) ?

C’est une très bonne chose. Le Réseau s’est constitué de façon autonome en juin 2004 avec des professeurs, des parents d’élèves, des syndicats, pour dénoncer des situations qu’ils n’avaient jusque là jamais rencontrées : comme le fait que la police vienne chercher les enfants à l’école pour tendre des pièges aux parents ou les éloigner avec eux. Ces nouvelles pratiques sont absolument terribles. RESF soulève aussi les situations d’enfants qui savent qu’ils n’auront pas de papiers à 18 ans, ou qui ont une vie difficile parce que leurs parents ne sont pas en situation régulière. Le fait de parler des enfants émeut des personnes que le droit général des immigrés touchait moins, et c’est tant mieux. »

— Que serait pour le GISTI une véritable politique d’immigration ?

« Quand les gens veulent venir, quand ils affrontent les multiples protections policières de l’« Europe forteresse » au péril de leur vie, il est absurde de ne penser qu’à élever les murailles ou approfondir les fossés comme on le fait actuellement autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Les migrants vers l’Europe ont de multiples raisons fortes d’entreprendre ce voyage. « La libre circulation des personnes éviterait beaucoup de morts. Il faut aussi savoir que les migrants ne rêvent pas tous de s’installer durablement en Europe mais peuvent avoir envie de venir voir ce qu’il s’y passe, comme tout Français a le droit de le faire là où il veut. En ne pensant qu’aux barrières, on rend impensable, après un voyage aussi périlleux, de quitter le pays où l’on est arrivé. « En renforçant ensuite les difficultés à obtenir un statut régulier, on fabrique des sans-papiers exploités et privés de droits essentiels. En multipliant les emplois précaires pour étrangers — sans-papiers, travail saisonnier ou temporaire — on renforce la dépendance des étrangers vis-à-vis de leur employeur au détriment du droit du travail. La liberté d’installation est la seule manière de défendre le droit des gens, le droit du travail et même l’intégration dont on parle tant. « C’est pourquoi le GISTI prône la liberté de circulation et d’installation pour tous… »

Propos recueillis par Anne-Laure DE LAVAL
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(1) La peine d’interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsque est en cause : Un(e) étranger(e) qui prouve vingt ans de présence en France. Un(e) étranger(e) qui prouve dix ans de présence en France, marié depuis au moins trois ans à un(e) Français(e), à condition que le mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n’ait pas cessé. Un(e) étranger(e) qui prouve dix ans de présence et établit assurer l’entretien et l’éducation de son enfant mineur français. Un(e) étranger(e) titulaire d’une carte de séjour pour une maladie d’une extrême gravité qui ne peut être soignée au pays d’origine.

Situations critiques au quotidien

Au niveau national, il y a environ 13.500 places en CADA (Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile) pour 60.000 demandeurs d’asile. Localement donc, la crise est sévère. Seules quelques familles, dans les situations les plus catastrophiques, peuvent être hébergées en CADA. Les célibataires ont peu de chance d’y accéder et peu de places sont de toute façon prévues pour eux. Au cours de l’été, Nicolas Sarkozy, toujours lui, a exigé que l’on expulse des CADA les demandeurs qui avaient obtenu le statut de réfugié, alors que chacun sait qu’ils ne pourront jamais trouver à se loger immédiatement, a fortiori dans notre département. La DDASS, qui a encore perdu des budgets, a alors envoyé aux associations gérant les CADA des listes de personnes à expulser. Quand les associations ont fait suivre la lettre aux familles en leur demandant de quitter les lieux, la révolte a été immédiate. « Aujourd’hui, témoigne une jeune femme travaillant dans une des associations, on ne paie même plus l’hébergement en hôtel de certaines familles. Elles vont devoir se débrouiller seules, sans rien. » La récente réforme de l’AME (Aide médicale d’Etat) a par ailleurs entravé l’accès aux soins des « sans-papiers » qui doivent prouver trois mois de présence en France pour y accéder. Or, comme toujours, les migrants ont quelques difficultés à présenter des documents « officiels » attestant de leur présence puisqu’ils se maintiennent volontairement dans l’ombre. « Nous n’avons parfois aucune solution pour des personnes. Nous leur faisons alors une attestation de présence et leur demandons de revenir trois mois plus tard », explique Sandrine Babé, assistante sociale à « Médecins du monde ». La circulaire du 16 mars 2005, adoptée sous la pression européenne, a organisé la prise en charge directe des soins urgents dont peuvent bénéficier les « sans-papiers » non bénéficiaires de l’AME : les IVG, les grossesses, les soins aux mineurs et les soins considérés comme impérieux par le médecin hospitalier. Pour ce qui concerne le travail, on sait que les migrants trouvent facilement à s’employer dans la région, en particulier sur les chantiers pour les hommes. Outre qu’ils sont logiquement fort mal payés, ils ne le sont souvent pas du tout, ou à moitié, ou en dix fois... Ainsi, au centre de rétention, les intervenants de la CIMADE tentent fréquemment, souvent vainement, d’intervenir auprès des employeurs pour récupérer des salaires non versés. « Aussi, affirme Ingeborg Verhagen, après des descentes sur des chantiers où se trouvent des travailleurs clandestins, les employeurs ne sont jamais inquiétés. En revanche, les « sans-papiers » sont, eux, placés en rétention. » Et il en va exactement de même pour les prostituées, généralement originaires des pays de l’Est : « Jamais, nous n’avons vu un client arrêté ». Bien pire, les témoignages concordants de plusieurs « retenus » font apparaître un univers souterrain où pressions et corruption sont omniprésents. Souvent, les fonctionnaires de plusieurs ministères sont directement mis en cause.

Ouvrage sur le droit des étrangers et l’influence du droit international

« LE STATUT INTERNE DES ÉTRANGERS ET LES NORMES SUPRANATIONALES »



De Christel Cournil

(Préface Jean-Pierre Théron)



Le droit des étrangers est en plein essor sous l’influence des normes supranationales (traités, conventions, droit de la CEDH, etc.) et notamment du droit communautaire (directives et règlements communautaires). Cette étude porte sur l’influence de ces normes qui participent directement ou indirectement à la mutation du statut interne de l’étranger. On assiste à l’émergence d’un régime migratoire supranational. La Convention de Genève, les accords bilatéraux mais surtout la politique communautaire de l’asile et d’immigration font émerger un véritable statut supranational pour l’étranger. Cette recherche permet notamment de mesurer le degré de communautarisation du statut interne de l’étranger ordinaire mais aussi celui du demandeur d’asile. L’entrée, le séjour et la sortie de l’étranger et du demandeur d’asile sont régis par ces nouvelles normes. Parallèlement à ce phénomène de communautarisation, le droit interne connaît une montée en puissance des droits internationaux des droits de l’Homme. De ces différentes normes et jurisprudences internationales, se dégage un ensemble de droits et libertés protecteurs pour l’étranger. Ces garanties supranationales viennent donc compléter le statut interne de l’étranger. Ces différentes garanties n’ont pas le même effet sur le statut de l’étranger. Si certaines assurent une fonction de « correction » dans le statut interne, c’est à dire qu’elles améliorent le statut interne en accentuant une protection déjà existante dans statut de l’étranger, d’autres, au contraire, ont une fonction « innovante » puisqu’elles apportent des garanties jusqu’ici inédites dans le statut interne de l’étranger.

***

Melle Christel COURNIL

Docteur en Droit public. Post-doctorante CNES (LMTG - Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse).

Membre associé du Centre de recherche Théorie des Actes et du Contrôle des Institutions Publiques (TACIP) et du Centre d’Études et de Recherches sur les Droits de l’Homme (CERDH) à l’Université des Sciences Sociales -Toulouse 1.

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Collection LOGIQUES JURIDIQUES - L’Harmattan

•744 pages

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SOMMAIRE



Première Partie : Un régime migratoire supranational



Titre I : Le statut du ressortissant de pays tiers tempéré par des statuts particuliers

Sous Titre I : Le statut communautaire du ressortissant de pays tiers

Chapitre I : L’entrée uniformisée et l’admission au séjour en cours d’harmonisation communautaire

Chapitre II : La sortie du ressortissant de pays tiers « indésirable » en cours d’harmonisation

Sous Titre II : Les autres statuts supranationaux : des traitements particularisés

Chapitre I : Le traitement des ressortissants de pays tiers particularisés par des accords bilatéraux

Chapitre II : Le traitement des ressortissants de pays tiers particularisés par le droit communautaire



Titre II : Un statut largement communautaire pour le demandeur d’asile

Sous Titre I : Des standards procéduraux communautaires

Chapitre I : Un mécanisme commun de détermination du pays responsable de l’examen des demandes d’asile

Chapitre II : Une harmonisation difficile du système commun de recevabilité et d’accueil des demandes d’asile

Sous Titre II : Des protections substantielles

Chapitre I : Coexistence de définitions supranationales du réfugié : le statut conventionnel et la « définition communautaire »

Chapitre II : De nouvelles protections communautaires : diversification des formes d’asile





Deuxième Partie : Des garanties supranationales complémentaires



Titre I : La fonction « correctrice » du droit international des droits de l’Homme sur le statut interne de l’étranger



Sous Titre I : Les protections « correctrices » émanant de l’autorité jurisprudentielle européenne

Chapitre I : Contribution de la jurisprudence européenne à la protection de la « vie privée et familiale » de l’étranger

Chapitre II : Les garanties procédurales européennes et le contentieux des étrangers

Sous Titre II : Les « corrections » ponctuelles émanant des autres instruments internationaux

Chapitre I : La protection « casuistique » de l’enfant étranger issue de la Convention internationale des droits de l’enfant

Chapitre II : Le faible impact des autres instruments internationaux



Titre II : La fonction « innovatrice » ou « rénovatrice » du droit international des droits de l’Homme sur le statut interne de l’étranger



Sous Titre I : Des garanties « rénovées » par la Cour européenne des droits de l’Homme

Chapitre I : L’étranger protégé contre la torture, les peines ou les traitements inhumains ou dégradants : un nouveau principe de non-refoulement

Chapitre II : L’égalité de traitement en matière de droits sociaux des étrangers et l’influence décisive de la jurisprudence européenne

Sous Titre II : Les autres garanties internationales : des protections novatrices mais limitées

Chapitre I : L’impact de certains textes internationaux des droits de l’Homme : des garanties innovantes mais peu exploitées

Chapitre II : La protection médiate du droit international : les principes généraux du droit applicables aux étrangers.



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vendredi, novembre 18, 2005

Dix procédures d'expulsion ont été lancées contre des participants aux violences

Le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy a annoncé, mardi 15 novembre à l'Assemblée nationale, que "dix procédures [d'expulsion] ont été engagées" contre des étrangers ayant participé aux violences urbaines. Il avait demandé la semaine dernière aux préfets d'engager des procédures d'expulsion d'étrangers qui auraient participé aux émeutes depuis le 27 octobre, "dans tous les cas où la loi le permet".

Ces expulsions sont rendues possibles par la loi en cas de "menace grave pour l'ordre public", et ne font pas partie de la législation sur l'état d'urgence. Cependant, la loi protège certaines catégories d'étrangers vivant en France : les mineurs, les personnes arrivées avant l'âge de 13 ans, et celles qui ont de forts liens familiaux avec la France.

"Il ne s'agit pas de faire du chiffre, c'est une question de principe", avait expliqué samedi M. Sarkozy, refusant de donner une estimation du nombre d'expulsions. Le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, avait reconnu lundi que "très peu de personnes" seraient concernées par ces mesures.

L'annonce de Nicolas Sarkozy a suscité de vives critiques des associations de défense des droits de l'homme, unanimes à dénoncer "une application de la double peine". Le Conseil d'Etat a rejeté samedi une requête en référé de SOS-Racisme demandant la suspension de cette décision.

Les arrêtés d'expulsion, qui peuvent être pris par le ministre de l'intérieur ou les préfets, sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif, puis le Conseil d'Etat. Si poser un recours ne suspend pas l'exécution de la décision, une décision cassant l'expulsion permet de revenir en France, ce qui aurait un effet dévastateur pour le gouvernement.

Autre article :

En outre les préfets pourront-ils « expulser sans délai » les jeunes étrangers - ils sont environ 120, en majorité en situation régulière - interpellés depuis le début des violences urbaines, comme le leur a demandé Nicolas Sarkozy, mercredi 9 novembre ?

Tout étranger majeur se trouvant en France peut être expulsé, qu'il soit en situation régulière ou non, par arrêté du préfet ou du ministre de l'intérieur, si sa présence sur le territoire français constitue une « menace grave à l'ordre public ». Il s'agit de la seule condition de fond. La loi du 26 novembre 2003 a supprimé une autre condition : celle d'avoir été définitivement condamné à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement ferme.

Les étrangers que M. Sarkozy entend faire expulser sont susceptibles de faire l'objet d'une procédure judiciaire. S'ils étaient condamnés, leur expulsion devrait intervenir après leur peine, ce qui s'apparenterait à une double peine.

ABSENCE DE MOYENS

L'administration devra motiver sa décision de les expulser. Or la loi du 23 novembre 2003 a renforcé la protection contre l'expulsion de certaines catégories d'étrangers ayant des attaches familiales particulièrement fortes en France, notamment ceux arrivés en France avant l'âge de 13 ans.

Cette protection ne peut être remise en cause que lorsque le comportement de l'intéressé est de nature à « porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat », lié à des activités à caractère terroriste ou « constitue des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

L'administration pourra certes considérer que mettre le feu à une voiture constitue une menace à l'ordre public. « Mais il lui sera difficile de faire admettre au juge administratif, qui contrôle ce type de décision, qu'un tel comportement se rattache à l'une des hypothèses remettant en cause la protection contre l'expulsion », relève Danièle Lochak, professeur de droit et membre du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti).

Les préfets peuvent aussi, pour éloigner des personnes, prononcer des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF). Cependant, cette mesure administrative sanctionnant le défaut de régularité du séjour ne pourrait s'appliquer qu'aux rares jeunes en situation irrégulière interpellés.

Pour sa part, SOS-Racisme a annoncé, jeudi 10 novembre, avoir saisi le Conseil d'Etat pour qu'il statue sur la décision de M. Sarkozy de demander l'expulsion de ces étrangers.

Le volontarisme affiché par le ministre de l'intérieur bute aussi sur l'absence de moyens dont dispose l'Etat pour appliquer ses propres décisions. En pleine explosion, le contentieux des étrangers représente désormais le quart des requêtes enregistrées par les tribunaux administratifs.

La moitié des recours (environ 16 500) concernent les reconduites à la frontière, qui forment elles-mêmes la majorité des mesures d'éloignement (64 200 arrêtés de reconduite administrative, 5 400 interdictions judiciaires du territoire, 300 mesures d'expulsion comptabilisées en 2004) : ce contentieux a augmenté de 50 % entre 2003 et 2004, et encore de 21 % de juin 2004 à juin 2005.

Sur les 64 000 arrêtés de reconduite à la frontière, seuls 20 % ont été exécutés. Pour ceux envoyés par voie postale, soit la moitié, le taux descend à... 1 %. En outre, 18 % des décisions de reconduite et 14 % des expulsions, sont annulées par les tribunaux.

Dans les dossiers d'éloignement, les juges administratifs ont du mal à obtenir du ministère de l'intérieur qu'il vienne se défendre dans la procédure. « Les préfectures ne prennent pas le temps de réexaminer la situation des personnes, dont certaines sont devenues par exemple parents d'enfants français, explique Sabine Saint-Germain, présidente de l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA). Le système, pour une bonne part, tourne à vide. »

Les familles avec enfants scolarisés ne seront plus expulsables avant l'été

Nouvelle circulaire envoyées aux préfets

COMME il l'avait annoncé en juillet, le ministre de l'intérieur a adressé aux préfets, lundi 31 octobre, une circulaire précisant les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière. Face à la mobilisation croissante de collectifs de soutien aux jeunes scolarisés et à leurs familles menacées de reconduite à la frontière, Nicolas Sarkozy affirme vouloir développer une « politique d'immigration à la fois ferme et humaine ».

En introduction de la note, il rappelle que « le gouvernement n'entend pas procéder à des opérations de régularisation massives et indifférenciées » et que la situation des étrangers sollicitant un titre de séjour ne peut être examinée qu '« au cas par cas ». La circulaire invite les autorités préfectorales à se montrer attentives à la situation des femmes victimes de violences conjugales, des personnes victimes d'esclavage moderne, et à celle de certaines familles.

« Des considérations humanitaires peuvent justifier, sous certaines réserves, l'admission au séjour de membres de familles présents sur le territoire national depuis de nombreuses années et qui ont manifesté une réelle volonté d'intégration », relève le ministre. Il demande aux préfets d'apprécier « le degré d'intégration et d'insertion dans la société française » des familles, à partir d'une série de critères familiaux et socio-économiques (disposition d'un logement et la présentation par les parents de promesses d'embauche...).

Le ministre « insiste » toutefois sur le « caractère particulièrement exceptionnel des mesures d e régularisation de cette nature » et rappelle aux préfets qu'il leur « appartient de reconduire à la frontière les familles pour lesquelles un traitement humanitaire n'est pas envisagé ».

M. Sarkozy leur demande cependant de veiller à « ne pas mettre à exécution avant la fin de l'année scolaire l'éloignement de familles dont un enfant est scolarisé depuis plusieurs mois » (Le Monde du 25 octobre).

Il n'est cependant pas question pour autant de délivrer à leurs parents des titres de séjour, même provisoires. L'exécution de leur arrêté de reconduite à la frontière sera simplement différée.

Laetitia Van Eeckhout